HUIT

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- Noah revient ici, tout de suite ! cria Blake dans tout l’appartement en essayant d’attraper son frère. Ce n’est pas drôle !

- « J’ai été ravi d’avoir pu assister à votre délicieuse intervention, hier. J’espère qu’il y aurait PLEIN d’autres occasions », Noah lit le petit mot un sourire aux lèvres en évitant Blake qui était prête à se jeter sur lui telle une lionne sur sa proie.

- J’exige que tu me rendes ça, tout de suite, ce n’est pas ce que tu crois !

- Signé Ayden Brooks, continua-t-il en ignorant délibérément sa sœur. Quand je vais dire ça à Madeline, elle va être verte de jalousie.

- Non, tu ne vas rien dire à personne, gronda-t-elle. Ce n’est rien qu’un coureur de jupon qui veut faire de moi son quart d’heure. Je te promets, il n’y a rien entre cet homme et moi, hier encore, j’ignorais son existence.

Le jeune homme finit par se laisser tomber sur le grand canapé en soupirant. Il était triste que sa sœur s’empêche de voir de nouveaux hommes.

- Peut-être qu’il est vraiment intéressé par toi et qu’il veut vraiment apprendre à te connaître, fit-il.

- Je crains que non, mon chéri ! Ses intentions sont loin d’être innocentes. Et puis, arrête de vouloir à tout prix me caser, je suis bien toute seule, non ? demanda-t-elle en l’enlaçant.

- Si tu le dis ! Moi, je suis convaincu que tu vas finir par tomber sous son charme, dit-il en la narguant.

- Sous le charme de qui ? s’écria Julie en les rejoignant dans leur étreinte.

- D’Ayden Brooks ! Il lui a envoyé des fleurs ! se vanta Noah comme si c’était lui qui les avait reçues.

Julie crut s’étouffer par sa propre salive en entendant ce nom, mais fit mine de rien.

La soirée se passa sans encombre. Blake n’avait pas l’air de se douter le moins du monde de ce qui se tramait dans son dos. Et à l’entendre parler, la jolie rousse fut surprise de constater que Blake, comme elle l’avait supposé, avait effectivement oublié qui était cet homme.

Les jours se succédèrent et Blake faisait tout pour éviter l’homme en question. Il n’arrêtait pas de lui envoyer des fleurs, plus précisément des jacinthes. Ses préférées. Elles étaient toujours accompagnées de petits mots, des mots qu’elle avait l’impression d’avoir déjà lus auparavant.

Elle mentirait si elle disait que ces petites attentions ne la comblaient pas. Elle se surprenait même à sourire en recevant les bouquets parfois au bureau ou même à la maison. Elle prenait même le temps de les mettre dans un vase et de changer leur eau quotidiennement.

Cependant, elle se demandait quand est-ce qu’il se lasserait et cesserait ces douces délicatesses.

- Jamais, répondit une voix derrière elle.

Avait-elle parlé à haute-voix ? Et puis, que faisait-il dans son bureau ?

- Je vois que mes fleurs vous plaisent, dit-il en la fixant droit dans les yeux.

- En effet, je ne pourrais dire le contraire, ce sont mes fleurs préférées, affirma-t-elle.

Un léger « je sais » franchit les lèvres d’Ayden. Un simple murmure qui ne parvint pas aux oreilles de Blake qui continua de parler.

- Vous avez visé juste, je vous en félicite, sourit-elle avec contenance. Mais, je me demande que me vaut cette visite.

- Je vous invite à déjeuner, répondit-il.

- Je vais devoir refuser, comme vous le voyez, j’ai énormément de travail.

- Je ne vous demande pas d’accepter, je l’exige. Je vous kidnappe pour votre pause, ce n’est pas négociable. Sinon, j’apporterai tout ce qu’il faut ici, et je serai honoré de partager ce repas dans l’antre de la redoutable Blakely Ange West, finit-il par dire en se penchant sur son bureau.

Leurs visages à proximité, Blake fut prise de violents frissons le long de son échine ; et cette lueur dans ses yeux glacés lui rappelait quelque chose.
Elle se disait que son nom sonnait très bien dans sa bouche, mais elle demeura surprise tout de même. Comment pouvait-il savoir son nom complet ? Tout le monde l’ignorait, hormis sa famille. Après tout, il connaissait bien ses fleurs préférées.

Il cachait sûrement des talents de médium.

Se rendant compte de l’intensité de leur échange silencieux, elle s’écarta brusquement. Pour la première fois, elle ressentit un sentiment étrange au fond d’elle ; un sentiment de déjà-vu.

- Je… je crains que je n’aie d’autre choix que de vous suivre ? bafouilla-t-elle.

- Vous avez tout compris ! ria-t-il, victorieux. Après vous, mademoiselle.
Blake était plus qu’intriguée par cet homme. Et pour une raison qu’elle ignorait, sa compagnie ne la dérangeait absolument pas.

Arrivés au restaurant, il prit soin de lui enlever son long manteau et lui tira sa chaise pour qu’elle s’installe.

- Alors, que me vaut cette charmante invitation et tant de galanterie ? demanda-t-elle une fois qu’il s’assit en face d’elle.

- Je voulais passer un peu de temps avec vous, savoir ce que vous êtes deve…

- Madame, monsieur, que désirez-vous manger ? l’interrompit le serveur.

Ce qui n’était pas plus mal, il allait faire une grosse bourde en terminant sa phrase. Inconsciemment, il avait voulu qu’elle le reconnaisse, qu’elle sache qui il était.

L’ambiance était légère. Ayden était un bon vivant, il inspirait la joie de vivre, pensa Blake en le regardant sourire et gesticuler frénétiquement en racontant des anecdotes de son enfance. Elle aimerait bien être comme lui. Enterrer ces douleurs qui la consumaient de l’intérieur et qui la tuaient à petit feu.
Elle se surprenait même à imaginer sa vie si elle avait connu cet individu avant. Peut-être qu’aujourd’hui, elle serait heureuse. Peut-être qu’elle n’aurait pas perdu tout ce qui lui était cher.
Après Jonas, Blake avait eu beaucoup d’aventures, c’était vrai, mais celles-ci se limitaient sur le plan sexuel. Les discussions n’avaient jamais existé avec ces ex-conquérants ; sauf si les gémissements y comptaient pour quelque chose. Elle les trouvait tous fades, inintéressants et parfois même ennuyants à mourir. Ce qui expliquait très bien le fait qu’elle refusait tout contact après les ébats. Logan Walter en était le parfait exemple.
Ayden paraissait si différent. Et la façon qu’il avait de parler, de la regarder, de s’esclaffer même, n’avait pas de pareil.

- Est-ce que mes histoires vous ennuient-elles ? demanda-t-il au moment du dessert. Vous semblez ailleurs.

- Non, pas du tout, je me délecte de vos petites anecdotes, dit-elle en prenant une bouchée de son fondant au chocolat. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu des choses aussi drôles et passionnantes à la fois…

- Si… il s’interrompit un moment lorsqu’il constata que Blake fronçait ses sourcils d’incompréhension. Enfin, je veux dire, je suis sûr que vous aviez vécu des moments pareils. Fabuleux, même.

Ils continuèrent de discuter et, contrairement, au début du repas, c’était Blake qui alimentait la conversation.

- Je ne regrette vraiment pas ce repas, déclara-t-elle une fois sortis du restaurant. Je me suis bien amusée, prenez ça pour un compliment, chuchota-t-elle en souriant en coin.

- Je vous remercie vraiment de m’avoir accordé votre temps, votre compagnie est plus qu’agréable.

- Ah bon ? Pourtant, vous avez sûrement dû entendre que j’étais une femme froide, bourrue, désagréable, … et j’en passe. Qu’est-ce qui vous pousse à chercher à me connaître ?

- Je me fais mon propre avis sur les gens, je ne me fie pas aux jugements des autres qui sont la plupart du temps erronés. La preuve… dit-il en la désignant des deux mains.

- Et, c’est tout à votre honneur !

C’était avec le sourire aux lèvres que la jeune femme rejoint l’entreprise. Ce qui n’échappa point à ses collègues, qui trouvaient ça, avons-le, plus que bizarre.

Mais toute bonne chose avait une fin. Cette fin était rapide pour Blake qui ne put se réjouir longtemps lorsqu’elle trouva Noah en pleurs dans son bureau.

Le Jeu de La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant