Un bruissement d'ailes et un battement de cils

Chapitre 19 : La crique

Tandis qu'Eliot s'affairait dans le bateau, Ella retira son short en jean et plongea dans l'eau.

Pendant qu'elle nageait, elle ne put s'empêcher de laisser divaguer ses pensées. Elle était assez surprise de se retrouver seule avec Eliot et se demandait si Judith et Alex les rejoindraient.

Elle repensait aux derniers événements et à Joan qui avait menacé de la tuer.
La jeune femme hésitait à en parler aux Enkeli, ayant du mal à cerner le lien qu'ils entretenaient avec Joan.
Étaient-ils vraiment de son côté ?

Joan était le premier à l'avoir éclairée sur sa vraie nature. Il lui avait semblé être soucieux qu'elle réussisse son «éclosion », ce qui l'avait poussée à lui faire confiance.
Elle avait eu tort et elle s'en voulait terriblement d'avoir été dupe à ce point.

Elle prit une profonde inspiration, et en apnée, plongea sous l'eau.
Enfin, tout était silencieux, reposant.
Elle chassa ses tourments et se concentra sur ses sensations, sur les petites bulles qui chatouillaient sa peau, les légers cliquetis provenant de l'eau qui dansait sous le bateau, puis un bruit sourd, vibrant la fit sursauter.

Il s'agissait d'Eliot qui, aussi léger qu'un éléphant, s'était jeté à l'eau.

— Quelle grâce ! s'esclaffa t-elle en sortant la tête de l'eau.

— T'as vu ça ? Et dire que je suis premier de l'équipe de natation avec ma délicatesse de phacochère !

- De phacochère, t'es gentil ! J'aurais dit un éléphant !

Pour toute réponse elle reçut une gerbe d'eau en plein visage.

Ils se chamaillèrent ainsi dans l'eau en toute légèreté et l'espace d'un instant, Ella oublia qu'elle n'était plus une simple humaine.

Eliot remonta en premier dans le bateau puis lui tendit les mains pour la hisser à bord.

— Merci Eliot, qui aurait cru que tu puisses être si prévenant ? le titilla t-elle.

— Je n'en reviens pas moi-même, répondit-il en lui lançant un clin d'œil.

Il baissa la tête et continua :

— S'il te plaît, j'aimerais que cette journée reste entre nous. Si t'en parles aux autres ils vont me chambrer et risquent de se faire des idées.

— Oh... Est ce que tu as honte de passer du temps avec moi ?

— Honte ? Non pas du tout, enfin ! Non, non, c'est juste que... je n'ai pas envie d'avoir à me justifier de tout ce que je fais dans ma vie.

Elle hocha la tête faisant mine de comprendre mais demeura en réalité assez perplexe.

Une brise légère se leva et Ella ne put réprimer un frisson.
Eliot lui jeta, sans délicatesse aucune, son sweat shirt en pleine figure.

— Tiens, ne prends pas froid.

Elle bredouilla un remerciement, décidément assez décontenancée par l'attitude du jeune homme.
Pendant qu'il enroulait des bouts du bateau, elle l'observa discrètement.

Sa peau était tachetée du sel de la mer, ses cheveux noirs étaient raides et certaines mèches lui balayaient les yeux. La musculature harmonieuse du jeune homme résultait probablement de nombreuses heures passées à nager.
Sa mâchoire carrée conférait une certaine force à son visage délicat.
Elle ne l'avait jamais vraiment remarqué auparavant mais commençait à comprendre pourquoi Eliot avait autant de succès auprès de la gente féminine.

Quand il leva ses yeux fauves vers elle, elle ne détourna pas immédiatement le regard.
Elle avait l'impression de le voir pour la première fois.