Chapitre 20.

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La guérison fut lente. Les semaines de rééducation s'enchaînèrent et je ne lâchais pas Élisa. J'avais accepté de rentrer chez moi chaque nuit à condition de pouvoir lui rendre visite chaque jour et de pouvoir assister à tous ses rendez-vous médicaux. Les jours s'écoulèrent et nos amis vinrent plus rarement. Alors que nous les voyions trois à quatre fois par semaine au début de la période de convalescence d'Élisa, nous ne les apercevions que quelques heures, une fois par semaine désormais. Je n'avais évidemment rien contre ça. Cela nous permettait de nous retrouver tous les deux dans notre petite bulle tout en changeant les idées d'Élisa de temps en temps. Cela lui faisait du bien de voir d'autres têtes que la mienne et celle des médecins et j'étais ravi de voir son regard s'illuminer quand nos deux meilleurs amis entraient dans la pièce.

Comme à son habitude, Élisa ne perdait pas espoir. Lorsque je devenais impatient, elle savait me rappeler qu'elle sortirait très vite de là. Les exercices de rééducation se passaient pour le mieux et pourtant les médecins refusaient de la laisser partir. Elle n'avait toujours pas le droit de sortir de cet hôpital aux murs blancs dont nous avions fait le tour des centaines de fois maintenant. Et pour cause, les médecins ne parvenaient toujours pas à expliquer la dernière hémorragie qui avait conduit Élisa directement au bloc opératoire. Aucun d'entre eux ne voulait prendre le risque ou la responsabilité de la laisser sortir et que des complications surviennent. À l'unanimité, ils avaient pris la décision de la garder ici le plus longtemps possible, en observation.

Ce samedi après-midi, ce fut notre sujet de conversation principal. Tom et Emma étaient là et eux aussi s'impatientaient de voir leur meilleure amie sortir. Ils s'inquiétaient aussi. Ils trouvaient bizarre qu'après tant de temps ici sans qu'il ne se passe rien, les docteurs ne prennent pas l'initiative de la laisser sortir et rentrer.

- Bon et si on arrêtait de plomber l'ambiance ? Et si on parlait d'autre chose maintenant ?

Élisa s'était lassée de cette conversation qui tournait autour d'elle, qui ne faisait pas avancer les choses et qui la rappelait à la triste réalité. Nous approuvions tous les trois de la tête. Nous savions qu'elle n'aimait pas ce sujet de conversation. Nous savions que malgré tout l'optimisme dont elle était pourvue, elle commençait doucement à perdre espoir. Les médecins s'obstinaient à trouver ce qu'il n'allait pas et Élisa était sûre qu'ils ne trouveraient rien. Cela allait s'éterniser et elle allait passer encore de nombreux jours ici. Alors, pour relancer la bonne humeur de chacun, elle lança la question que personne n'attendait.

- Bon, et vous deux ? Vous en êtes où ?

Nos deux amis affichèrent immédiatement un regard perplexe. Ils ne semblaient pas savoir ce dont elle voulait parler et en même temps ils paraissaient coupables de quelque chose. Moi-même, je ne comprenais pas où Élisa voulait en venir. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle sous-entendait à travers cette question. Et pourtant, je compris rapidement en voyant son regard s'illuminer et un sourire s'afficher sur ce dernier, qu'elle détenait une information que je n'avais pas en ma possession. Désormais, j'étais moi-même très curieux d'en savoir plus, de connaitre la vérité.

- Tu es ma meilleure amie, mais je t'avoue que là, je ne vois pas où tu veux en venir. Tu peux être plus claire dans ta question ? demanda Emma, la mine perplexe.

- Tu sais très bien de quoi je parle Emma. L'accident ne m'a pas rendue aveugle, enfin, pas encore.

Élisa affichait un sourire malicieux maintenant, un rictus qui s'affichait sur son visage, remontant jusqu'à ses oreilles et ne laissant plus de doute sur le bonheur que lui procurait cette situation. Je ricanais discrètement dans ma barbe maintenant que je savais ce qu'elle voulait savoir, même si je ne comprenais pas pourquoi elle leur posait cette question maintenant, après tant de mois sans parler de l'éventualité de mettre nos deux meilleurs amis ensemble. Je lui fis un clin d'œil et lançai afin d'enfoncer encore un peu plus le clou :

- Mais pourquoi tu leur poses cette question ? Laisse les tranquille, dis-je avec un grand sourire.

Élisa ne fit pas durer le suspense plus longtemps. Elle avait bien quelque chose derrière la tête depuis leur arrivée ici, mais quoi ? Elle semblait avoir découvert une chose que je ne savais pas.

- Vous savez que ma chambre donne sur le couloir à l'aide de portes vitrées ?

Tom et Emma semblèrent soudainement gênés. Elle avait bien vu quelque chose et nos amis semblaient surpris. Mais je n'avais aucune idée de ce qui avait bien pu se passer. Je ne savais pas ce qu'elle avait vu. Je ne savais pas ce qu'ils lui avaient montré. Emma rougit avant de poser la question qui me permettrait de savoir réellement ce qu'il s'était passé. J'étais très curieux de connaitre l'échéance de cette conversation désormais.

- Qu'est-ce que tu as vu exactement ?

- Oh, je ne sais pas. Je ne suis pas vraiment sûre de ce que j'ai vu. Il me semble que j'ai aperçu deux mains enlacées dans un couloir d'hôpital alors que leurs propriétaires se rendaient au chevet de leur meilleure amie. Peut-être que je me suis trompée, je ne suis pas sûre de ne pas être victime d'hallucinations à force d'être ici, dit-elle en haussant les épaules.

Elle était clairement en train de les taquiner. Et visiblement, elle s'amusait de ce jeu qu'elle était en train de jouer avec sa meilleure amie et ce qui semblait être son petit copain maintenant. Les sourires d'Élisa firent évidemment descendre la pression très rapidement et nos deux meilleurs amis comprirent qu'ils n'avaient rien à nous cacher. Ils se trouvaient en présence de personnes de confiance qui ne se permettraient jamais de se moquer, de blâmer, de donner leur avis ou même de les juger... D'un signe de tête, Élisa les encouragea à nous parler, à nous révéler leur beau secret. Elle était heureuse pour nos amis et elle fit tout pour le leur faire comprendre. Finalement, ce fut Tom qui prit la parole en premier.

- Tu as deviné, bravo !

Lui aussi affichait un sourire béat en cet instant. Ils avaient l'air soulagés de pouvoir nous dire enfin la vérité. Un vrai poids disparut de leurs épaules. Ils n'avaient plus rien à cacher. S'ensuivit de nombreuses questions pour en savoir plus. Élisa les bombarda d'un interrogatoire d'envergure. Nous apprîmes que nos amis étaient en couple depuis quelques semaines maintenant. Que l'accident, le coma et la convalescence d'Élisa les avaient rapprochés, autant psychologiquement que physiquement. Qu'ils ne nous eussent rien dit parce qu'ils ne voulaient pas nous embêter avec cela. Au milieu de tout ce malheur qui nous était tombé dessus ces dernières semaines, ils ne voulaient pas être le centre de l'attention. Jusqu'à ce qu'Élisa se rende compte du pot aux roses ... Et maintenant, ils étaient heureux de partager ce nouveau bonheur avec nous.

Sans plus attendre cela égaya notre journée. Ce fut notre sujet de conversation préféré pendant les jours qui suivirent, que nos amis soient là ou pas. Élisa était heureuse de tout cela et fière de dire qu'elle l'avait senti, qu'elle savait que nos amis étaient faits pour être ensemble. Son sourire ne se décrocha plus de ses lèvres. Et un bonheur en entrainant un autre, comme un aimant, comme une chaine de bonnes nouvelles, les médecins se rendirent à l'évidence. Ce vendredi matin, on nous annonça qu'Élisa pourrait sortir. Que faute d'informations et de trouvailles, Élisa avait le droit de regagner son appartement. Elle devait continuer à venir à l'hôpital pour des visites de contrôle et sa rééducation, mais elle avait enfin le droit de rentrer chez elle pour retrouver sa vie d'avant. 

Jamais plus sans toi - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant