11 - Décembre à la peine

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La semaine qui suivit, Chloë fut convoquée par son directeur, M. Brochaud. Elle savait que toute l'équipe avait abondamment commenté son échange houleux avec Stéphane et Karim et que M. Brochaud avait horreur de ce genre d'esclandre. Le calme et l'ordre étaient ses deux mots préférés. Elle s'attendait donc à recevoir une remontrance pour son coup de sang, car elle avait crié sur son lieu de travail et dérangé l'ensemble de ses collègues.

C'est tout l'inverse qui se produisit. Il ne mentionna absolument pas l'incident mais l'informa de deux choses. Un : elle obtiendrait la prime exceptionnelle pour son excellent travail au cours de l'année écoulée. Deux, la décision était prise : elle obtenait le poste de chargée de relations sociales. Il lui faudrait notamment recruter et encadrer la personne qui la remplacerait sur son poste actuel. Sa promotion prendrait effet au 1er janvier et serait annoncée lors du pot de Noël de la boîte, en même tant que les arrivées et les départs de l'entreprise. Cette promotion s'accompagnait d'une augmentation de son salaire puisqu'elle montait un échelon.

Chloë était sonnée : enfin des bonnes nouvelles ! Elle ne pensait même pas à la maison qu'elle souhaitait acheter ou au moins louer, ni à la fierté qu'elle devrait ressentir pour avoir obtenu la récompense de ses efforts ; elle pensait qu'un meilleur salaire serait un bon argument face à Parker devant le JAF.

En sortant du bureau du directeur, elle prit bien soin de conserver un visage neutre. Elle attendit le déjeuner pour confier les bonnes nouvelles dans un murmure excité à Nathalie, Inès et Darrell. Ses amis s'exclamèrent un peu plus fort qu'elle, qui leur fit « chuuuuut ! ». Darrell remarqua le regard de connivence que s'échangeaient Inès et Nathalie mais ne releva pas. La pause méridienne fut beaucoup plus agréable que les autres car Chloë avait retrouvé sa bonne humeur et son côté boute-en-train. Elle fit rire ses collègues aux éclats en leur racontant quelques-unes de ses plus belles maladresses. Darrell fut encore le seul à noter qu'Inès la dévorait des yeux et qu'une expression douloureuse passait régulièrement sur son visage.

Il décida d'en parler à Chloë dès qu'ils furent seuls.

Sweetie, ça en est où entre toi et Inès ?

Chloë parut mal à l'aise.

— Eh bien... nulle part. Je ne peux pas m'engager dans une relation amoureuse maintenant, c'est le pire des moments.

— Inès a l'air d'en souffrir.

— Non, ne dis pas ça... pourquoi tu dis ça ?, dit Chloë avec inquiétude et une pointe de honte.

— Je l'observais ce midi et elle n'a pas l'air d'aller très bien. Te regarder semble à la fois l'enchanter et la faire souffrir.

Chloë cacha son visage dans ses mains.

— Je sais que je me comporte comme une égoïste mais je n'ai pas le choix. Il y a trop d'enjeux.

— C'est toi qui décides. J'ajoute juste qu'à mon avis elle n'est pas complètement étrangère aux bonnes nouvelles que tu as reçues aujourd'hui.

— Comment ça ?

— C'est juste une intuition, je me trompe peut-être. Viens, la pause est quasiment finie.

Il entraîna dans son sillage une Chloë plus déboussolée qu'elle ne l'aurait voulu.

De retour de l'école, Léo profita du trajet en voiture pour demander des précisions à Chloë sur ce que son père avait enclenché. Chloë essaya de choisir des termes mesurés pour expliquer la procédure devant le tribunal, de manière à répondre aux interrogations su garçon sans lui laisser entendre que l'affaire était grave.

— Ce juge, il aime les enfants ?

— On ne peut pas savoir, dit Chloë, mais leur travail est de protéger les enfants et de prendre les décisions les meilleures pour eux.

Tant qu'il y aura NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant