QUATRE

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Ce n'est qu'au coucher du soleil qu'ils pénétrèrent l'habitacle loué par leur mère, bras dessus bras dessous, en riant à gorge déployée. Enfin, c'était plus Noah qui rigolait aux anecdotes de sa sœur. Cette dernière se contentait de sourire en coin, quelques fois.

A la maison, l'ambiance était presqu'aussi glaciale que le temps hivernal qu'ils avaient abandonné à New York.

- Bonsoir !

- Enfin, vous êtes là, espèce de traitres ! J'ai cru mourir seule avec ces deux-là, vous ne pouvez pas savoir à quel point ils sont ennuyeux... Même mama Lottie en a eu marre d'eux, elle est montée se coucher à dix-huit heures, vous vous rendez compte ? clama Julie presque scandalisée. Nous avons passé l'après-midi à se regarder dans le blanc d'œil sans prononcer un mot...

- Je te rappelle que nous sommes juste là, énonça Jonas en se raclant la gorge pour attirer l'attention de sa campagne qui était plus que concentrée sur son téléphone.

- La prochaine fois que vous sortez, pitié, ne me laissez pas seule avec eux ! continua-t-elle en ignorant délibérément Jonas. Je ne sais pas ce que tu faisais avec quelqu'un d'aussi insipide, Blakie.

- Sympa... surgit la voix masculine ignorée depuis le début de la discussion.

Elle ne put réprimer un rire, suivie de près par son frère, elle n'en pouvait plus de se retenir. La situation était tellement désespérante pour sa sœur que sa façon de narrer les faits en devenait plus qu'hilarante. Elle tapota légèrement les épaules de Julie, en essayant de la calmer ou devrait-on dire de se calmer elle-même de son fou-rire ?

- Ça fait longtemps que je n'ai pas autant ri !

- Pour nous faire pardonner de t'avoir abandonné, je propose une petite soirée autour d'un petit feu,  suggéra Noah plus qu'enthousiaste.

- Je suis partante pour tout ! Juste emmenez-moi loin d'eux ! dit-elle affolée en agitant ses bras en l'air vers la sortie de la grande pièce à vivre.

Les flammes du grand barbecue se reflétaient dans l'eau de la piscine. Une fine brise fraîche fouettait les visages des trois complices. Leurs yeux brillaient au mouvement du feu et des étincelles qu'il provoquait.
Fidèles aux clichés, ils tenaient chacun une brochette de guimauves au-dessus du feu.

- Les filles, j'ai quelque chose à vous faire écouter.

Il prit derrière lui sa guitare, celle que son père lui avait offert pour ces dix ans, et commença à gratter les cordes de celle-ci doucement et fluidement.
Le choc était de taille pour les spectatrices lorsque la voix du garçon avait résonné comme une douce mélodie. C'était juste divin, il avait une voix d'ange.

Blake le détaillait et buvait chacune de ses paroles rythmées. Elle en était très fière.

Les mots étaient si forts, si tristes ; c'était là qu'elle comprit enfin que son frère n'avait jamais réussi à faire le deuil de leur défunt père.

La voix du chanteur se brisa à la fin de sa « performance », les larmes menaçant de couler.

- Noah... commença son aînée, c'est magnifique. Réellement épatant !
Elle accourut dans ses bras pour l'enlacer, suivie de près de Julie.

- Pardonne-moi, je ne savais pas que c'était aussi dur pour toi, dit-elle en essuyant ses joues. Je n'ai pas été assez présente, j'en suis navrée.
Je suis là, maintenant, je ne te lâcherai plus, d'accord ?

Il ne fit qu'acquiescer de la tête en quémandant une autre embrassade.

- Dis-donc, petite teigne, quel talent ! Je ne savais pas que tu avais une aussi délicieuse voix, le taquina Julie.

- Il y a plein de choses que tu ignores, très chère, marmonna-t-il sourire en coin. Je suis un véritable joyau qui je te préviens dissimule bien d'autres surprises.

Blake les laissa se charrier pour aller chercher une bouteille. Elle fut surprise de voir Jonas les épier, debout, devant la baie vitrée du salon. S'il voulait se montrer discret, c'était peine perdue.
Elle passa à côté de lui comme s'il n'existait pas mais elle fut stoppée dans son élan par une main serrant son bras.

- Blake, essaya-t-il avant que celle-ci ne se retire violemment de son emprise.

Il fallait avouer que la revoir sourire sincèrement, rire et s'amuser, comme avant, l'avait comme électrocuté. Il était, comme dirait-on, retombé sous son charme. Ne parlons pas de cette robe qui lui allait à merveille, mettant en avant sa peau satinée et ses yeux clairs.

Il restait statufié après qu'elle était ressortie du salon.

- Chéri, s'écria-t-elle au loin, tu vas prendre ta première cuite !

Était-il en train de regretter sa décision passée ? S'était-il précipité en choisissant de terminer sa vie avec sa sœur ?

Le doute ne cessait de torturer son esprit avant que des mains baladeuses ne se posent le long de son corps jusqu'à arriver à son entrejambe.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il haletant.

- Tu m'as l'air bien tendu, mon cœur, affirma-t-elle en le trainant derrière elle. Je vais remédier à ça, finit-elle par dire une fois dans leur chambre.

Le lendemain fut très difficile pour les West. Si Charlotte, pétant la forme, avait prévu un programme très chargée pour cette journée, elle ne s'attendait pas à ce que ces enfants soient dans de sales états.

Le couple se prélassait déjà devant la télévision du salon, en se bécotant de temps à autre, sous les yeux de celle-ci qui s'affairait à préparer un bon petit-déjeuner. La maison était plongée dans la quiétude jusqu'à ce que son téléphone sonne.

« Ayden Brooks ».

Pour échapper à toute curiosité et pour un peu plus de discrétion, elle préféra décrocher une fois près de la piscine.

- Bonsoir, Lottie, fit la voix rauque de son interlocuteur. Enfin, je veux dire bonjour !

- Bonjour, Ayden, que me vaut cet appel ? Est-ce qu'il y a un souci ? elle s'interrompit un moment quand elle se heurta au corps presqu'inerte de Julie au fond du jardin. Oh grâce du ciel ! Ayden, je te rappelle plus tard !

Bon sang, s'écria-t-elle en s'agenouillant à côté d'elle pour essayer de la secouer mais c'était sans compter sur la présence de Blake et Noah un peu plus loin.

- Non, mais vous êtes devenus fous, ma foi ! J'ai failli avoir un arrêt cardiaque, cria-t-elle en remarquant les cadavres de bouteilles d'alcool. Debout, allez !

Ne recevant aucune réaction de ces loques, hormis quelques gémissements, elle fut contrainte de passer à la manière forte : les menaces. Quelle mère, qui se respecte, n'avait pas usé de cette technique pour réveiller ses progénitures ?

- Je vais compter jusqu'à trois, si aucun de vous ne daigne se lever, je vous trainerai un par un jusqu'à la piscine pour que vous vous débarrassiez de cette gueule de bois !

Très vite, ils se levèrent en synchronisation parfaite, la tête réellement dans le cul, qu'ils eurent le tournis.

- Putain, maman, brailla Blake, quand est-ce que tu vas arrêter de faire ça !

- Mamaaaaan, geint Noah, j'ai envie de vom-... Il ne put terminer sa phrase qu'il avait déjà régurgiter sur les pieds de sa mère.

Devant la mine déconfite de Charlotte, Blake ne put s'empêcher de s'esclaffer emportant les autres dans son fou rire.

- Tu vois, c'est ce qui arrive lorsque l'on réveille brutalement des gens bourrées, pouffa-t-elle. Tu devrais voir ta tête maman, je te jure que tu es à mourir de rire. Mais, rassure-toi, ce n'est pas une grande perte, elles étaient hideuses, tes chaussures.

- Ravie que ça te fasse marrer, répondit-elle blasée. Elles étaient neuves, en plus, mince.

Le Jeu de La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant