Ivoirien apprenti poète
J'attendais la sonnerie de la dernière heure de cours avec impatience, prêt à remballer mes affaires vitesse grand V pour pouvoir profiter de ma chance de pouvoir ainsi rapper.Ici, on me connaissait comme « l'ivoirien slameur », j'avais même un nom de scène « WandN », et quand j'y repense ça me fait toujours rire. Moi, Wandja, le timide qu'on entendait seulement quand on l'obligeait à parler, j'étais l'un des gars les plus populaires du collège !
L'horrible tintement qui brisa mes oreilles fit apparaître un grand sourire sur mon visage, et après un clin d'œil entendu à ma troupe, on courut tous dans le couloir pour créer notre scène.
« Ma troupe », n'était qu'une façon de parler de Salma et Greg, mes deux plus proches amis ici. Quant à « notre scène », ce n'était rien de plus que le hall du collège, où les élèves passaient pour sortir, où les parents attendaient pour des réunions, et où les profs soupiraient, exténués avant de jouer à cache-cache avec leur voiture sur le parking.
Je m'installai comme habituellement, à côté de la grande porte et allumai mon enceinte. Lorsque Salma nous donna le feu vert, Greg lança la musique.
C'était une habitude que j'avais prise, sous l'initiative de ma professeure de musique avec qui j'étais très proche quand j'étais arrivé ici. Elle avait lu mes poèmes, et m'avait demandé un jour de les lui slamer. Suite à ça, elle m'avait fait participer au concours des jeunes talents de l'établissement, et m'avait donné la permission de rapper à la fin des cours, pour les élèves qui attendaient les bus, pour leurs parents, et pour les profs épuisés de leur journée.
Depuis, le vendredi de la semaine de la rentrée, je chantais encore et toujours cette même chanson.
Cette chanson, je n'avais même plus besoin de mes notes pour la chanter, je la connaissais pas cœur, ce n'était plus moi qui slamais mon texte, mais mon cœur qui le déclamait au monde entier.
Je me souviens d'il y a deux ans, quand je suis arrivé ici, c'était cette chanson qui m'avait fait connaître, qui m'avait fait trouver ma place, qui m'avait fait assumer mon accent, bien que je l'ai malheureusement légèrement perdu depuis...
Mais mon accent, c'était comme ma nationalité, je n'avais pas besoin qu'il soit marqué sur des papiers pour m'en souvenir, et même s'il ne sortait plus que par à-coup de ma bouche, je l'entendais dans chaque mot de mon père, chaque odeur des plats de ma mère, et à chaque fois que je regardais mes photos prises là-bas, de l'autre côté de la mer, dans le plus beau des pays.
C'était cette même nostalgie et cette même fierté qui me venaient et qui m'entraînaient à sortir mon texte. Une nouvelle fois, je slamais en ton honneur, toi ma belle Côte d'Ivoire.
Couplet 1
Là-bas, de l'autre côté de cette planète,
Il y a mon retour que j'attends que l'on fête,
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LGBTextes - Recueil de textes indépendants
Historia CortaLGBTextes, c'est un recueil d'OS indépendants. Les genres (littéraires, mais pas que ;)) varient : nouvelles, poèmes de tous types, slams, chansons ; les personnages aussi et vous offrent un panel très large d'identités queers et d'histoires singuli...