(3) Où elle fait (encore) des siennes.

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Nous sommes à J-9.

Colin et Tom ont pris les choses en main, et si au début j'ai été un peu vexée de me sentir mise à l'écart de ce projet dont je suis quand même à l'initiative, j'ai finalement été heureuse de voir ces deux hommes s'associer pour nous préparer un voyage aux petits oignons. Ça me fait plaisir de voir Tom, qui tourne parfois un peu en rond maintenant que notre appartement est complètement aménagé, s'investir à fond, autant que Colin, si joyeux de nous faire partager son expérience africaine. Quand il est venu à la maison, il a posé ses yeux sur mon ventre, et a souri, un drôle de sourire, tendre et mélancolique à la fois et nous a tendu une petite boîte pastel. A l'intérieur, il y avait un petit nounours, un teddy bear à l'ancienne, avec un ruban rouge autour du cou. Le premier cadeau pour notre bébé. Ça m'a émue, beaucoup émue, et j'ai été contente que ce soit lui le premier à offrir quelque chose à notre futur enfant.

Impossible de suivre ses conseils initiaux. Le Burkina Faso est beaucoup trop dangereux actuellement, notamment à cause du risque d'attentats et d'enlèvements. Il figure sur la liste rouge du ministère des affaires étrangères, et même si les voyages humanitaires y sont autorisés, nous n'avons pas encore le statut, et surtout, Tom s'y est fermement opposé, ce qui m'allait bien. Il a donc fallu trouver un autre pays, plus sécurisé, où il y avait des besoins, et évidemment, où on parlait le français. Notre choix s'est rapidement porté sur le Sénégal et Colin, grâce à son réseau, nous a mis en relation avec Joseph, le directeur de la section locale « d'école pour tous », l'association au sein de laquelle il œuvrait au Burkina Faso, deux ans auparavant.

Depuis quelques semaines, nous récoltons toutes sortes de livres, bandes dessinées, albums enfantins, romans, manuels scolaires et fichiers, ainsi que du petit matériel scolaire consommable récupérés dans les écoles de Capucine et Colin, ou piqué en douce par Charlotte à la responsable des fournitures de son lycée. Ils seront expédiés demain à Joseph.

Comme Colin avant lui, Joseph s'est enthousiasmé pour le projet, s'est lui-même chargé de louer pour nous la camionnette dont nous aurons besoin. Il nous fallait un modèle automatique, pour que Tom puisse aussi conduire sans se fatiguer, et ça n'a pas été une mince affaire, mais nous avons fini par trouver un antique Renault Master de 9m3 où on pourrait entasser notre librairie ambulante.

Joseph a également choisi l'itinéraire, puisqu'il connaît bien le pays, beaucoup plus petit que la France, et de fil en aiguille, s'est un peu incrusté sur le projet. J'ai bien été légèrement (beaucoup) contrariée au début que nous soyons trois, et non pas en tête à tête avec mon nouveau mari, mais il faut bien avouer que nous n'avons pas vraiment le choix, et je crois qu'avec le recul, cela nous rassure un peu qu'il nous accompagne. Affronter l'inconnu n'a jamais été trop mon truc.

J'ai tout de même négocié une nuit dans le désert de Lompoul l'avant-dernier jour, avant que nous ne rejoignions à nouveau Dakar, ce que Joseph a promis d'organiser. J'espère juste qu'il ne tiendra pas la chandelle dans la tente.

Moi, je m'occupe de la valise, et ce n'est pas une mince affaire. Le début du mois de novembre est le moment idéal, la saison des pluies vient juste de finir et les températures ne seront pas trop élevées. Il fera tout de même une trentaine de degrés, il faut donc prévoir des vêtements légers mais couvrants pour se protéger du soleil.

Caroline et Capucine m'ont prêté des fringues de grossesse d'été. L'une est bien plus grande que moi, l'autre plus ronde, nous n'avons pas du tout le même gabarit, mais ce sera mieux que rien. J'ai aussi piqué quelques chemises à Tom, en lin et en coton fin qui seront parfaites sur un petit top. J'ai acheté de l'écran total, un spray et une crème anti-moustiques, nous avons notre médicament préventif antipaludique, nos vaccins sont à jour. Le docteur Gaguenau a d'ailleurs levé les yeux au ciel quand j'ai demandé à me faire vacciner contre l'hépatite A et la fièvre jaune, l'air de se dire mais que vont inventer les jeunes aujourd'hui, comme si ce voyage ne pouvait pas attendre. Mais il ne peut pas savoir, lui, ce que ça représente pour moi, pour Tom, pour nous. Peu importe l'avis des autres, nous sommes vaccinés, et prêts à partir, ou presque. Ma gynécologue m'a donné son accord, sous réserve que je sois prudente, pas trop de voiture quand même, et attention aux cahots et aux chutes. Mais pour le reste, pas de soucis, elle ne fait pas partie de ces médecins qui semblent penser que les femmes enceintes devraient être mises sous cloche et ça me convient bien. Une ordonnance d'anti-spasmodiques en cas de contractions, et c'est tout.

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