Chapitre second, le vent et les nuages

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Dès qu'ils eurent les ordres, deux Nazgûl partirent et, plus vite que les nuages, plus rapide que les vents, ils arrivèrent devant l'entrée de la Moria. L'eau remuait encore, le Guetteur venait de se rendormir. Plus discrets que les morts, plus silencieux que les tombes, ils mirent pieds à terre, repérèrent aussitôt les traces de pas très récentes. Ils écoutèrent attentivement contre la parois de pierres éboulées et perçurent les pas qui résonnaient et les paroles inquiètes. La Communauté de l'Anneau était rentrée dans la Moria, et elle n'avait aucun moyen de faire demi-tour. Les Nazgûl reprirent leur envol.

Plus discret que les morts, plus silencieux que les tombes, l'un se posta à la sortie, guettant avec patience, telle l'araignée tisse sa toile et voit la mouche tourner, tourner, jusqu'à se prendre dans ses filets. L'autre spectre partit, plus vite que les nuages, plus rapide que les vents, il prévint son maitre, qui lui même prévint naturellement Sauron et une voix dans son esprit rit allègrement en entendant la nouvelle.

"La ferme !

- Je suis un génie !

- Tu es un imbécile."

Mais il sourit et repensa aux Temps Anciens, comme il les appelait. Il aimait ces temps. Les Temps Moyens avaient été les plus durs. Et les Temps Présents étaient bien sur les plus compliqués, sans recul, sans rien d'autre que la nostalgie et la colère.

Quelques jours après, sept Nazgûl, plus discrets que des morts, plus silencieux que des tombes, plus patients que l'araignée qui tend sa toile, sept Nazgûl étaient postés à la sortie de la Moria. Des archers se tenaient près et guettaient, nuits et jours, des orcs montaient la garde, jours et nuits. Sauron n'attendit pas. De son esprit, il tissa un filet de ténèbres dont chaque branche était empreinte de sa colère, sa rancoeur, ses maléfices. Pour faire une corde, il faut des fils. Tous les fils étaient noirs, sauf un, un blanc, qui brillait faiblement, invisible au milieu des autres fils de nuit. Ce fil unique était le point fort et le point faible de ce filet.

"Quel que soit l'être dont on puisse parler - si ce n'est Eru lui même - personne n'est tout noir ou tout blanc. Manwë a peut être une robe de neige, mais le givre l'a rendu aveugle. Je suis peu être noir d'esprit, mais je possède moi aussi une partie blanche. Que cet aveugle a écrasée. Il n'a rien compris. C'est ce fil unique que j'essaie de retrouver."

Dans la Communauté de l'Anneau, se trouvait l'Istari de Manwë : Olorin pour l'Ouest, Mithrandir pour les elfes ou bien encore Gandalf pour les Humains. Se trouvait aussi Grand-pas, ou l'Arpenteur, mais son véritable nom était Aragorn, descendant d'Isildur. Eux deux et eux deux seuls étaient capables de briser ce filet. Cependant, ce fil blanc, lui, ne pourrait être défait. Ou bien eux mêmes deviendraient noirs. Ils ne sauraient d'où venait cet éclat, cette lueur si unique, et cette apparition pourrait se retourner contre Sauron, il le savait. Cependant, il était nécessaire pour récupérer son esprit, contenu dans l'Anneau, et alors, il aurait tous ses moyens.

Ce filet, c'est Angmar qui l'apporta et ce fut le dernier à arriver. C'est peu avant le crépuscule du jour suivant, la Communauté émergea des mines de la Moria. Ils crurent voir la lumière du soleil, ils crurent être sauvés, mais une nuit implacable, sans la moindre lueur, s'abattit alors sur eux. Olorin n'était pas là. Ils ne comprirent pas, désœuvrés sans leur guide, accablés de chagrin et de lassitude. Leurs coups furent vain. Seul Aragorn, dans un effort désespéré, aperçut le fil blanc, crut percevoir son éclat. Puis les ténèbres l'emportèrent et comme les autres, il plongea dans l'inconscience.

Les Nazgûl les ligotèrent solidement et les emportèrent jusqu'à Barad Dûr. Les prisonniers reprirent connaissance quelques heures après, à la lueur de torches, sur un lit aux draps noirs.

Le MordoréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant