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Comme ces films encensés de partout que l'on ne se presse pas d'aller voir, ces livres dont on nous promet des révélations, ces disques qui vont révolutionner le monde musical, dit-on, cette retrouvaille, bien sûr, m'avait déçu. Je ne pouvais pas dire que Julie avait changé. Il est vrai que je n'avais pas pu beaucoup lui parler, ce qui faisait l'essentiel de nos rapports avant. C'était plutôt la situation qui s'était modifiée. Ce qui les transformait, eux deux, aussi. Je ne l'avais jamais rencontrée aussi longtemps avec son mari. Elle m'en parlait beaucoup, oui. Elle en était amoureuse mais cela devenait plus difficile. Elle l'était toujours mais plus lucidement. Elle commençait à voir les efforts qu'il ne faisait pas, à se rendre compte de petits détails de sa manière d'être qui l'agaçait maintenant. Cette clairvoyance la rendait triste.

Alors, ils s'étaient fixé des délais pour que ça change, ils s'étaient juré d'éviter ces petites choses qui irritaient l'autre. Lui avait déjà obtenu de voyager moins loin et ainsi, s'il devait y rester longtemps, ce serait plus facile pour se voir. Elle avait promis de s'intéresser plus à ce que lui faisait.

"Alors, tu vois j'ai pensé à toi. Mathilde n'a pas cessé de parler de toi. Elle m'a dit comment tu avais éteint la lumière. Tu pensais qu'elle dormait, hein ? Tu as compté jusqu'à trois et à trois tu as soufflé vers la lampe, la main sur l'interrupteur. Elle riait encore en me le racontant. Walter n'est pas au courant. Il ne sait pas encore si je vais le rejoindre. bon, il est pas loin maintenant. Il n'y a qu'une heure et demie d'avion. C'est un week-end que sa compagnie organise pour le personnel. Il y a d'abord une petite réception avec discours pour présenter la société et ce que chacun y fait. C'est un peu auto-promotionnel. J'aime pas ça mais il faut bien. Je lui ai promis. Après le dîner, ils ont fait venir une troupe qui jouera rien que pour eux, euh, pour nous. Je dois faire des efforts. Le soir, repas et bal. Tu me vois moi là-dedans ? Qu'est-ce que je vais mettre ?

Le lendemain...

—... ?

—Oui, on loge là-bas, à l'hôtel loué par la société pour les deux jours. Le lendemain, présentation vidéo de la société. C'est un peu matraquage, non ? S'il m'entendait... Le dimanche après-midi, on a la possibilité de faire une balade en bi-moteur ou en montgolfière. On survolera les châteaux. Y en a plein dans la région. C'est quand même pas mal, hein ? Tout frais payés. Alors, tu pourras venir t'occuper de Mathilde ?

—Tu crois que c'est une bonne idée ?

—Oui, je sais à quoi tu penses, à qui tu penses mais ses parents se plaignent toujours de Mathilde quand ils doivent s'en occuper. Toujours à lui, jamais à moi, bizarre, non ? Et puis, il m'a demandé de venir en me disant que je pourrais bien m'arranger pour Mathilde et bien je m'arrange.

—Vu comme ça, je veux bien.

—Mathilde sera contente. Je te laisse maintenant. Ciao !

—Ciao !"

C'est vrai qu'elle n'avait pas beaucoup changé, Julie. Elle m'avait rappelé quelques semaines après l'anniversaire de Mathilde pour s'excuser un peu pour lui et pour me confirmer le peu que j'avais compris ce jour-là.

Elle me demandait de passer le week-end chez eux lorsqu'elle partirait rejoindre son mari. Les enfants n'y étaient pas invités. Elle n'avait pas changé, Julie. Et, comme ce mystique espagnol qui après cinq ans de prison inquisitoriale reprit ces cours par un "comme nous étions en train de dire", Julie reprenait notre conversation interrompue. Par là, elle reprenait, cette confiance et cette intimité qui s'étaient instaurées entre nous. Cette dernière en me parlant de son couple, la première en me demandant de prendre soin de sa fille. Je devais arriver le vendredi après-midi. On irait chercher Mathilde à l'école. Julie s'envolerait le même soir. Ainsi fut fait. Le lundi matin, j'accompagnerais Mathilde à l'école et toute la famille se retrouverait le soir, moi y compris.

Les cahiers de JulieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant