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Nous roulions vers Crawley. Ma mère conduisait, mon père n'ayant jamais réussit à décrocher son permis, ni même le code de la route en fin de compte. Durant le trajet, je m'amusais, comme à mon habitude, à compter les voitures. Les rouges. Toujours les rouges. Mon frère lui, regardait de ses yeux vides, l'écran de son nouveau téléphone.

Nous n'étions pas loin des réjouissances de Noël, et mon frangin quémandait depuis quelques temps un chien.

Je n'affectionnais pas particulièrement les chiens. Ils avaient la sale manie de sauter en tout sens et de venir vous lécher la figure juste après s'être curé l'arrière-train. Ma mère souhaitait absolument satisfaire son fils, bien qu'elle soit informée de son insupportable comportement. Elle refusait simplement de s'en inquiéter.

Le fait est que nous étions en quête d'un clébard. Grand, petit, à poils longs ou les oreilles tombantes, peu importe. Du moment qu'il était vivant et capable de marcher.

Ayant un bon fond, ma mère avait l'intention d'adopter. Je nous voyais déjà revenir avec un clebs à moitié mort, couvert de puces et le regard vide. Mais au contraire, le refuge où nous nous trouvions était propre, ordonné et en aucun cas odorant.

Nous sommes donc entrés dans ce refuge. Des boxes étaient disposés d'un façon qui me donnait la forte impression d'être dans un rayon de supermarché. Mais ce sont les aboiements qui m'ont surprise le plus.

Je crois me souvenir d'un Golden Retriever qui se déchaînait devant sa grille, d'un autre, plus petit, attendant sagement qu'un maître le trouve assez beau. Car ne nous mentons pas, les gens finissent toujours par s'attacher à un physique.

Et bien que je n'aimais pas les chiens, cela m'a attristé de voir ces gueules supplier du regard. Un regard profond qui peut vous faire comprendre ce qu'un flot de paroles suppliantes ne pourra pas faire.

Mon frère s'est dirigé d'un pas lent vers ce qui me semblait être un Doberman. C'était un chien très fin, musculeux et de taille considérable. D'après les petites cicatrices qui ornaient sa tête, ce dernier ne devait pas avoir vécu une vie paisible avant de se retrouver emprisonné. Pour une faute qu'il n'a jamais commise.

Le choix semblait être fait.

Haz avait de nouveau un foyer.


* * *


J'ai chaud. Non. Je bouillonne. Mes draps sont collés à mon corps recouvert de perles de sueur. Je suppose avoir fait un rêve particulièrement mouvementé. Ou un mauvais rêve.

La seconde option est une habitude, une constante menace qui plane sur mes nuits. J'ai fini par m'y accoutumer. Peut-on s'habituer à cauchemarder ?

J'ai un bras engourdi. J'ai du m'endormir sur le ventre et le bras en dessous de ce dernier. Ma bouche est extrêmement sèche et mes cheveux sont éparpillés et emmêlés sur un oreiller taché de mascara. Les souvenirs d'hier soir . . . Haz jappe. Cet adorable monstre n'oubliera jamais l'heure de son repas matinal . . . Quant à mes paupières, elle s'ouvrent difficilement et d'une lenteur effroyable.

Je jette un rapide coup d'œil au réveil. « 6h06 »

Pour une fois je ne serais donc pas en retard au boulot.

Excepté que nous sommes un dimanche.


Après m'être étirée comme le ferait le plus souple des félins, je me dirige vers la salle de bain.

Grâce ou à cause du miroir qui me fait face, je prends conscience de la calamité physique que je suis. J'entreprends donc le nettoyage de ce faciès ingrat. Une fois terminé, mon visage ressemble un peu plus à ce qu'il doit être. C'est rassurant.

Un rapide déjeuné et me voilà prête pour affronter la journée. Je jette un coup d'œil à la baie vitrée qui me fait face et constate que le soleil s'est dissimulé derrière une armée de nuages aux nuances sombres.

Il me semble qu'aux alentours de 11h je dois être en compagnie d'une amie.

Je n'ai pas tellement d'amis. Mes contacts se restreignent à mesure que le temps défile. Cela à toujours été ainsi. Je ne suis pas douée pour les relations d'humain à humain, mon cerveau évitant tout ce qui présente une once d'idiotie et de faiblesse d'esprit.

Mais Karen n'est pas comme ces autres homos-sapiens qui se contentent de vivre leur vie comme on la leur dicte parce que depuis qu'ils sont nés, ils sont destinés à vivre une vie simple. Parce qu'ils sont formatés ainsi. Ils n'ont pas le pouvoir de s'y opposer et ne se rendent d'ailleurs même pas compte qu'ils sont manipulés.

Cette jeune femme a une véritable conscience et un esprit que beaucoup d'autres envient. Je la qualifierai d'unique. Un véritable compliment à mes yeux. Je ne saurais décrire ou nommer le lien qui nous uni. Ni fraternel, ni amical et pas non plus amoureux, il reste indescriptible. Je dois ajouter que c'est en partie grâce à ses talents de psychologues que je m'en suis sortie. Il m'a fallu du temps.

J'ai finalement réussit à me reconstruire après cette période de ma vie que je qualifierai d'ignoble. Je ne dois plus y penser. Karen m'a sauvée. En utilisant diverses techniques, pas toutes approuvées par la loi, elle a fini par réussir à camoufler les sbires de Satan qui avaient élu domicile dans mon esprit. Non sans peine et sans cicatrices, physiques comme psychique. Mais je tiens réellement à ces cicatrices. D'une certaine manière, elles ont construit la personne que je suis à présent bien que je ne saurai me définir convenablement.

Le vibreur de mon téléphone portable interrompt mes pensées à la dérive. Un message de Karen m'avertit qu'elle sera au Dark Heaven dans moins de cinq minutes. Pour m'y rendre il me faut plus d'un quart d'heure.

Et merde.

Je serais en retard.

DésaxéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant