5 - Dans de beaux draps !

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Septembre filait à toute vitesse, le mois touchait déjà à sa fin. Le duo formé par Chloë et Darrell se transformait de plus en plus souvent en quatuor par l'inclusion d'Inès et Nathalie. Cette dernière participait moins que les autres cependant, en raison de ses responsabilités dans l'entreprise et de son état de santé. Diabétique de type II depuis une dizaine d'années, elle avait appris à connaître son corps et ses interactions avec la maladie et ne souhaitait pas se mettre en difficultés en tirant trop sur la corde. Sûre d'elle et assertive, elle avait fait accepter sans difficulté aux têtes des différentes directions qu'elle fasse régulièrement du télétravail et pouvait ainsi s'organiser en tenant compte de ses contraintes liées à la pathologie. Ses collègues la soutenaient et l'accueillaient toujours avec plaisir lorsqu'elle se joignait à eux.

Ainsi le quatuor se reforma souvent en trio. Darrell, pas dupe de l'attraction qui croissait entre les deux autres membres de leur petit groupe, se trouva opportunément une course à faire un midi. Peu enthousiastes devant le menu du jour proposé par le restaurant d'entreprise, Inès et Chloë se retrouvèrent dans un bistrot pour profiter de leur pause méridienne. Tandis qu'elles attendaient leurs plats, Inès demanda des nouvelles de Léo. Surprise, car il lui avait semblé que sa collègue n'était pas très intéressée par les enfants, Chloë lui répondit tout de même que son fils allait bien, surtout qu'il n'y avait pas eu de récente altercation avec son père. Elle en profita pour dresser un rapide portrait de Parker, histoire que sa nouvelle amie sache à quoi s'en tenir sur le sujet de son ex-mari.

— C'était le genre extrêmement charmeur quand on s'est rencontrés. Des compliments extrêmement bien tournés, toujours le mot pour rire, le sourire ravageur... Plein de filles m'enviaient de sortir avec lui. Ça a commencé à changer dès qu'on a emménagé ensemble. Plus rien n'était jamais assez bien pour lui. Il était cassant et plein de reproches. Mais j'étais amoureuse et il avait encore des moments de tendresse, il m'offrait des cadeaux. Alors on s'est mariés, j'ai eu Léo. La grossesse a été une horreur et il ne m'a absolument pas soutenue. J'ai envisagé de le quitter mais j'avais peur de me retrouver seule avec un bébé. Au final c'est ce qu'il s'est passé quand même. Parker ne faisait rien. Aucune tâche ménagère, s'occuper de son fils le gonflait. Quand il devait le garder pour que j'aille en courses par exemple, il le mettait devant la télé. Et il passait son temps à se plaindre que ce n'était pas comme il voulait, qu'on ne baisait plus, qu'il s'emmerdait avec moi... Quand Léo était bébé j'étais trop prise dans le tourbillon du quotidien pour repenser à la rupture, mais quand il a eu deux ans, je me suis dit que ce n'était plus possible et j'ai demandé le divorce.

Elle acheva son monologue en demandant à son interlocutrice si elle souhaitait avoir des enfants un jour. Inès réagit aussitôt, avec chaleur :

— Oh non. Je ne pense pas être faite pour ça. Je peux aimer ceux des autres mais je ne me vois absolument pas avec un bébé. J'ai plein d'autres projets. Et sans vouloir t'offenser, je trouve que la maternité c'est vraiment la mort d'une femme, conclut-elle avec un petit rire.

Chloë, qui n'avait jamais critiqué les personnes faisant le choix de rester nullipare, fut sous le choc de cette déclaration. Devant sa stupeur, Inès tenta de rattraper ses paroles mais l'autre femme la coupa :

— Je pense comprendre ce que tu veux dire. Le système patriarcal dans lequel on évolue conduit en effet à ce que la majorité des mères voient leur vie propre leur échapper avec l'arrivée d'un bébé. Je ne vais pas dire le contraire, j'ai galéré comme mère célibataire pendant des années. Mais la façon dont tu l'as dit est franchement blessante.

— Je te présente mes excuses, mes mots ont dépassé ma pensée. Bien sûr, tu as raison. Mon choix de mot était vraiment mauvais en plus, car des femmes, souvent mères aussi, meurent chaque année de la main de leur conjoint. Les violences commencent souvent avec la grossesse et certains meurtres sont perpétrés sous les yeux des enfants. Vraiment, je... Je ne sais pas où me mettre, lâcha-t-elle. Ça me remet bien à ma place. Bonne militante, tu parles ! siffla-t-elle.

Tant qu'il y aura NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant