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— Ah ! Enfin de l'air !

Esol sourit. Il n'avait pas vu Lorne si libre et vivant depuis longtemps. Rester constamment enfermé au château ne réussissait à personne, alors la reprise spontanée de leurs sorties à cheval ne faisait que prouver ses bienfaits.

Le ciel était peint d'un bleu profond presque immaculé, tâché de nuages voyageant au gré du vent. A l'orée du bois de Sham, côté fleuve, les chevaux se reposaient et broutaient une herbe verdoyante et fleurie. Ce lieu se trouvait être le favori du roi pour son implacable tranquillité et sa beauté sans pareille. Il était proche du château, à seulement une heure sur une bonne monture, et la vue depuis son extrémité changeait constamment. Elle introduisait le charme de l'aube, laissait place à la chaleur du soleil du midi, tirait sa révérence sur la dorure du crépuscule, et s'endormait avec la berceuse de la lune, des étoiles.

Ils se trouvaient certainement dans le seul endroit de tout le royaume de l'Ouest où le temps lui-même s'arrêtait reprendre son souffle.

— Rien à signaler, aujourd'hui ? demanda Lorne, allongé au bord de l'eau.

Esol était assis près de lui, les bras en arrière soutenant son dos. Il fixait l'Est, les yeux plissés à cause du soleil.

— J'essaie d'ignorer les lumières, la fumée, et les visages malicieux au loin. J'essaie.

— Un jour peut-être, vous ne verrez plus rien.

— Ou bien vous commencerez à voir.

— Eternel débat sur lequel je refuse de revenir en une si belle journée, coupa Lorne. Innocent jusqu'à preuve du contraire, vous le savez.

— Vous êtes trop naïf.

— Et vous extrêmement borné.

Souvent, une seule chose troublait l'apaisement des promenades solitaires du roi à Sham. Il lui suffisait de s'asseoir quelques minutes sur la rive du fleuve, et des formes se dessinaient face à lui, des interprétations variées se frayaient un chemin dans son esprit toujours trop actif, et la relaxation se transformait rapidement en réflexion épuisante.

Que faisait Andor, en ce moment ? Pourquoi cette étrange fumée blanche se dégageait d'une forêt inoccupée ? Étaient-ce des troupes armées jusqu'aux dents, au loin, ou bien des marchands et leur convoi ? La montagne venait-elle vraiment de lui faire un clin d'œil ?

Lorsqu'il en avait parlé avec Lorne, la première fois, son second lui avait répondu qu'il devait halluciner la moitié de ce qu'il voyait. Puis il s'était répété en lui prouvant par mille explications que les images qu'il décrivait ne lui apparaissaient pas, ou bien d'une façon rationnelle et logique.
Esol n'en démordait pas, mais il apprenait avec le temps à patienter pour vérifier que les choses qu'il observait ne disparaissaient pas après trois clignements de paupières.
Si tel était le cas, il trouvait une nouvelle excuse et finissait souvent par dire que si le roi Odell prévoyait vraiment un attentat quelconque, il ne le montrerait pas si aisément.

— Sire ?

Lorne roula sur le côté et observa le roi, l'air intrigué.

— Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de revenir ici ? Je veux dire, ensemble ?

Esol fit mine de réfléchir. En vérité, il ne savait pas trop ce qui l'avait motivé à proposer cela à son second. Depuis plus d'un mois, Jihal partageait son quotidien et celui de Lorne constamment. Alors même si sa présence ne se faisait pas encombrante, s'éloigner de lui et des responsabilités qu'il amenait ne faisait pas de mal.

Le second Anhli était rentré auprès de son roi quelques jours pour établir un rapport concret sur les activités d'Esol, mais également s'occuper d'affaires pour son pays qui le nécessitaient. Il savait que rien de bien malveillant ne se préparait à l'Ouest, alors retrouver sa maison le ravissait. Dans le même temps, le roi Priam profitait de sa solitude reconquise.

FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant