Chapitre 3 : Un heureux accident

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          Après avoir mangé ensemble, Emilie et Luc se dirigèrent lentement vers l'amphithéâtre II, dans lequel allait se dérouler leur premier cours d'histoire de l'art de l'année. Il s'agissait d'une option, et c'était la première fois qu'ils allaient voir le professeur en chair et en os, ce dernier ayant été absent pendant 2 mois depuis la rentrée, sans donner une autre raison que « motifs personnels ». Les deux amis s'assirent côte à côte au premier rang, car Luc souhaitait avoir la meilleure vue possible sur le fessier du prof, comme il ne cessait de lui répéter.
Après dix minutes, ce dernier arriva enfin, sa sacoche sur l'épaule et un café dans la main droite. Tandis qu'il posait ses affaires sur son long bureau et mettait ses lunettes, ses yeux parcoururent la salle rapidement de haut en bas et finirent par se poser sur Emilie. Le regard fut bref et très rapide mais la jeune fille sentie un frisson la parcourir. Luc, qui l'avait senti, se pencha vers elle discrètement :

« - je rêve ou tu viens de frémir ?

- Mais non, pas du tout... bafouilla-t-elle en rougissant. J'ai juste un peu froid...

Luc ne semblait pas convaincu mais peu importait, le cours allait commencer. Emilie alluma son ordinateur en faisant mine de se concentrer pour éviter d'autres questions indiscrètes de Luc, puis fixa le professeur qui prit une craie et commença à écrire sur le tableau noir : « Richard Exesedeteb ».

- Bonjour à tous, je m'appelle Richard Exesedeteb et je serai votre professeur d'histoire de l'art ce semestre. Nous avons pris du retard à cause de mes 2 mois d'absence, je compte donc sur vous pour travailler d'arrache-pied afin de boucler le programme.

Sa voix était suave et grave. Il avait des cheveux blonds qui commençaient à grisonner par-ci par-là et un début de calvitie se dessinait sur le devant de son crâne, à l'image de Squeezie, pensa Emilie en esquissant un sourire. Il était grand et costaud, ses yeux étaient d'un bleu perçant et sa barbe était parfaitement taillée. Il devait avoir dans les cinquante ans estima Emilie.
Le cours devait avoir commencé depuis une heure et demie et Emilie, bercée par la voix du bel homme, sentait son cerveau s'embrumer petit à petit. Il est vrai qu'elle n'avait pas beaucoup dormi la nuit précédente, et le rythme des cours était assez soutenu en ce moment. Elle commençait à partir dans une rêverie étrange quand soudain, elle fut sortie de son demi-sommeil par Luc qui la secouait.

- Qu'est-ce qui se passe ? marmonna Emilie qui avait du mal à reprendre ses esprits.

- Tu n'écoutes rien Milie ! s'exclama Luc surexcité. Le prof a dit qu'il voulait un volontaire pour faire une démonstration des poses que devaient prendre les modèles pendant la Grèce antique.

- J'ai hâte de voir qui va se taper la honte devant l'amphi ! s'écria Lana de sa voix criarde, deux rangées derrière.

- Vous, la jeune fille au premier rang ! fit le professeur en pointant Emilie du doigt.

Emilie ouvrit de grands yeux et se mit à paniquer. Tout l'amphi avait les yeux rivés sur elle. Pendant plusieurs secondes, elle resta immobile, incapable de bouger. Son cœur se mit à battre à soixante-neuf mille km/h et elle sentit son corps s'engourdir. Luc la poussa pour l'obliger à se lever.

- Je vais filmer, ça sera mémorable ! chuchota Luc, secoué de spasmes tellement il se retenait d'éclater de rire.

Emilie, tout en tremblant, se dirigea lentement vers le tableau. Ses jambes la portaient mais son cerveau était comme déconnecté de son corps. D'un côté elle voulait disparaître sur le champ, et de l'autre, elle était comme aimantée, son corps était tiré, tracté vers le professeur, ce fameux Richard qu'elle ne pouvait quitter du regard... Il lui sourit et lui demanda d'une voix douce mais ferme de s'allonger sur le bureau (ce qui, dans un autre contexte aurait pu paraitre bizarre). Elle s'exécuta, sans pouvoir faire autre chose que lui obéir.

