reticent ᵏⁱᵐ ᵗᵃᵉʰʸᵘⁿᵍ

7

Taehyung marche devant moi sur le chemin menant vers la rivière, ses cheveux forment un halo cendré qui brillent dans la lumière du soleil.

Nous passons devant les bâtiments du campus et les classes de la faculté, devant le bâtiment administratif et des finances juste au bas du chemin, où le pavage se fond dans le sable et le gravier.

Nos chaussures crissent sur la terre pendant quelques minutes, et puis il y a le silence quand nos pieds tombent sur l'herbe verte et douce.

Le bavardage des étudiants marchant entre les cours se dissout dans le son du chant des oiseaux, et au loin, j'entends le joyeux bouillonnement de la rivière qui suit son cours.

Les arbres sont si épais et si éloignés des bâtiments que c'est presque comme si nous avions complètement quitté le campus.

Et puis les arbres font place à un étroit chemin de randonnée qui épouse la berge de la rivière, et nous ralentissons notre rythme encore plus pour marcher le long de celui-ci, admirant la façon dont la rivière scintille en se déplaçant, sa surface brisée ici et là par un poisson errant.

Taehyung laisse échapper un soupir de satisfaction, en levant ses mains à l'arrière de sa tête alors qu'il observe les oiseaux qui volent dans les arbres, un sourire serein tirant sur ses lèvres.

"Ma soeur, Eunjin, aime ce genre de temps," dit-il, sa voix chaude rompant doucement le silence confortable entre nous, "Quand nous étions plus jeunes, elle utilisait des brindilles, des feuilles et du sable pour construire des châteaux de fées. Elle s'asseyait et les construisait pendant des heures – des petites constructions complexes, avec des douves et des ponts-levis que les fées pouvaient utiliser si elles jugeaient que c'était un endroit acceptable pour passer la nuit.

"Quand elle avait fini de les construire, elle les décorait avec des galets et des marguerites, et elle s'asseyait le soir, passant le temps, en la fixant dans l'espoir d'apercevoir une fée, juste une fois."

Je laisse échapper un rire, et son sourire s'élargit.

"Il semble qu'il n'y avait pas beaucoup de fées à Daegu. Mais ça ne l'a jamais arrêtée. Et une fois, notre frère, Jonggyu, a essayé de détruire un de ses châteaux."

Il ricane à ce souvenir, ses yeux deviennent distants alors qu'il se souvient, "Elle lui a jeté une boule de boue de la taille de sa tête. Il a dû nettoyer la saleté de ses oreilles pendant des jours."

Je ne peux pas empêcher le sourire de se dessiner sur mon visage, "Ils sont toujours à Daegu ?"

Il acquiesce, tournant son regard vers moi, ses yeux bleus alertes et présents une fois de plus, "Ouais. Jonggyu aide notre père à gérer l'entreprise familiale, et Eunjin a commencé le lycée cette année."

"Quelle est l'entreprise familiale ?"

"Mon père dirige une petite entreprise de restauration qui livre des repas cuisinés aux maisons de retraite et aux orphelinats."

"Et ta eomma ?"

"Elle reste à la maison pour s'occuper de notre halmeonni."

"On dirait que tu as une famille pleine de bonnes personnes."

"C'est le cas," approuve-t-il, le visage illuminé de fierté.

Repérant un banc, Taehyung nous fait signe de nous asseoir, et nous le faisons, côte à côte, face à la rivière, tandis que l'eau glougloute devant nous.

"Et toi ?" se risque-t-il, en inclinant légèrement son corps vers moi, "Parle-moi de ta famille."

"Eh bien..." j'aspire un souffle, "J'ai un petit frère. Il s'appelle Seongin et il a sept ans. Et ma eomma est employée administrative dans une petite entreprise en ville. Rien d'extraordinaire, mais nous sommes très proches. Ça me manque de pouvoir aller chercher Seongin à l'école."

Taehyung me regarde attentivement, se mordillant la lèvre, et à l'omission douloureusement évidente de mon père, ses sourcils se froncent. Je sais ce qu'il est sur le point de demander au moment où il ouvre la bouche pour donner vie à la question, alors je l'interromps.

"Je ne veux pas parler de mon père, si ça ne te dérange pas," dis-je doucement, en serrant les dents et en me tournant pour faire face à l'eau.

Quelques minutes passent en silence, et je commence à me demander si je n'avais pas été trop impolie en formulant ma demande, mais quand je jette un coup d'oeil à l'homme à côté de moi, son visage est passif, et il regarde la rivière d'un air pensif.

Nous restons assis en silence pendant si longtemps que lorsque Taehyung parle à nouveau, le grondement de sa voix me fait presque sursauter.

"Quel genre de temps aime Seongin ?"

La question me prend au dépourvu, et je me retourne pour le fixer.

Il m'observe avec le plus petit des sourires, attendant patiemment ma réponse, et je me rends compte soudain qu'il oriente subtilement la conversation loin des sujets qui pourraient me mettre mal à l'aise.

Cette pensée me réchauffe le cœur.

"La pluie. Il adore la pluie. Il tombe constamment malade pendant la saison des pluies parce qu'il se faufile toujours pour courir dans l'arrière-cour, jouer dans la boue et chanter à tue-tête," je dis, en me rappelant comment il a couru en sous-vêtements la dernière fois qu'il a plu, et comment eomma et moi étions toutes les deux trempées en essayant de l'attraper, et les rires qui remplissait l'air ce jour-là.

"Et toi ?" Taehyung demande, sa voix à peine au-dessus d'un murmure, semblant enchanté par ce que j'ai à dire.

"J'aime l'hiver," je réponds, et je suis surprise quand ma voix est à peine plus haute que celle de Taehyung.

"Pourquoi aimes-tu l'hiver ?" insiste-t-il.

Je regarde fixement la rivière, en réfléchissant à la façon dont je vais répondre.

"J'aime le froid. J'aime la cruauté de l'hiver. Comment il peut t'arracher le souffle de tes poumons, et te faire sentir comme si tu étais à peine là. C'est rude et
impitoyable, dépouillant les arbres de leurs feuilles et
et enlève la couleur du monde. Elle est silencieuse, mais tranchante et puissante, éliminant les faibles et préservant les forts.

"Personne n'apprécie l'hiver. Ils s'en plaignent. Ils le remettent en question. 'Je déteste l'hiver. Pourquoi faut-il qu'il fasse si froid ? Comment peut-on aimer ce genre de temps ?'. Mais si nous n'avions pas l'hiver, nous n'aurions pas la vie. Nous n'aurions pas l'éclat du printemps. Nous n'aurions pas l'éclosion des fleurs de cerisier alors que les arbres secouent la froideur de l'hiver de leurs troncs. Nous n'aurions pas d'oiseaux qui chantent ou de papillons qui dansent avec les fleurs. Nous n'aurions pas la vie.

"Nous avons besoin du froid. Nous en avons besoin tout autant que nous avons besoin de la chaleur de l'été, et de la pluie. Parce que sans l'hiver, la chaleur du soleil n'aurait aucun sens. Les couleurs du printemps ne seraient pas aussi vives si elles n'émergeaient pas du gris de l'hiver."

Je m'arrête brusquement, réalisant que je divague, et je baisse les yeux sur mes mains avec embarras, "En plus, j'aime les vêtements chauds et le chocolat chaud," je marmonne.

Taehyung rit, un son sourd et doux – le crépitement du feu dans une cheminée, et lorsque mes yeux se posent sur les siens avec perplexité, ses iris sont d'un bleu azurée liquide, le froid en eux dégelé.

"J'avais l'habitude de détester le froid," dit-il, ses yeux se rétrécissant en croissant à cause du large sourire sur son visage, "Mais maintenant... je pense que c'est peut-être mon temps préféré, aussi."