Les jours se succédèrent, mais ce serait mentir de dire qu’ils se ressemblaient. Si Charlotte se délectait de l’ambiance qui régnait à la maison, à présent, Madeline réprimait une colère noire contre sa sœur aînée qui, une fois de plus, était le centre d’attention de tout le monde.
Depuis leur tendre enfance, une certaine rivalité s’était installée au sein de la fratrie.
Agée seulement de six ans, Julie se trouvait déjà orpheline. Aaron West, son oncle, l’adorait plus que tout, elle était le portrait craché de sa défunte sœur. Il l’avait donc accueillie chez lui. Même plus, il l’avait adoptée, elle faisait partie intégrante de leur petite famille. Elle était toute mignonne avec sa tignasse rousse et ses yeux vairons, elle avait vite su séduire Charlotte, surtout lorsqu’elle avait commencé à l’appeler « mama Lottie ». Si les parents et Blake étaient sous le charme de la petite, elle insupportait au plus haut point Madeline, qui avait le même âge qu’elle. D’une nature jalouse, elle faisait tout pour rendre la vie difficile à sa cousine, devenue sa sœur à part entière. Elle enviait la relation qui s’était tissée entre Blake et Julie, ainsi ses actes irréfléchis et acerbes ne faisaient que l’éloigner plus d’elles.
Lorsque Noah naquit, la situation n’avait fait qu’empirer. Madeline était rentrée dans une rage noire ; partager sa sœur avec sa cousine, elle s’y était faite, mais partager ses parents avec ce nouveau bébé, c’était hors de question.Pendant plus de cinq ans, la cadette de la famille ne faisait qu’accumuler les bêtises. Si elle craignait au début les punitions, elle s’y était très vite habituée.
Les parents avaient donc décidé de placer Blake et Julie dans un pensionnat pour essayer de canaliser la rage de la petite vipère à la langue tranchante. Blake en avait toujours voulu à ceux-ci de les avoir sacrifier aux dépends des caprices de leur autre fille, mais elle avait vite compris qu’à côté des coups bas de sa sœur, la rigueur et la dureté du pensionnat étaient presque un paradis sur terre.
Madeline s’était vite remise de sa colère lorsque vint le dernier jour de leurs vacances. Depuis toujours, l’ouverture des cadeaux se faisait ce jour-ci. C’était une tradition familiale, incompréhensible, mais que tout le monde respectait.Elle se délectait de recevoir une panoplie de présents de marque, sans oublier de piailler et glousser à chaque fois qu’elle ouvrait un paquet et y trouvait ce qu’elle avait demandé. Contrairement à sa sœur qui n’y portait aucune importance, pour elle, Thanksgiving était bien au-delà du matériel.
- Blakie, tu n’ouvres pas tes cadeaux, chérie ? demanda la mère le sourire aux lèvres.
Celle-ci demeura silencieuse en regardant autour d’elle. Tout le monde semblait épanoui. Tout le monde sauf elle.
Elle ne voulait rien de ça. Ce qu’elle voulait été impossible à avoir.
Elle s’excusa et alla se recueillir un peu dans le jardin, la partie de la maison qu’elle occupait le plus depuis leur arrivée. L’air frais du soir lui faisait le plus grand des biens, elle aurait aimé avoir la possibilité d’enlever chaque bout de tissu qui empêchait sa peau de respirer, de profiter de cette ambiance délicate.Elle voulait se sentir libre. Elle chevaucha le petit muret séparant la villa de l’extérieur et longea l’allée pour atteindre le sable froid et humide.
S’asseyant sans s’aménager sur celui-ci, elle prit dans sa poche la minuscule photographie entre ces mains pour la caresser délicatement, de peur que celle-ci se déchire.- Aujourd’hui me rappelle le jour où ma vie a basculé, commença-t-elle en sentant l’odeur boisée de son frère enivrer ses narines. Donc, non, Noah, je n’ai pas envie de retourner là-bas pour vous regarder tous vous enjailler et rigoler alors que je retiens difficilement mes larmes.
- Qu’est-ce qui t’empêche de t’amuser et d’être heureuse ? demanda-t-il en se plaçant à ses côtés. Je sais qu’il t’a fait du mal, qu’il t’a trompé, qu’il a eu le scrupule de le faire avec ta propre sœur. Je sais aussi que tu l’aimais plus que tout. Mais en vaut-il vraiment la peine ? Est-ce que tu es prête à t’enterrer vivante alors que lui vit pleinement sa vie ?
Tu te rappelles ce que disait toujours papa ? "We die each day, every time...-We choose not to live for ourselves", termina-t-elle.
-Je ne vais pas te demander d’oublier ce que les deux t’ont fait subir. Mais, ne fermes pas ton cœur aux autres. Tu as le droit d’aimer à nouveau, le droit de rire, le droit d’être heureuse, sans rendre compte à personne. Tous les hommes ne sont pas Jonas, tu le sais ça ?
Si tu as envie de pleurer, vas-y, crache ta rage et ton chagrin, vide ton sac… Mais ça doit être la dernière fois que tu le feras à cause d’eux !Blake ne sut quoi répliquer, secouée par des sanglots. Pour toute réponse, elle posa sa tête sur son épaule trouvant du réconfort dans les bras de son petit frère.
- Qu’est-ce que tu as entre les mains ? demanda-t-il une fois Blake calmée.
- Je pense que tu as raison, s’empressa-t-elle de dire en cachant l’objet dans sa poche, je dois faire abstraction de mon passé, aussi douloureux soit-il, je devrai réapprendre à vivre. C’est ce que m’aurait dit papa.
Noah planta un baiser sur les cheveux de sa sœur en l’étreignant.
- Merci de m’avoir écouté.
Et c’était ainsi que s’achevaient les vacances des West.
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Le Jeu de La Vie
RomanceLa vie est un jeu incertain et à risques. Quand on y joue, on en sort gagnant ou perdant. Quand on y joue, on sacrifie beaucoup de choses pour arriver à ses fins ultimes et monter sur la plus haute marche du podium. Quand on y joue, on affronte des...