8- L'héritier

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Les deux Duchés ne lâches pas prise, la Duchesse m'affirme qu'elle est dix fois plus riche que le Duc du Sud, que c'est sûr que c'est elle qui l'aura.

— Il le sait très bien, s'il le choisit, il va se ruiner, grogne-t-elle en donnant un chiffre immense.

— Que... qu'arrive-t-il si vous ne réussissez pas? Vous n'aurez pas d'héritiers?

La Duchesse me regarde d'un regard froid, puis elle reporte son attention sur la scène.

— Le Duc du Sud devra choisir dans ceux qui n'ont pas été choisis quand nous l'aurons, bredouille–t-elle en remarquant que le Duc de Néregs enchère une fois de plus.

— Il va regretter de s'être mis entre moi et mon héritier!

Cette fois, elle pose un ultimatum. Le prix qu'elle offre est juste immense. Non plus que cela, il est plus gros que le Duc du Sud ne pourra jamais se le permettre.

Ce dernier arrête d'enchérir, la Duchesse sourit froidement.

— Caspian, lot 1, revient au Duché d'Angwin du Nord!

La foule commence à se lever, la Duchesse m'emmène avec le Duc vers une porte en bas des gradins, nous parcourons un long couloir peut illuminé, puis nous débouchons vers une porte. Je la reconnais, c'est la porte par laquelle j'ai vu pour la première fois la Duchesse et le Duc. La porte s'ouvre, un garde vient de l'ouvrir.

Le jeune homme se tient là, ses cheveux blancs hors du commun lui donnent un air angélique, mais ses yeux noirs ressemblent à l'eau d'un lac à minuit.

— Caspian, c'est bien cela? demande la Duchesse en s'approchant. Emmenez-le dans la calèche de Mademoiselle June, question qu'ils fassent connaissance.

La Duchesse et le Duc se dirigent vers la sortie, je ne les suis pas tout de suite, je dévisage le dénommé Caspian quelques instants, puis je pars avec les autres.

Je m'installe dans la calèche bleu et dorée en premier, je suis suivie par Caspian qui se pose juste en face de moi. Il est silencieux, il ne dit rien.

— Je suis June, je lui dis.

Il lève les yeux vers moi, les siens dans les miens.

— Tu sais probablement déjà le mien, grogne-t-il.

Je soupire en reculant ma tête dans l'appuie. Ça risque d'être un long voyage avec un jeune homme aussi silencieux!

Je décide de me reposer les yeux, question de rattraper le sommeil que j'ai perdu. Je me demande ce qu'il pense, ce Caspian.

— Tu penses qu'on va arriver vers quelle heure? me demande-t-il après quatre heures et une dizaine de minutes.

Je réfléchis.

— La dernière fois nous sommes arrivés vers seize heures, je l'informe. Il doit rester moins d'une heure.

Caspian acquiesce, puis il pose son front sur la vitre de la calèche.

La route cahoteuse reprend, signifiant que nous arrivons bientôt.

— Il y a un bal dans cinq jours, j'ajoute en le regardant. Il est à la Capitale aussi, c'est le...

— Bal des Héritiers, je sais, je ne suis pas stupide.

Je baisse la tête, regardant mes escarpins.


Arrivés au manoir, je me presse de retourner à ma chambre, plus vite je serai loin de Caspian, plus vite je pourrai décompresser. Il a vraiment une attitude énervante, j'ai envie de lui hurler dessus que, moi non plus, je n'ai pas choisie de vivre avec cette Duchesse!

Je me dirige vers la grande porte quand l'Intendante arrive devant moi.

— Mademoiselle, votre harpe vient tout juste d'arriver, où dois-je la mettre? m'annonce-t-elle en m'empêchant de passer.

Je me retourne vers la Duchesse.

— Je ne suis pas bien placé pour dire où je veux qu'elle soit, demandez donc à Madame la Duchesse.

Je me rus vers l'intérieur en accrochant son épaule, je parcours rapidement les couloirs, Gayle à mes trousses.

— Mademoiselle! crit-elle derrière moi. La Duchesse veut vous voir, vous et l'héritier...

Je stop net, elle manque de me foncer dedans.

— Je dois vous accompagner jusqu'au Boudoir, Mademoiselle.

Je soupire.

— Je vous suis.

Je ne suis jamais allé dans le Boudoir, en fait, je ne suis sorti qu'une seule fois de ma chambre et je me surprends à connaître le chemin jusqu'à ma chambre.

Elle me fait parcourir les couloirs, nous nous arrêtons devant une double porte semblable aux autres. Gayle cogne doucement, puis ouvre.

— Mademoiselle June est là, Madame la Duchesse, soupire-t-elle.

J'entre discrètement, la Duchesse se lève d'un bond, furieuse. Elle se rapproche dangereusement de moi, je remarque avec effroi que Caspian et le Duc sont là, eux aussi. Elle va m'humilier devant eux! La femme s'arrête juste devant moi et me gifle une seconde fois, cette fois, je me retiens pour ne pas tomber sur le sol, mais ma tête fait un mouvement violent sur le côté.

— Vous êtes ingrate! Nous venons tout juste de vous acheter une harpe hors de prix et vous fuyez! Ingrate!

Les larmes coulent le long de mes joues, je la déteste. Je la hais.

—Va t'asseoir! hurle-t-elle en pointant les sofas en cuir.

J'obéis, la tête baissée. La Duchesse s'assoit sur le dernier fauteuil, je dois me mettre sur celui à deux places; à côté de Caspian.

Ce dernier ne dit rien lorsque je m'installe, tremblotante, à côté de lui. Il ne me regarde pas hautainement comme je l'aurais pensé, il me regarde avec pitié. Je le déteste aussi. Je les déteste tous.

La Duchesse du Nord (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant