La musique s'échappait doucement sous la porte. Parfois délicate, d'autres fois sauvage et indépendante. Les fils s'agitaient, dansaient entre eux une course irrépressible contre le temps.
De l'autre côté, assis sur le sol froid d'un château endormi, un homme glissait ses songes sur la mélodie qu'il entendait. Elle possédait ce don de le détendre, l'apaiser, ranger ses idées lorsqu'elles tentaient de le dépasser.Un murmure dans la nuit le tira de sa rêverie :
— Jihal ?
Lorne n'attendit pas de réponse favorable pour s'asseoir près du penseur, adossé au mur.
— Il joue bien, n'est-ce pas ?
Toujours aucune réponse. Jihal était muré dans le silence, la confusion et le manque évident d'envie. Simplement d'envie, celle d'être ici, de parler, de respirer. Tout cela lui coûtait plus de motivation qu'il n'en possédait pour le moment.
— Il ne semble pas y avoir de fin à sa chute. J'ai cru que votre arrivée l'aiderait, malgré toutes les tensions et appréhensions, et je crois que d'une manière, ça a fonctionné. Mais il a besoin de plus de temps que cela, et il n'est pas prêt à revoir l'homme qui menace sa santé.
Jihal parut comprendre, non, il comprenait parfaitement ce qu'on lui disait. Il ne savait pas quoi rajouter sur une évidence qu'on lui énonçait. Il voulait rentrer chez lui et arrêter cette mascarade. Pour lui, il avait échoué et ce définitivement en proposant si vite, si tôt, de retrouver quelque chose d'égaré si longtemps.
— Il se sent bien avec vous. Quelque chose en lui a évolué, tout à vrai dire. Il se permet plus de sorties, il est plus efficace dans son travail et il m'a par ailleurs enlevé une charge assez importante à ce sujet. Et le tout très rapidement, un record dont j'aurais été incapable. Dont j'ai été incapable.
Lorne soupira en silence, un sourire triste aux lèvres. Résolu à l'abandon depuis le premier jour. Lui n'avait pas réussi à tirer Esol un seul instant hors de sa condition, de sa peur constante d'être menacé, visé par Andor. Et voilà qu'en une soixantaine de jours, Jihal en faisait mille fois mieux que tout ce qu'il avait déjà tenté. Une des rares fois dans sa vie où il avait échoué à cet extrême.
Dans le noir, sous le son futile de la harpe, leurs sentiments se joignirent pour ne former qu'un : celui de déception.
— Vous savez, l'idée n'est pas mauvaise. Il est grand temps que nos rois se retrouvent enfin et mettent un terme à cette menace mutuelle qui atteint toute la planète. J'étais prêt à vous encourager dedans, si le roi n'avait pas encore… Réagi de cette manière. Il est imprévisible, sur les nerfs quand on s'y attend le moins, et pourtant vous l'avez saisi. Vous avez su le guider dans le noir. Comment ?
Question dont il ne voulait pas vraiment la réponse. Elle lui ferait plus de peine qu'autre chose, elle était inutile. Chacun ses facilités, et Jihal devait posséder les siennes avec le genre humain.
— Je comprends mieux pourquoi Andor n'a pas déjà craqué et envoyé la cavalerie détrôner le roi elle-même. Ca doit être en partie grâce à vous. N'importe qui aurait cédé à la tentation de désister Esol dès qu'il représentait une menace pour son royaume. Andor a attendu, et il le fait encore. Et vous savez pourquoi ?
Il se tourna cette fois vers Jihal et lui prit la main, offrant dans ce geste tout l'espoir qu'il lui restait encore. Il lui en restait peu, et il se devait de le donner à quelqu'un qui s'en occuperait mieux que lui. Il rendait les armes, il rendait la sienne.
— Il patiente parce qu'il vous fait confiance. Alors je vous le demande sincèrement, avec toute ma volonté. Prenez un peu de cette attente pour vous. Vos progrès sont déjà immenses, et les obstacles sur votre route ne doivent pas vous arrêter. Nous pouvons encore sauver la situation, vous pouvez le faire et au fond, je pense que vous l'avez déjà fait. Continuez pour vous, pour le roi Odell, et pour le peuple. N'arrêtez que lorsque rien ne sera plus à secourir, lorsque tout se sera noyé.
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Fallen
Fantasia✈︎ Tome 1 : Le roi déchu. ✈︎ Esol Priam gouverne la moitié Ouest de Polaris depuis bientôt sept ans. Mais en quelques mois seulement, sa santé décline et le monde commence à le surnommer fou. Il est pourtant persuadé d'être le seul homme clairvo...