Tout était plus simple lorsque la vie d'Esol n'était faite que de mensonges et de trahisons.
Tout était limpide. Andor avait répondu favorablement à une proposition de le faire tomber, et les actes qui s'en étaient suivis n'avaient fait qu'ancrer son avis. Pour couronner le tout, il avait envoyé sa marionnette, Jihal, directement dans le château de l'Ouest pour tout dévorer depuis les entrailles.Mais après une simple conversation, une énième révélation, Jihal avait offert une pièce supplémentaire au puzzle distordu de l'Est qu'Esol reconstituait. Deux nouvelles théories s'offraient à lui, désormais.
Soit le second s'était trahi sans gêne, et avait révélé qu'il était la menace, le meneur et non le jouet.
Soit il se trouvait bel et bien sous le contrôle d'Andor, et sa version de l'histoire était réellement faite pour rassurer Esol.Le roi ne savait plus quoi croire. Ou qui.
Si sa harpe avait su calmer ses pleurs, remettre les événements dans l'ordre, chacun à sa place, elle n'avait pu lui apporter une réponse plus précise à ses éternels questionnements.Il était cependant certain d'une chose. Il s'était montré prudent vis-à-vis de l'arrivée de Jihal, mais à partir de ce jour, il se ferait méfiant, paré à l'attaque. Chaque parole, même criante de vérité, devrait être remise en doute. Chaque geste, même anodin, devrait être interprété. Chaque proposition pouvait être un rouage dans une mécanique géante orchestrée par le second Anhli.
Pour l'heure, Esol possédait entre ses mains plusieurs ébauches de plans visant à trahir Jihal, ou bien son roi, selon celui qui devait être démasqué. Le plus difficile jusqu'ici avait été de trouver des parades contre son ennemi, mais depuis la veille, la partie la plus rude était de deviner celui avec qui les utiliser.
Et le tout ne devenait que plus complexe lorsque Jihal avait décidé de disparaître du château.
Le roi avait appris de ses erreurs, et cette fois, il ne perdit pas sa matinée à chercher le second dans le moindre recoin de la bâtisse. Par une fenêtre, il l'avait vu quitter les lieux, galopant comme pour échapper à l'ambiance tendue et assombrie qui siégeait. Il s'était dirigé vers le sud, probablement pour rejoindre le centre de la capitale. Sans réfléchir davantage, sans prévenir personne, Esol l'avait suivi à la trace.Il n'avait pas été trop complexe de le traquer, puisque le sol laiteux gardait la moindre marque de pas ou de sabot visible des heures durant, grâce à la récente pluie. Lorsque les chemins de terre laissèrent place aux routes pavées, cependant, la chasse fut plus ardue.
Esol avait oublié combien la ville d'Alioth était vivante, de jour comme de nuit. Il dut ralentir lorsqu'il vit à quel point la foule était compacte. Malgré ses longs cheveux qui couvraient son visage et le cachaient des gens, quelques regards curieux le convainquirent de laisser son cheval à une écurie avant d'être trop remarqué. Ses déplacements dans cette vaste fourmilière seraient plus libres à pied, et le seul inconvénient à cela était la perte de visibilité en hauteur. Jihal avait dû troquer son cheval pour ses bottes aussi, s'il voulait circuler en paix.
La première chose qui frappa Esol, ce fut le manque de courtoisie des gens. S'il ne se rappelait pas de la ville comme étant si chaleureuse, il se souvenait encore moins du manque d'enthousiasme chez ses habitants. Il s'était fait traité comme un voyageur ennuyant mais opportun à arnaquer avec des prix flamboyants, en faisant garder son cheval. La politesse avait dû être arrachée de la bouche de l'écuyer, un trentenaire grisonnant bien avant l'heure.
Si les bordures de la ville étaient remplies de résidences de nobles, plus riches par leur cirage de chaussures que par leurs réelles capacités, le centre n'en voyait pas le reflet. La population d'ici se situait dans un entre-deux assez déroutant. Personne n'était manifestement aisé, ou au contraire visiblement pauvre. L'ensemble des structures, des routes jusqu'aux toits des divers bâtiments, restait propre et entretenu dans le temps. Mais un cadre respectable et abordable ne suffisait pas à rendre les gens plus sympathique, encore moins heureux.

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Fallen
Fantasy✈︎ Tome 1 : Le roi déchu. ✈︎ Esol Priam gouverne la moitié Ouest de Polaris depuis bientôt sept ans. Mais en quelques mois seulement, sa santé décline et le monde commence à le surnommer fou. Il est pourtant persuadé d'être le seul homme clairvo...