13- Confidences

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Je dois avouer que je suis encore en vie seulement par chance. Si les gardes n'étaient pas intervenus au bon moment, le malfrat serait entré dans ma chambre et aurait peut-être pu me tuer. Ce dernier a avoué avoir voulu tuer tous les héritiers, mais il s'est fait prendre à son premier meurtre.

On nous a suggéré de rentrer directement chez nous, à nos Duchés respectifs et de doubler la garde, nous ne sommes pas en sécurité avec des mercenaires voulant voir la mort des héritiers dans la rue. Ces précautions sont prises juste le temps que la poussière retombe.

— La connaissais-tu? me demande Caspian dans la calèche après une heure d'interminable silence. Joyce?

Je lève la tête dans sa direction.

— Très peu, mais oui. C'était une très bonne personne.

Le silence reprend quelques instants, mais je vois que Caspian veut en savoir plus.

— Il ne t'est rien arrivé, tout de même?

Je lève la tête une seconde fois, je ne veux pas parler de mon expérience. Une personne est morte et c'est d'elle qu'on devrait parler. Pas de moi, une simple fille qui a été chanceuse d'être dans la deuxième chambre d'invités sur la liste du meurtrier.

Face à mon silence persistant, il reprend.

— Hier, je ne voulais pas avoir l'air si froid. C'est juste que je ne sais jamais si je fais la bonne chose. Quand je suis parti, j'ai été pris au dépourvu que tu me le remettes dans le visage, c'est tout.

J'acquiesce, mais je ne parles pas plus.

— Si tu ne veux pas de mes excuses, dis-le! grogne-t-il en serrant les poings.

Je détourne le regard, vers la fenêtre. Le paysage est beau, de hautes montagnes aux sommets glacés et pointus, de minuscules maisonnettes en bas complètement et des champs de fleurs à perte de vue. C'est beau. Très beau.

— Ce n'est pas ça. C'est juste que je ne veux pas en parler tout de suite. Ce n'est pas le moment.

Caspian lève les yeux au ciel.

— Je ne t'ai pas vue de toute la semaine dernière! Ce sera quand le moment? Il va falloir que je vienne te chercher et te forcer à m'écouter?

Sa voix est dure et sèche. Une partie de moi se dit qu'il a peut-être raison, mais une autre dit qu'il est juste stupide.

— Parle, alors.

Il lève les yeux au ciel. Face à sa réaction je me penche pour lisser ma robe, faire disparaître des plis inexistants. Cette dernière est aussi de voyage, mais plus élégante, plus lousse.

— Je t'ai déjà tout dit, avoue-t-il. Tu as dit que j'étais froid, hier, mais j'ai l'impression que tu t'es décrite, toi-même. Tu as toujours cet air condescendant, hautain. Tu chiales que la Duchesse est cruelle, mais tu as la même attitude arrogante!

J'avale difficilement, ma gorge est serrée.

— J'ai mes raisons, je dis pour me défendre de ses accusations.

Un de ses doigts craque, il est en colère.

— Lesquelles?! hurle-t-il.

Ma respiration s'accélère, mon ventre se noue. Il a raison, je ne peux le nier.

— J'ai peur. Je crains le jour où je serai blessée, j'ai peur d'avoir mal! je lui cris dessus. Voilà! C'est dit.

Il reste silencieux. Son silence me fait peur.

— Je comprends, finit-il par dire d'une voix calme. Je l'ai fait à l'orphelinat, mais à plusieurs endroits, ça m'a ralenti, projeté vers l'arrière. Je me protégeais d'une chose inexistante. En fait oui, cette chose existe. C'est la vie. Tu te protèges du malheur et au passage, tu fuis le bonheur.

Ses paroles de sagesse me touchent, je ne me rends même pas compte que des larmes coulent le long de mes joues rougies. Ma vue est brouillée, mes mains crispées. Gentiment, Caspian s'approche de moi, il vient s'installer sur le siège de la banquette à côté du mien, il passe un bras autour de mon épaule.

Je ne sais pas nous restons ainsi combien de temps, mais je finis par m'endormir, je crois que lui aussi, toujours dans la même position...

La Duchesse du Nord (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant