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"Il a vraiment dit ça ?" Lia demande quelques jours plus tard, à un volume si élevé qu'un groupe d'étudiants à proximité se retournent pour voir qui fait ce vacarme.

"Tu peux le dire encore plus fort ?" je siffle, en regardant autour de moi avec embarras et en grimaçant sur mon mauvais choix de mots.

"Oh ? Bien sûr que je peux. J'ai dit IL A VRAIMENT D-"

Elle laisse échapper un rire étouffé contre ma main qui se referme sur sa bouche, et je la fixe avec un regard mortel qui la fait légèrement fléchir.

Elle repousse ma main, toujours en riant, "Eh bien... que penses-tu de ce qu'il a dit ?"

"Je ne sais pas," je marmonne en haussant les épaules, "Ça avait l'air plutôt effrayant."

"Effrayant ? Tu ne sais pas comment le flirt fonctionne ?"

"Il flirtait ?"

Lia me regarde désespérément, laissant échapper un soupir exaspéré. "Miran-ah, tu lui plais. Genre, vraiment."

"Oh," je dis doucement, sentant mon coeur faire un tour étrange dans ma poitrine.

Il m'aime ?

Cette pensée est étrangère, elle me remplit d'incertitude et de trop d'émotions pour que mon cerveau puisse les traiter.

"Est-ce qu'il te plait ?" Lia essaie, ses sourcils se froncent dans une légère inquiétude.

"Je le connais à peine."

Et c'est vrai. Je ne le connais que depuis quelques semaines –  pas assez de temps pour que des sentiments romantiques s'installent en moi.

Aucun temps n'est suffisant, après tout.

Pas une semaine, pas une année. Pas même vingt-sept ans sont suffisants.

"Très bien," concède finalement Lia, "Juste... n'essaie pas d'arrêter ton coeur, ok ?"

Quand je regarde ma meilleure amie – son choix de mots me semble étrange – je la trouve en train de me regarder avec quelque chose qui s'apparente à de la compréhension.

"Je sais que les choses ont été difficiles depuis que ton père-"

"Il n'a rien à voir avec ça," je l'interromps gentiment, "Quoi que ce soit."

Elle me fait un signe de tête avec un petit sourire compatissant, "Je ne veux juste pas que tu arrêtes ta vie à cause de ce qu'il a fait."

"Je ne l'arrête pas," j'insiste.

"Alors... super," dit-elle, ouvrant la bouche pour continuer avant de remarquer que des étudiants se dirigent vers nos deux classes, "On en parlera plus tard. On se voit après le cours ?"

"Ouais."

Elle me fait un câlin rapide avant de se diriger vers sa classe, et je lui emboîte le pas dans la direction opposée.

Ce n'est pas une surprise quand j'entre en classe et trouve Taehyung déjà assis, en train de lire un manuel scolaire.

Il lève les yeux quand je dépose mon sac sur la table, et je remarque un trio de boucles d'oreilles sur son lobe d'oreille gauche.

Au lieu d'être alignées, elles ont la forme d'un triangle,
et chaque bijou est différent, avec une chaîne scintillante suspendue à l'un des clous.

Il me sourit en guise de salutation, et je lui renvoie un sourire.

"Depuis combien de temps as-tu ces piercings ?" je lui demande, en m'asseyant à côté de lui, et ses longs doigts viennent tripoter le bijou en question.

"Ceux-là ?" dit-il, en tournant légèrement la tête pour que je voie aussi l'autre côté. Au lieu d'un triangle, il a deux piercings conventionnels dans le lobe, un clou, et
une boucle, "Depuis un moment, mais je n'ai pas porté de bijoux depuis quelques mois."

Je penche la tête en évaluant l'étrange assortiment d'ornements en argent brillant.

"Je les aime bien," je déclare simplement, me tournant pour prendre mes livres.

"Ah o-ouais ?" il dit, et le bégaiement dans sa voix redirige à nouveau mon attention vers son visage.

Les pommes de ses pommettes saillantes ont viré au rose pâle, et un petit sourire timide se dessine sur ses lèvres. Sa timidité soudaine, comparée à ses paroles timides d'il y a quelques jours, m'a fait échapper un petit rire de mes lèvres.

"Ouais," je l'assure, en donnant un léger coup à la chaîne qui se balance sur son lobe, "Je les aime bien."

Son sourire s'élargit de telle sorte que ses dents blanches sont pleinement exposées et je suis stupéfaite pendant une seconde par l'éclat de son sourire, comme les phares d'un camion, et je suis le cerf sur la route.

Alors qu'il est sur le point de répondre, M. Choi entre dans la salle de classe, et tous les élèves à l'intérieur laissent échapper un soupir collectif d'ennui, s'affalent dans leurs sièges en se préparant à un autre cours théorique péniblement ennuyeux.

Le conférencier commence à parler d'un ton monotone qui se fond rapidement dans le décor, et je griffonne distraitement sur la page devant moi.

Ce qui n'était au départ qu'une simple ligne d'encre bleue se transforme en un chien pelucheux, et quand je me lasse d'ombrer la fourrure, je commence un autre croquis d'un œil, l'une des seules choses que je suis capable de dessiner.

La main de Taehyung glisse dans mon champ de vision, errant sur le bureau et s'arrête sur la page que je griffonne.

Je lève les yeux vers lui pendant une seconde avant de revenir à la page, juste à temps pour qu'il finisse de gribouiller une petite hachure.

Ah.

Quand je regarde à nouveau Taehyung, il arbore un sourire malicieux, un sourcil levé alors qu'il me regarde avec impatience.

Mon léger esprit de compétition prend vie, et je ne peux pas m'empêcher de sourire en prenant mon stylo, en grattant un X dans l'un des carrés.

Au fur et à mesure que la leçon progresse, ni Taehyung ni moi n'absorbons une seule chose du cours, et nous finissons par défigurer trois pages vierges de mon cahier avec des dizaines de carrés de Tic-Tac-Toe.

Je gémis presque à voix haute lorsque Taehyung me bat dans un tie-break qui a pris des minutes de réflexion intense et de stratégie de la part de chacun d'entre nous.

À notre surprise, le cours ne prend que la moitié du temps qu'il devrait, et le conférencier, qui semble s'ennuyer de son propre contenu, nous renvoie tôt.

Immédiatement, la classe éclate en bruit, avec les étudiants autour de nous qui s'emballent avec enthousiasme et acclamation pendant que M. Choi part en nous saluant d'un signe de main paresseux.

Je me lève, portant mon sac sur mon épaule en me préparant à me diriger vers la porte quand je sens des doigts doux et chauds s'enrouler autour de mon poignet.

"Hé," dit Taehyung, les yeux écarquillés, pleins d'espoir et si bleus, "Est-ce que tu voudrais marcher le long de la rivière sur le campus ? Nous avons un peu de temps à tuer avant d'aller à l'arrêt de bus."

Regarder le regard anticipatif dans ses yeux me rappelle les mots précédents de Lia.

Tu lui plais. Genre, vraiment.

C'est facile de croire ses mots quand je vois la lueur dans ses yeux, sentant la façon dont sa main fine hésite à lâcher mon poignet.

C'est difficile de résister.

"Est-ce que tu vas me tuer ?" je plaisante, et la question
provoque un rire profond dans la poitrine de Taehyung, avant que son visage ne devienne sérieux.

"Je ne rêverais jamais de te faire du mal," murmure-t-il, me laissant sans voix.

Puis son visage se fend à nouveau d'un sourire, et mon cœur s'emballe, et je jure que je ne serai jamais capable de suivre la facilité avec laquelle il passe du sérieux au ludique.

"Allons-y."

"D'accord."

reticent ᵏⁱᵐ ᵗᵃᵉʰʸᵘⁿᵍOù les histoires vivent. Découvrez maintenant