7 - Point de non-retour

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Parker était passé prendre Léo comme prévu. Celui-ci était bien arrivé à destination, il avait appelé sa mère de chez les Adekoya pour le lui dire. Chloë était rassurée. Elle avait encore une fois trouvé Parker étrangement affable, mais peut-être était-ce elle qui se montrait trop méfiante, à vouloir voir le mal partout dès qu'il s'agissait de son ex. Sa nouvelle femme avait peut-être réussi à lui faire se racheter une conduite. En même temps, avec tout l'argent qu'ils avaient, ils pouvaient bien se permettre d'acheter ça... Voilà qu'elle faisait sa mauvaise langue à nouveau. En tout cas, son fils allait passer de bonnes vacances, et elle pouvait se permettre de sortir, se disait-elle en se préparant.

De retour au travail, Chloë avait tenu parole et raconté à Inès ce que Léo avait pensé d'elle. Elle avait pris soin d'obtenir l'accord de son fils pour répéter ce qu'il lui avait dit de son propre chef le lendemain de leur soirée jeux. Il avait trouvé Inès "jolie, gentille et drôle". Inès rit à cette description puis avait invitée Choë au restaurant, un lieu assez chic en plus. Chloë avait rarement l'occasion de s'apprêter ; ou plutôt, peu d'occasions lui donnaient cette envie. À part sa coquetterie du coiffeur tous les mois pour refaire sa couleur blond platine et sa coupe courte, elle faisait peu de chichi et s'en portait très bien. Ce soir cependant, elle avait envie d'être renversante. Elle enfila une robe-pull vert bouteille moulante offerte par son père – plus précisément par la carte cadeau qui lui avait permis de choisir – qui s'arrêtait à mi-cuisse, par-dessus des collants noirs filés d'or. Elle mettrait ses bottines noires à boucle dorée une fois qu'elle aurait terminé de se coiffer et maquiller. Ses oreilles furent ornées d'or elles aussi. Elle hésita à mettre du parfum et finalement s'en abstint.

Elle arriva au restaurant à l'heure prévue. Inès était déjà là, l'attendant sur le trottoir. Elles se dirent bonsoir avec une petite gêne puis entrèrent. Une fois installées à une table dans un coin tranquille, elles commencèrent à discuter.

— Léo est bien arrivé chez ses grands-parents ? demanda Inès.

— Oui, merci, tout va bien, répondit joyeusement Chloë. Alors, quelles nouvelles de ton côté ?

— Tu sais le groupe féministe dont je vous ai déjà parlé au boulot ? commença Inès.

— Oui, je me rappelle.

— On va organiser une marche, ou un sitting, en tout cas une forme de manifestation pour dénoncer la situation des femmes et de toutes les minorités oppressées.

— Wahou, ça a l'air d'être un sacré boulot !

— Oui mais ça va être génial. Il faut qu'on se fasse connaître, il faut crier encore plus fort pour se faire entendre.

— Et ça te plaît de faire ça ? demanda Chloë avec une curiosité sincère.

— J'adore, mais parfois c'est pesant parce que je suis souvent le "pass diversité", la seule personne racisée dans le groupe qui lui permet de se proclamer inclusif alors qu'il n'y a quasiment que des femmes blanches valides d'un milieu social assez élevé. Mais bon, c'est comme ça, une chose à la fois.

— Je suis admirative, vraiment, déclara Chloë.

Le serveur les interrompit à ce moment pour leur demander si elles avaient fait leur choix. Elles n'avaient même pas ouvert les cartes et pouffèrent une fois le serveur parti. Elles rirent beaucoup pendant la soirée, s'échangeant des anecdotes, se racontant leur passé, parlant de leurs familles, apprenant à se connaître davantage.

Chloë apprit que Tarik et Elamria, les parents d'Inès, avaient fui le Maroc dans leur jeunesse car leurs actions militantes pour les droits humains leur avaient valu l'inimitié du pouvoir en place. Son coming-out lesbien s'était très bien passé auprès d'eux et de sa jeune sœur, Isâad. C'était plus compliqué avec Inaya, l'aînée. Elle n'approuvait pas son style de vie – Inès avait fait ses études à Paris et y était restée après l'obtention de son diplôme. Sa vie était émaillée de fêtes et de soirées, de coups d'un soir et d'amourettes sans lendemain. Malgré cela, elle s'entendait assez bien avec sa sœur et adorait son neveu et ses nièces. La vie parisienne avait commencé à l'ennuyer. Elle voulait se rapprocher de sa famille et de ses amis d'enfance, une certaine Valentine par exemple. Sa collègue sentit la jalousie s'insinuer dans ses émotions, sous le regard amusé d'Inès qui lui assura que Valentine n'avait toujours été qu'une amie. De manière cash, Inès déclara :

Tant qu'il y aura NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant