(3) Où ils sont en voyage de noces

219 16 82
                                    




Lou dort. Pour changer. La tête à l'ombre pour éviter le « masque de grossesse », le reste du corps au soleil, elle dort. En charge, comme elle dit.

Le voyage a été pire que prévu. Nous avons quitté mon appartement en taxi hier, en début de journée, direction la gare de Metz, où nous avons pris le TGV jusqu'à Paris, aéroport Charles de Gaulle. Là, nous avons déjeuné d'une salade infecte dans une chaîne de boulangerie, avant de pouvoir enregistrer nos bagages. S'en sont suivies quatre longues heures d'attente avant d'embarquer, enfin.

Le vol a eu lieu de nuit. Après un plateau repas qui n'avait rien à envier au déjeuner, nous avons regardé un film et tenté de dormir. Peine perdue. Nous avions le vent de face, le vol a été émaillé de turbulences, lumières qui se rallument et ceintures à attacher toutes les demi-heures. À l'arrivée, ma Lou avait une tête à sortir de The Walking Dead, mais on était presque au paradis.

Couloirs. Douane. Bagages. Navette. Voyage sur une route bordée de palmiers, sous un ciel bleu mangé de quelques gros nuages blancs. Pour finir, un petit tour en bateau à moteur, pour accéder à Saint-Anne, l'île où se trouvait notre premier hôtel. Lou s'est un peu animée en découvrant le magnifique ressort, l'immense piscine, le chant des oiseaux exotiques. J'ai quand même bien vu qu'elle rêvait de s'allonger sur un des canapés où nous avons rempli les traditionnelles fiches avant qu'enfin, un employé de l'hôtel ne nous emmène, en voiturette électrique, à notre cottage, où nous attendaient déjà nos valises.

L'homme qui nous guidait a ouvert la porte avant de nous saluer, et nous sommes entrés dans la petite maison. J'ai vu les yeux cernés de Lou s'arrondir, sa bouche s'ouvrir devant le cadre idyllique.

— Tom, c'est... a-t-elle murmuré avant de déglutir.

Elle a posé son regard gris sur moi, son regard qui vaut mille mots, qui vaut tous les discours de la terre, et moi, j'ai juste souri.  J'étais à un de ces moments de notre existence, où on a la sensation que notre vie ne pourrait pas être plus parfaite. J'avais épousé la femme que j'aimais depuis toujours, on attendait notre enfant, et c'était le premier jour de notre lune de miel au paradis. Machinalement, mes doigts se sont crispés sur ma canne. Cette jambe resterait toujours le nuage gris dans un ciel radieux, mais si la thérapie m'avait bien enseigné une chose primordiale, c'est qu'il ne sert à rien de lutter contre ce qu'on ne peut pas contrôler. Il faut garder ses forces pour le reste. Et de ces forces, j'en aurai besoin pour les mois, les années, les décennies à venir, pour tenir à l'écart le chagrin qui surgit parfois brutalement, les regrets, pour gérer la douleur physique et ne pas laisser tous ces sentiments entacher notre bonheur.

Avant même de faire un pas dans la pièce, Lou s'est tournée vers moi et a enroulé ses bras autour de ma taille, la tête sur mon torse.

— Merci, mon amour, merci.

J'ai relevé sa tête de ma main libre, pour l'embrasser.

— C'est à moi de te remercier.

— Moi ? Mais je n'ai rien fait.

— Si. Tu es là. Vous êtes là.

Un peu requinquée, elle est partie explorer la chambre. Au milieu de la pièce principale trônait un lit king-size entouré d'un voilage. Une table basse où nous attendaient une généreuse corbeille de fruits ainsi qu'une bouteille de champagne, un petit bureau, et un ensemble de fauteuils et canapé complétaient le mobilier. Une grande salle de bains en bois avec dressing était attenante à la chambre, et Lou a poussé des cris de joie en découvrant les peignoirs moelleux, les serviettes de toutes tailles, les chaussons, et surtout, les dizaines de flacons de produits de toilettes d'une marque bio haut de gamme très à la mode. Enfin, sur la terrasse, deux transats ont immédiatement attiré son attention. Pourtant, au lieu d'aller s'y effondrer, elle s'est dirigée vers le dressing, a inspecté l'état de propreté des étagères d'un index suspicieux, comme si c'était nécessaire, avant de commencer à vider méthodiquement sa valise.

L'AprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant