Chapitre 23.

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Les semaines suivantes furent très différentes de ce que nous avions connu jusqu'à maintenant. Notre relation se révéla beaucoup plus passionnelle que ce qu'elle avait été. Nous passâmes beaucoup moins de temps avec nos amis et donc beaucoup plus de temps l'un avec l'autre. Ce qui ne dérangeait absolument pas Tom et Emma puisqu'eux aussi en faisaient de même de leur côté. Notre intimité s'en trouva renforcée. Ainsi, tous les moments que nous passions en public tournaient court. Comme un besoin viscéral, après quelques minutes passées ensemble, nous avions besoin de nous retrouver tous les deux : elle, moi, son corps et mon corps. Nous passâmes l'essentiel de nos après-midis dans nos appartement, alternant entre le mien et le sien, dans la pénombre, les volets quasiment fermés avec pour seul vêtement un drap ou une couverture, accompagnés d'une de nos musiques préférées en fond sonore.

Dans ces moments de calme, rien n'avait la possibilité de nous séparer ou de nous sortir de notre bulle. Nos interphones étaient coupés, nos téléphones mis en silencieux, nos affaires, quelle qu'elles soient, éloignées de nous au maximum, à l'autre bout de l'appartement. Aucune pollution extérieure ne nous atteignait. Et tous ces facteurs réunis nous permettaient de vivre le parfait amour sans aucune faille, sans aucune secousse. J'en oubliais absolument toutes mes craintes. J'arrêtais de croire qu'Élisa était fragile à cause de son accident. J'arrêtais de croire qu'elle ne m'aimait pas comme je l'aimais. J'arrêtais de croire qu'elle finirait par me quitter. J'arrêtais de croire que je ne faisais pas les choses correctement avec elle. J'arrêtais de croire qu'elle prendrait la décision de partir avec Lucas à un moment donné. C'était sans compter sur ce qui allait se passer dans les jours qui allaient suivre.

Notre relation prit peu à peu de plus en plus d'ampleur. Elle devint plus forte, plus sérieuse, plus paisible. Tranquillement, nous prîmes le pli de vivre l'un chez l'autre. Quand je ne dormais pas chez Élisa, Élisa logeait dans mon appartement. Nos deux habitations se partageaient nos affaires personnelles. Comme une garde alternée d'enfants, nos logements se répartissaient nos jours de présence. Encrés l'un à l'autre, nous étions devenus inséparables, autant physiquement que psychiquement. Malgré nous, la vie faisait qu'il fallait qu'on se sépare, beaucoup trop souvent ; pour aller travailler et pour aller voir nos familles respectives notamment.

Un jour, alors que nous étions à table en train de partager le repas japonais que nous venions de commencer, malgré moi et sans y avoir réfléchi au préalable, je suggérai à Élisa de lui présenter mes parents. Elle accepta immédiatement avec un grand sourire, surexcitée. Ce fut après coup, que je me rendis compte de ma bêtise. Je savais pertinemment que la situation allait être stressante et embarrassante. Non pas que je n'eusse pas confiance en Élisa. Je savais que quoi qu'il arrive, elle ferait bonne impression. Elle pourrait arriver habillée en clown avec un maquillage effrayant, que mes parents l'aimeraient quand même. Il suffirait qu'elle sourît ou même qu'elle ouvre la bouche pour que mes géniteurs comprennent qu'elle était une fille extraordinaire et qu'il me serait difficile voire impossible de trouver mieux un jour sur cette terre. Ce qui m'inquiétait le plus, c'était ma mère ; tellement extravagante, à côté de la plaque, démonstrative. Elle était folle tout simplement. J'avais appris à faire avec depuis toutes ces années, mais le peu de temps que je passais chez eux suffisait à ce que je rentre exténué.

Pour certains, elle semblait pleine de vie, propriétaire d'une réserve de blague sans fin que je ne trouvais absolument pas drôle. Il est vrai qu'elle était toujours souriante et arborait toujours un regard joyeux. Pour moi, s'en était souvent trop. Moi qui aimais la tranquillité et le silence, mes week-end chez mes parents ressemblaient plutôt à une fête qui ne se terminait jamais mais dans laquelle je n'avais pas vraiment envie d'être. Mon père, qui pourtant avait un caractère plus proche du mien que du sien, se complaisait dans la vie qu'il partageait avec elle. Cela allait faire quarante ans qu'ils étaient ensemble et ils étaient incapable de se séparer plus de quelques heures sans s'appeler. Je craignais qu'Élisa ait peur de tout ça ; ma mère trop entreprenante et souriant et mon père qui accepte tout ça, les yeux fermés, ayant une pleine confiance en elle. Elle allait sûrement penser que je venais d'une famille de fous avec une mère qui se faisait sans cesse remarquer.

Jamais plus sans toi - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant