Nous y étions. C'était le grand jour. J'avais peur. Ce fut la boule au ventre que je descendis chercher mes camarades. J'avais appris que Denis participerait finalement au combat. Cela allait le faciliter la tâche, même si je me doutais qu'il allait se cacher et se protéger.
Je déployai mes ailes pour la seconde fois de ma vie. J'allais réaliser le rêve de l'humanité, voler.
Je me tournai vers mes trois compagnons et leur dis :
« Bien. On se répartit les tâches. Elysia tu vérifies que personne ne s'échappe. Paul tu diffuses ton « amour » sur les soldats ennemis. Estebann tu restes au sol et tu nous couvres. Moi je me débarrasse des ennemis. Je veux qu'on retrouve notre chef le plus rapidement possible. Le premier qui le voit lance un appel mental aux autres. »
J'avais fait attention de respecter le désir d'Estebann de ne pas nous révéler sa couleur d'yeux. Il n'était même pas obligé de déclencher son pouvoir, on nous avait fourni des armes normales, même si j'avais préféré me débarrasser de mon pistolet.
Je me retournai et attendis le signal. Je sentais la présence rassurante de mes amis dans mon dos. Ely et Paul avaient aussi déployé leurs ailes d'un blanc pur, éclatant, comme les miennes. Je sentais leur puissance dans leur aura. Mon angoisse disparut, remplacée par l'adrénaline lorsque le signal retentit.
Je m'élançai. J'avais appris à viser lors de mes entraînements aussi n'avais-je aucun mal à ne toucher que les soldats de Denis. Je faisais trembler la terre sous leurs pieds, ils disparaissaient dans des pièges végétaux qui les étranglaient. J'aidais ainsi les soldats de Lara, c'était elle la « chef » de notre organisation. Ils étaient forts mais je tressaillais chaque fois que l'un d'eux étaient touché.
Soudain, je repérai des visages connus dans la foule informe qui se mêlait. Mes anciens patrons... J'avais presque oublié qu'ils avaient reçu Denis et adhéraient à ses projets. Je sentis ma colère monter. Ils voulaient d'autres comme moi afin de se servir d'eux, comme il l'avaient fait avec moi. Ils étaient en train de menacer une jeune mère et son fils d'environ quatre ans, probablement qu'ils passaient dans la rue au moment du début des combats. Qui était l'inconscient qui avait fourni à ces tortionnaires une arme à feu ?
Je me plantai devant eux, faisant rempart de mon corps à la femme et à l'enfant. J'envoyai exploser l'arme au sol plus loin et les transperçai d'épines de roses, qui, sous mon pouvoir, devenaient comme des couteaux. Mes ailes cachaient la scène au petit et, avant de me retourner vers lui, je soulevai la terre afin d'en couvrir les corps. J'étais tendue et je savais que mon regard était devenu dur, implacable. J'étais finalement devenue la machine que je ne voulais pas être.
Je me tournai vers la femme et l'enfant, forçant mon visage à devenir plus doux et leur dis : « Je suis désolée qu'ils s'en soient pris à vous. Ils ont toujours été des personnes abjectes. Voulez-vous que je vous emmène en sûreté ?
- Je vous en prie. Il ne devrait pas voir cela, ajouta la femme en désignant son fils.
- Alors mon grand, fis-je au petit, est-ce que tu veux voler avec moi ?
- Oui... me répondit-il, intimidé mais avec des étoiles dans les yeux. »
Je lui souris, sa mère le prit dans ses bras et je les entourai des miens. Nous décollâmes en douceur et je pris rapidement de l'altitude afin de réduire les bruits affreux du combat qui faisait toujours rage sous nous. Aucun des autres ne devait avoir trouvé Denis puisque je n'avais reçu aucun message mental. Je déposai loin du champ de bataille la mère et le fils, émerveillés tous les deux par le vol, leur fis un signe d'adieu et repartis en sens inverse, vers le cœur des combats.
Les coups de feu retentissaient, certains se battaient même à mains nues. Là où Paul était passé, les combats s'arrêtaient, à la faveur de tapes dans le dos et de sourires décontenancés. Estebann n'avait pas failli à sa mission, je n'avais essuyé aucune attaque. Le savoir en train de se battre pour nous protéger me donnait un sentiment de confiance. Il ne laisserait personne nous faire du mal, au contraire de moi qui les avais abandonnés.
Je m'autorisai quelques instants pour profiter de la sensation que me proférait le vol, et me distraire de mes sombres pensées. Je sentais l'air glisser sur mon corps, sur mes ailes, dans mes cheveux qui flottaient au gré du vent, j'avais dû perdre mon élastique...
Puis, soudainement, Denis surgit dans mon champ de vision. Il était sur le toit d'un bâtiment.
- Je l'ai ! Sur le toit de l'immeuble bleu !
Je repérai Estebann et plongeai l'attraper par la taille. Nous nous élevâmes ensemble vers le fameux immeuble. C'est alors qu'il murmura :
« Mais où va donc sa loyauté ?
L'évidence est sous votre nez. » Je posai le plus délicatement possible Estebann puis avançai alors que Paul et Ely atterrissaient. Nous formions un arc de cercle autour de Denis. Estebann était à ma gauche et Paul et Ely à ma droite.
Je remarquai soudain un détail important. Denis tenait une sorte de gros fusil. Je devais le convaincre le plus longtemps possible de ma loyauté envers lui. Aussi esquissai-je un signe de tête comme salut.
Il me lança un sourire carnassier et me dit :
« Ma belle Aanor, tu croyais vraiment que je n'avais pas remarqué que tu ne t'en prenais qu'à mes soldats ? Que tu avais tué tes anciens patrons ? En plus tu étais la seule au courant de mon plan pour aujourd'hui. La seule qui puisse me trahir et avertir mes ennemis. Tu me déçois tellement... Nous aurions pu régner ensemble et tu aurais eu tout ce que tu voulais. Mais bon, je réussirai sans toi, j'ai l'habitude de diriger seul. Je vous conseille de ne rien tenter contre moi car, grâce à ton généreux don de sang, j'ai pu fabriquer une arme qui fonctionne très bien contre votre sang un peu différent de celui des humains lambda. »
Son discours se voulait très assuré mais son regard le trahissait. J'avais appris à décrypter ses émotions et ses sentiments. Il n'était absolument pas sûr de lui.
Pendant qu'il nous menaçait, j'essayai de repérer le plus vite possible le détail qui ferait pencher la balance en notre faveur. Il était seul mais ce n'était pas son problème. Il avait l'habitude de tout faire seul.
Allez fais marcher ton cerveau Aanor ! Réfléchis, regarde, observe ! Allez Aanor !
Les combats faisaient moins de bruit grâce à l'aura que le pouvoir de Paul lui faisait dégager. Je regardai frénétiquement autour de moi puis je remarquai que rien ne meublait le toit. L'évidence me frappa soudain. Il n'avait qu'une seule munition !
Je pris alors une décision qui pourrait tout faire basculer. Tout alla très vite. Je m'avançai et d'un même mouvement fis pousser une cage végétale autour de Denis. Je vis l'hésitation dans son regard, ce qui confirma mon intuition, puis il tira. Je sentis une douleur affreuse me déchirer de l'intérieur, m'envolai en hurlant et retombai plus loin, à peine capable de garder les yeux ouverts. Les autres comprirent que l'unique munition avait été épuisée, que je m'étais sacrifiée pour l'immobiliser et gâcher le premier et dernier tir de son arme. Ils lancèrent une vague de pouvoir pur, un rayon de lumière bleue sortit du bras tendu d'Elysia, un jaune pâle de Paul mais je ne voyais plus Estebann et ne sus pas de quelle couleur était son rayon. Les trois lumières se regroupèrent en une sphère brillante, qui flottait. Je puisai dans mes dernières forces, levai le bras et, sans que je sache comment, lançai l'attaque qu'attendait la sphère pour aller exploser contre Denis.
Je fermai les yeux lors de l'explosion et sentis un poids chaud et réconfortant se poser délicatement sur ma poitrine. Loki... Comment était-il arrivé et comment avait-il su où j'étais ? Je n'avais plus assez de forces pour lui poser la question. Cependant il avait dû la deviner car il me lança :
- La force du lien très chère...
Sa présence me fortifiait, il m'envoyait un peu de son énergie, et quand je sentis de l'agitation autour de moi et une main serrer la mienne avant de la lâcher pour me soulever de terre, je pus rouvrir une dernière fois les yeux.
Avant de sombrer dans l'inconscience, je rencontrai des yeux d'un violet magnifique.
***
Le dixième chapitre !
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La Prophétie des Quatre
Novela JuvenilAanor vit exploitée dans un café depuis qu'elle a dix ans. Un jour, un homme étrange la rachète à ses « patrons » et l'emmène dans un lieu nommé le Complexe. Les gens au couleurs d'yeux étranges qu'elle rencontre là-bas lui affirment que ses sombres...