Chapitre 30

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La nuit avait été tellement agitée et si peu reposante, que la journée du lendemain fut ponctuée de semi-réveils, de sommeils agités et d'endormissements profonds. Je remuais encore et encore sur le canapé sans parvenir à retrouver un minimum de forces, à recharger mes batteries. Je me réveillai définitivement en fin d'après-midi. Toujours aussi fatigué. Ayant l'impression d'avoir enchaîné un trop grand nombre de nuits blanches, les paupières lourdes, la bouche pâteuse et le corps entièrement courbaturé, plus lourd qu'il ne l'avait jamais été.

Lorsque je me levais pour me rendre aux toilettes, je fus saisi par des maux de tête foudroyants. Un marteau semblait cogner chaque parcelle de mon cerveau, sans reclache. Je m'immobilisai et attrapai ma tête entre mes deux mains, massant mes tempes en espérant soulager un peu la douleur. J'avais cette affreuse impression d'avoir subi un assaut de coup de poing dans le visage, comme pour me rappeler mes méfaits de la veille. Le destin s'acharnait contre moi, comme s'il voulait que je partage la douleur que j'avais fait endurer à Lucas un peu plus tôt.

Je laissai tomber l'idée de me rendre aux toilettes et pris alors la direction de la cuisine, puis fouillai dans les tiroirs pour y trouver une boite d'antalgiques entamée. J'attrapai une bouteille de soda dans le réfrigérateur, m'en servis un verre et avalai deux cachets en espérant que la douleur passe rapidement. Chaque mouvement était un supplice, accompagné d'une sale impression que mon cerveau se promenait dans ma boite crânienne. Le karma se retournait contre moi. Il ne voulait pas que j'oublie, ne serait-ce qu'une seule minute, l'abominable erreur que j'avais commise la veille au soir.

La colère gonfla de nouveau en moi. J'étais devenu une véritable bombe à retardement qui ne demandait qu'à exploser encore une fois. Frapper Lucas avait été une belle connerie, mais en y repensant, voir son sang gicler sur le bitume m'avait fait un bien fou. Je savais mieux que personne que ce mec était un crétin et qu'il en attendait bien plus de la part de mon Élisa. Depuis le début, je le savais, ce con ne cherchait qu'une chose : être bien plus qu'un simple ami pour elle et la foutre une bonne fois pour toute dans son pieu. Et cela importait peu que je me trouve au milieu de son chemin. Il ne comptait pas revenir en arrière ni changer d'avis. Je le soupçonnais même de savoir ce qu'il faisait. Il me connaissait très bien, il savait quel tempérament j'avais, il avait conscience de la manière violente dont je pouvais réagir s'il allait trop loin. Il avait clairement profité de cette faiblesse, de mon incapacité à me contrôler pour mettre fin à notre histoire naissante, grandissante, extraordinaire.

Je bouillonnais au milieu de mon salon. Faisant des allers retours rapides, de plus en plus tenté à fracasser mes poings contre les murs. J'hésitais entre rester ici et tenter de reconquérir Élisa par tous les moyens possibles, même si cela me paraissait tout simplement impossible ; et prendre ma voiture pour me rendre chez cet abruti et finir ce que j'avais commencé devant notre bar préféré.

Mais putain, qu'est-ce qu'il faisait là ce connard ?

Un cri de rage, roc, sortit de ma gorge sans que je ne puisse le retenir, sans que je ne puisse le contrôler. Et sans que je ne puisse rien faire, sans que personne ne puisse réagir, mon poing droit vint s'écraser contre le mur en pierre, à égal distance des deux fenêtres qui s'y trouvaient. De tous petits éclats de pierres et d'enduit s'envolèrent me rappelant à quelle point la situation était ridicule. Je n'avais aucune chance contre ce mur qui en avait sûrement vu bien d'autres avant moi. Mais c'était comme ça. C'était ce mur ou le nez de Lucas qui devait prendre une bonne raclée pour que je parvienne à me calmer ne serait-ce qu'un petit peu.

J'étais doucement en train de prendre conscience de ma propre situation. Les phalanges en sang, je venais de perdre la personne la plus précieuse que j'avais. Ma mère m'avait pourtant fait promettre de ne plus jamais lui faire de mal, mais j'en étais simplement incapable, j'avais soufflé sur cette promesse sans aucun scrupule. Les larmes me montèrent aux yeux, sans que je ne puisse les freiner dans leur ascension, alors que je me dirigeai vers la salle de bain pour rincer ma main devenue écarlate. Après l'avoir passée sous l'eau, toujours endolorie, je m'effondrai sur le sol, ne retenant plus les sanglots bloqués dans ma gorge depuis quelques heures maintenant, le visage au creux des mains, le dos contre la baignoire.

Jamais plus sans toi - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant