Chapitre 2 : Monsieur Tomasson

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Ella sentit une délicate chaleur caresser son visage. Elle ouvrit les yeux qu'elle plissa aussitôt, éblouie par les quelques rayons du soleil qui s'étaient frayés un chemin dans sa chambre, baignant son lit dans un halo de lumière.

Elle s'étira bruyamment, repoussa une mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux, et se leva d'un bond en direction de la salle de bains.

Le miroir lui renvoya alors crûment son reflet, la laissant stupéfaite.
La jeune femme observa, ahurie, ses yeux verts qui semblaient différents... très différents.

« Merde, c'est quoi ça encore ? » s'interrogea-t-elle.

En s'approchant du miroir, elle vit comme des petites paillettes dans son iris. Il arrivait parfois que la couleur de ses yeux se nuance légèrement en fonction de la luminosité, mais cette fois, c'était bien plus flagrant.
Ce phénomène, bien qu'étonnamment joli, lui sembla extrêmement inquiétant.

« Ok. On ne panique pas. C'est forcément passager. De toutes façons, même si j'appelle un ophtalmo aujourd'hui, je n'aurai un rendez-vous que dans six mois », grommela-t-elle intérieurement.

Ella, qui n'était pas du genre à vraiment s'écouter, tâcha de dédramatiser malgré l'angoisse naissante qui commençait à l'étreindre.
Le déni étant devenu une de ses spécialités ces derniers mois, elle éluda sciemment son anomalie oculaire, se débarbouilla, et renonça à l'idée de se maquiller.
Elle espérait ainsi passer la plus inaperçue possible pour se rendre en cours.

L'étudiante sauta dans un jean gris délavé, enfila un petit débardeur blanc et une paire de baskets, tout en laissant ses pensées vagabonder à la journée de la veille.

Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle s'était évanouie, et encore moins que cela arrive concomitamment au malaise de son professeur.

Puis, lui causant un léger trouble, l'image des yeux bleus de Joan s'imposa à son esprit.
Elle se souvenait qu'il lui avait dit quelque chose de spécial quand elle avait repris conscience, mais ne parvenait pas à se remémorer les mots exacts.

Ce matin là, en empruntant les couloirs de l'université, Ella eut la désagréable impression d'être constamment dévisagée.
Espérant ne plus croiser aucun regard, elle baissa les yeux durant tout le trajet jusqu'à l'amphithéâtre.
« Ma pauvre fille, tu n'es pas le centre de la terre... cesse de psychoter », se raisonnait-elle.

Elle repéra Claire en train de prendre place dans l'amphi et la rejoignit, ne pouvant dissimuler l'humeur maussade de sa voix.

— Salut, Claire.

— Salut ! Whaou ! T'as mis des lentilles ?

L'intéressée baissa les yeux, gênée, et fit mine de ne pas comprendre :

— Quoi ? N'importe quoi, pourquoi tu dis ça ?

— Ben à cause de tes...

— S'il vous plait, coupa le professeur, j'ai une annonce à vous faire, un peu de silence, je vous prie...

Le professeur patienta quelques secondes afin de capter l'attention de ses élèves et reprit :

— Je suis désolé de vous apprendre que... comment dire ça... et bien, c'est avec une grande tristesse que nous avons appris ce matin que votre professeur, Monsieur Tomasson, était décédé tragiquement hier...

Il tenta de couvrir les murmures qui commençaient à jaillir de toute part, en levant légèrement la voix :

— Nous avons conscience que cet événement, auquel certains étudiants ont malheureusement assisté, peut en avoir choqué plus d'un. C'est pourquoi, l'université a mis en place une cellule d'aide psychologique pour ceux qui éprouveraient le besoin d'en parler....

Un bruissement d'ailes et un battement de cilsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant