Chapitre 7 : partie 2

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Ni Nikolai ni Amélia ne cherchèrent à retenir Cyril. Le danois se contenta de poser une question à notre reine qui lui brûlait les lèvres :

― Qui a tué Val ?

― On... On les appelle les rebelles. Le chef se nomme Bastior mais on le surnomme le magicien. Il est un mutant tout comme moi. C'est le seul illusionniste de Permana qui peut fausser nos souvenirs. Le magicien était un jeune insouciant qui rêvait de changer le monde. Il n'a jamais été d'accord avec l'aspect « monarchie absolue » instauré à Permana. Au départ, il pensait que les clans devaient se gérer seuls, ce qu'on a toujours refusé. Avec son bagout, il a réussi à fédérer un grand nombre d'adeptes à ses idéaux. Seulement, les combats l'ont changé. D'un garçon rêveur, il est devenu un homme froid et cupide. Il n'a plus confiance en personne... Sauf en lui. Mais il a toujours son charisme et ses rêves auquel il fait semblant de se raccrocher devant ses « compagnons d'armes ». En réalité, il ne cherche qu'à instaurer sa propre monarchie. La fille... OK Rubis, lut Amélia dans l'esprit du mentuarak, est l'une de ses chasseuses. Elle est chargée de tuer ceux qui contrarient les plans du magicien. À ce que m'a dit Chas, elle parle aussi alliances avec ses frères. Certains chasseurs servent aussi de messagers pour le compte du magicien.

Nikolai était écœuré par tout ce qu'il avait vu depuis qu'il avait conduit Cyril dans cette maudite ruelle. Il ne remercia pas la jeune femme et partit précipitamment. 

De son côté, Chas haletait tellement son cœur tambourinait dans sa poitrine. Le demi-chat quitta précipitamment la chambre dans laquelle son corps avait été transporté dès qu'il sentit son cœur battre normalement. Chas ne revint qu'après la violente dispute du trio. Il trouva Amélia les yeux embués.

― Elle n'a pas dû pleurer longtemps, songea Chas en se rappelant que leur éducation noble leur interdisait de prolonger leurs pleurs.

Amélia était profondément marquée par les mots de Cyril. Elle était triste de voir que le chagrin et les préjugés biaisaient l'interprétation du jeune homme et lui avaient fait prononcer ces dures paroles. Notre souveraine se considérait comme étant quelqu'un de bien. Tout du moins, elle faisait tout pour aller à l'encontre de ce que les humains attendaient de son peuple. C'était toujours son cœur qui dictait ses actes. Ses racines terkunchi lui avaient laissé une trace indélébile, une humanité qui la rendait plus sensible que ses pairs au bien-être de chacun et à la bonne entente avec ses prochains. 

Les paroles prononcées par le vidéaste... Elle se revît les clamer avec une colère tout aussi virulente à ses parents biologiques quand on l'avait amené de force à Permana. Ce souvenir lui semblait si proche et si loin à la fois ! Lorsque Chas revint à ses côtés, elle lui raconta sa dispute avec leurs protégés et lui ordonna de laisser Cyril tranquille quand le sakarujam proposa d'aller lui parler.

― Mes invités ont vécu assez de choses pour le moment.

― Amélia, permet moi de rester un peu à tes côtés dans ce cas.

Statut oblige, la journée n'était effectivement pas terminée pour la souveraine. Il lui fallait encore endurer une séance d'écoute de doléances. Chas prit place sur les genoux de la rani sous sa forme féline dès qu'elle s'assit sur son trône. Les vertus apaisantes des animaux étaient les bienvenues ! Distraite, Amélia fut bercée par les ronronnements de son fidèle meilleur ami. À la suite des doléances, la rouquine s'isola dans ses appartements privés en donnant l'ordre de ne pas être dérangé jusqu'au soir. 

Nikolai longeait les couloirs un à un sans but, la destination et les kilomètres important peu. Ce n'est que lorsque de douloureuses courbatures commencèrent à faire plier ses jambes qu'il décida de stopper sa course. Le repos du parisien fut écourté par une main qui effleura son épaule. En se retournant, son regard plongea dans celui de Chas. Nikolai recula.

― Tu es revenu à la vie comme tu l'avais prévu, nota le danois.

― Ôte-moi d'un doute, tu ne souhaitais pas ma mort tout de même ? rétorqua le matou en jaugeant le manque d'enthousiasme de son interlocuteur.

― Non. Tu n'es peut-être pas la personne que je porte le plus dans mon cœur, mais ce n'est pas une raison !

Chas était soulagé de voir que son frère n'avait pas perdu la raison. Il était seulement anéanti par le deuil. Une maigre consolation en somme ! Le kepaja avait rarement envie de partager des choses avec les humains, mais il regrettait parfois que la mécanique de ces êtres ne soit pas autorégénérante comme celles des démons. Nikolai était sur la même longueur d'onde puisqu'il marmonna :

― Le corps humain peut créer des anticorps alors que vos os peuvent carrément cicatriser tout seul pendant la mort, quelle injustice !

Outre le regret, Chas perçut une fureur dans la voix de Nikolai qui ne lui semblait pas seulement dirigé contre l'impuissance physiologique de la race humaine. C'était quelque chose de plus ténue et personnelle. Le matou avait eu tout le loisir d'observer son comparse ses derniers jours, il sentait que celui-ci ne lui disait pas tout. Décidé à ne pas l'abandonner à ses souffrances, Chas déclara :

― Je n'ai pas fait que t'instruire sur tes dons ces derniers jours, je t'ai bien regardé mon frère. Durant les exercices, la moindre erreur que je relevais te crispait au plus haut point. J'ai l'intuition que n'était moi que tu injuriais dans ta tête, mais toi-même. Tu ne voulais pas réussir l'exercice par fierté ou par orgueil, mais parce que tu ne supportes pas l'idée que ton esprit puisse servir de faille que je pourrais exploiter. Ce n'est pas la mort que tu crains le plus au monde...

Nikolai détestait la tournure de la conversation. D'ordinaire, il contournait ces tentatives d'introspection en orientant la discussion sur autre chose comme il avait essayé de le faire avec Amélia. À sa plus grande frustration, cette technique paraissait inefficace sur les grandes figures du royaume.

― Où tu veux en venir ? défia le danois en se rapprochant de Chas.

― Je suis persuadé que tu te sens davantage coupable qu'Amélia de la mort de Valérian ! Tu te sens faible, c'est un sentiment qui est insoutenable pour toi. Il y a une raison à cela que j'ignore. De quoi as-tu si peur ? De quoi te protèges-tu ?

Cyril avait déjà disjoncté face à la propriétaire des lieux, Nikolai était sur le point de faire pareil avec son sauvage comparse. Chas poussait trop loin son investigation. Le parisien avait le sentiment d'être piégé.

― Arrête de te mêler de ma vie, être kepaja ne te donne pas tous les droits sur moi ! explosa celui-ci en agitant les mains.

Chas ne flancha pas. Il était habitué à ce que son tempérament cause des sauts d'humeurs.

― Es-tu heureux ainsi ?

Nikolai le fusilla du regard l'espace d'un instant avant de capituler. Il s'adossa au mur, troublé par cette question que seuls ses proches osaient lui poser. La carapace se fissurait. Remarquant ce revirement, Chas se raidit. Il n'avait nullement envie de blesser son frère. C'était tout l'inverse. Le kepaja voulait l'aider à se libérer d'un poids. Décidé à lui montrer ses bonnes intentions d'une manière plus affectueuse, Chas se plaça à côté de Nikolai.

― Je ne te blâme pas, tu dois avoir tes raisons. Je comprends que ton caractère, mon lien avec la magie noire et maintenant la mort de Valérian ne te poussent pas à m'apprécier. Je ne veux que ton bien, et je continuerai à déployer tout ce qui est en mon pouvoir pour cela.

Une tendre sollicitude transparaissait de ces paroles. Nikolai en fut si touché qu'un merci parvint à sortir de sa bouche. Ému, Chas lui prit la main. À son arrivée à Niajadis, Nikolai aurait rejeté un tel contact de sa part. À présent, le danois n'était plus aussi certain du mauvais fond de Chas pour avoir envie de le faire. Celui-ci ajouta, un sourire aux lèvres :

― J'espère qu'un jour, nous arriverons à mettre ces différends de côté pour devenir de véritables frères ! Les miens m'attendent, au revoir.

Chas s'évaporera sur ces douces paroles. Nikolai en resta troublé un long moment, mais pas assez pour refréner les atroces images de ces dernières heures. Des larmes vinrent humidifier son visage. Il songea alors à ses parents qui avaient été entraînés de force dans le plan des rebelles. Il les contacta par télépathie.

Le soir tombé, la rani insista pour mettre en place deux gardes de l'armée royale devant les chambres des garçons au cas où Rubis rendrait visite à ses cibles au sein même de Permana. 

Les enfants de PermanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant