Chapitre 28

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Abby.

Je suis enfin calmée.
Je n'arrivais pas à reprendre le dessus sur moi-même, emportée par ma rage.
Quand j'ai entendu Chris prononcer son nom ça m'a fait exploser, je ne veux plus jamais entendre parler de lui. Je lui ai jeté tout ce que j'ai trouvé, ce n'était pas pour le blesser, juste le besoin de me défouler sur quelqu'un.
Et puis Sebastian ma jeté sous l'eau froide et j'ai arrêté de crier pour enfin pleurer en laissant sortir tout mon mal-être, regrettant de m'être mise dans un tel état devant Chris qui va maintenant se douter que quelque chose ne va pas.
Je les aient entendus parler dans le couloir, Sebastian lui a dit de me laisser tranquille mais il n'a jamais su faire ça alors j'ai fermé la porte à clé pour qu'il comprenne que maintenant c'était moi qui ne voulait plus lui parler. Pourtant je sais que j'ai besoin de lui mais je ne peux pas lui dire les raisons de mon comportement, c'est trop dur.
Je me demanderai toujours s'il m'a pardonné parce qu'il le voulait ou bien parce que je lui ai fait pitié. Et puis, j'ai trop peur qu'il me regarde différemment après mes aveux.

Je me pose sur mon lit après avoir fumé à la fenêtre de ma chambre, je n'aime pas fumer ici mais hors de question que je prenne le risque de tomber sur Chris en allant dehors.
J'ai pu compter sur Sebastian pour me ramener des cigarettes, j'avais trop peur de sortir et en même temps une telle envie de drogue que ça me consumait. Et dans le doute, vaut mieux demander une drogue légale, on a plus de chance de l'obtenir. La preuve, il s'est braqué instantanément quand je lui ai parlé d'oxy. Après tout, c'est lui qui me demande sans cesse si j'ai besoin de quelque chose.

Je me décide à mettre un peu de musique pour penser à autre chose en regardant le plafond de ma chambre.
J'aurai besoin de retrouver Hailie mais elle ne peut pas me voir dans cet état, en même temps, rien ne me dit que je serais en meilleure forme pour son retour.
Elle doit rentrer dans une semaine et ça me terrifie de ne pas être capable de m'occuper d'elle convenablement, vu le mal que j'ai déjà à m'occuper de moi.
Je ne parviens pas à avaler quoi que ce soit, même dormir est une épreuve. Dès que je ferme les yeux, les images de cette maudite soirée défilent en boucle dans ma tête, et ça me fait tellement mal que si il n'y avait pas Hailie, je me serai déjà foutu en l'air.

Je fais défiler ma playlist sans vraiment savoir ce que je veux écouter jusqu'à ce que Stan se fasse entendre dans mes oreilles.
C'est ma chanson favorite d'Eminem. Ma préférée tout court même. Je ferme les yeux pour profiter du chef d'œuvre qu'est ce morceau en chantant dans ma tête.

L'histoire d'un fan complètement névrosé qui finit par tuer sa femme enceinte m'a toujours touchée, je pourrais l'écouter en boucle qu'elle me fera toujours verser une petite larme à la fin.

Sometimes I even cut myself to see how much it bleeds
It's like adrenaline, the pain is such a sudden rush for me.

J'ouvre a nouveau les yeux et me dresse sur mon lit. Je me suis toujours demandé si c'était vrai ? Se sent on vraiment bien lorsque on se coupe, la douleur disparaît elle en laissant place à l'euphorie ?

Pour en avoir le cœur net, je prends le ciseau qui se trouve dans un tiroir de ma table de nuit. D'ordinaire je m'en sers pour me couper les cheveux lorsque je me sens l'âme d'une coiffeuse mais il peut très bien occuper deux emplois.
Je fais naviguer mes yeux entre mon corps et la lame du ciseau, je ne sais pas quel est le meilleur endroit pour faire ça, je ne veux pas non plus souffrir le martyr si ça ne marche pas.
Pourquoi pas les poignets ? Ils sont encore bleu de toute façon, alors un peu plus ou un peu moins.

Je pointe la lame sur le plus gros bleu, à l'intérieur du poignet et donne un coup sec.
Je regarde le sang s'échapper en retenant un petit cri de douleur.
Je reste ainsi quelques minutes avant de me sentir... presque bien. Pas parce-que je suis contente de me faire du mal mais parce-que je ne vois plus les marques qu'il a laissé là où j'ai coupé. Alors dans un geste plein de rage, je me lacère le reste de ma peau beau pour ne plus avoir à me rappeler cette soirée quand mes yeux se posent sur cette partie de mon corps.

Non... En fait pas du tout. Parce-que quand toutes ces marques auront guéries, il restera des cicatrices qui me rappelleront à vie ce que j'ai fait et pourquoi.

Je pleure tellement que ma vision se brouille. J'aimerais tellement oublier tout ça, je voudrais vraiment être capable de remonter la pente mais j'ai l'impression que c'est au dessus de mes forces.
Peut-être bien que j'aurai pu si je ne me sentais pas constamment rejetée par Chris, si j'étais sûre qu'il me pardonnerait un jour et qu'il m'aimera jusqu'à la fin de sa vie. Mais je n'y crois plus, il est incapable de passer au dessus de tout ça et moi je ne veux pas le regarder faire sa vie alors que la mienne n'a plus aucune saveur.

Hailie donne du sens à ma vie. Mais vais-je en donner à la sienne maintenant que je suis brisée en milles morceaux ?
Mérite t-elle vraiment une mère qui se découpe sans même avoir pris le temps de se poser avant d'agir ?
Mérite t-elle de me voir sombrer un peu plus chaque jour ?
Bien sûr que non. Ça détruirait la personne qu'elle est, ça changera entièrement sa personnalité en laissant des marques indélébiles dans son âme et j'aurai causé tout ça, je serai son fardeau et je ne le veux pas.

Alors, je me replonge quelques années en arrière, plus précisément le soir où j'ai voulu en finir, le soir où Ashton a enfoncé ses doigts dans ma gorge pour me faire vomir tous les comprimés que je venais d'avaler et la seule bonne chose qui en est sortie, c'est Hailie.

Mais ce soir je suis seule, personne ne viendra me sauver et ça m'arrange. Je n'ai plus envie de vivre comme ça. De vivre tout court.

Je prends à nouveau le ciseau entre mes mains et fini ce que j'ai commencé un peu plus tôt, je m'ouvre les veines assez profondément pour ne pas que ça dure trop longtemps. Je veux que ce soit rapide, ça rendra mon geste presque indolore.

J'écris quelques mots sur un papier pour Ashton.

"Ne m'en veux pas. Ne t'en veux pas. Les personnes que l'on aime s'en vont toutes un jour, mais les souvenirs sont ancrés en nous. Garde seulement les bons.
Prends soin de ma fille comme si c'était la tienne, je te fais confiance.
Je t'aime, Gail."

Je m'allonge sur le lit et me laisse partir tout doucement.

Le destin est taquin, Freddie Mercury chante Bohemian Rhapsody, et au moment où je ferme les yeux la dernière chose que j'entend est d'une vérité fracassante.

Too late, my time has come, sends shivers down my spine
Body's aching all the time

Goodbye everybody, I've got to go.

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Et si je vous disais que c'était la fin ? ...

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