- Voilà, et dans le cas de cette sculpture, la femme devait tendre sa jambe de cette manière, afin que le jeu d'ombre et de lumière soit parfait pour le sculpteur, expliqua le professeur en soulevant délicatement la jambe de son étudiante.

Ses doigts longèrent sa cuisse et agrippèrent sa cheville. A ce moment-là, Emilie ne put retenir un frisson. Elle serra les dents mais c'était trop tard, le professeur l'avait remarqué. Alors que la jeune fille se sentie rougir, le professeur fit brutalement tomber son stylo sous la table, sûrement de surprise, ou peut être pour cacher sa réaction au reste de l'amphi, imagina Emilie. Elle se releva légèrement et passa sa tête par-dessus le rebord du bureau, sous lequel se trouvait le professeur.

- Est-ce que vous avez besoin d'aide, monsie...commença-t-elle d'une voix qu'elle essaya de rendre naturelle.

Mais elle n'eu pas le temps de finir sa phrase. Le professeur qui se relevait brutalement en s'écriant « ah ! Je l'ai le coquin ! » heurta violemment le menton de la jeune fille avec son gros crâne. Emilie qui sentit une douleur fulgurante lui traverser le visage, partit en arrière en poussant un petit cri. Ce fut le trou noir.

***

«  - Oh le coup de boule que tu t'es pris dans les chicots, ma vieille !

Emilie ouvrit lentement les yeux et aperçu la tête hilare de son meilleur ami penché à quelques centimètres de son visage.

- Si on ne fait pas le buzz sur TikTok je ne comprends plus rien, pouffa-t-il en s'écartant pour la laisser respirer.

- Aïe mon menton... gémit Emilie en se relevant.

Elle était à l'infirmerie. Manifestement, elle avait dû s'évanouir. Elle tâta son menton pour voir le résultat : elle n'avait qu'une grosse bosse et se sentit soulagée. Elle pouvait bouger à peu près normalement la mâchoire et c'était l'essentiel, car elle s'imaginait mal devoir manger de la purée pendant trois semaines. Luc qui la fixait d'un regard rieur, soupira.

- T'as eu tellement de chance, tu sais... Le regard furieux que sa meilleure amie lui lança le fit ravaler ses mots. Non, enfin t'as pas eu de chance, c'est vrai, mais après que tu te sois évanouie, le prof t'as porté jusqu'ici. T'aurais dû voir comme il était inquiet. Un vrai prince charmant.

- Arrête Luc, répondit Emilie d'un air tout de même rêveur.

Qu'est-ce que ça a dû être agréable d'être dans ses bras, pensa-t-elle en détournant le regard pour que Luc ne remarque pas sa réaction. Mais ce dernier devait avoir aperçu le sourire d'Emilie et montra du doigt la table de chevet à côté de son lit, avec un regard malicieux.

- Il t'a laissé une carte.

Emilie se retenu de ne pas arracher l'enveloppe avec ses dents, tant elle était pressée lire son contenu. Il s'agissait d'un simple bout de papier avec quelques mots griffonnés dessus : « Chère Emilie, je suis désolée pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure, j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop. PS : Passez me voir à mon bureau un soir dans la semaine, nous discuterons en tête à tête ;) » Emilie sentit une vague de plaisir l'envahir. Luc qui se mordillait la lèvre de curiosité demanda :

- Alors, qu'est-ce qu'il dit ??

- Rien, répondit Emilie d'un ton brusque. Il dit simplement qu'il est désolé, ajouta-t-elle en voyant l'air déçu de son meilleur ami.

Emilie ne pu s'empêcher de sourire. Quel homme ! pensa-t-elle. Elle se rallongea sur le lit en fermant lentement les yeux. Serait-il possible que ce coup de boule se transforme en coup de foudre ? se demanda-t-elle tout en plongeant lentement dans un doux sommeil rêveur.

Rider

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