Chapitre 9

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La journée qui suivit fut la plus difficile du voyage, à la fois parce que les humains se faisaient plus fréquent, et qu'ils devaient régulièrement se cacher dans les bois tout en restant sur leur garde, par crainte des démons, mais également parce que Léna se demandait sans cesse si Raphaël était sain et sauf, s'il les suivaient de loin en serrant son couteau, ou s'il s'était fait attaqué et était en train de mourir dans d'atroces souffrances en l'appelant à l'aide. Toute à ses préoccupations, elle confondait un peu rêves et réalité.

Heureusement pour eux, le temps se faisait plus clément. Lorsqu'il fallait remettre les capes pour traverser un village, ils n'étaient plus en nage au bout de quelques minutes. Ils avançaient, sans s'arrêter, conscients que leur but était proche. Tout en chevauchant, Léna commença à élaborer un plan pour organiser une rencontre entre Raphaël et Eliott, sans que ce dernier ne se fâche ou ne découvre ce qui liait son frère et sa meilleure amie. Elle ferait mine de l'avoir rencontré par hasard. Mais Eliott lisait en elle comme dans un livre ouvert, et de toute façon, cela ne pourrait se faire avant la levée des consignes de sécurité qu'elle savaient encore en vigueur au Sanctuaire.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la forêt, les cinq étrangers s'en remirent entièrement à Léna. Comme elle lorsqu'elle était à Aylos, ils ignoraient l'emplacement exact du Sanctuaire et suivirent leur guide dans les profondeurs de la forêt. Comme leur ancien leur avait fait part des difficultés rencontrées par Léna et ses camarades en raison des démons qui se multipliaient, ils redoublèrent de vigilance en s'enfonçant au milieu des plantes inconnues et des bêtes étrangères qui peuplaient ce lieu. Par chance, ils ne croisèrent aucune créature maléfique et parvinrent enfin au Sanctuaire en fin d'après midi. Ils y entrèrent, constatant qu'il était presque en tous points identique au leur, puis Léna les conduisit directement chez l'ancienne. L'absence de portes les étonna autant que leur présence avait troublé la jeune fille chez eux.

Ils entrèrent donc dans la salle de réunion sans frapper. L'ancienne s'entretenait avec l'n des camarades de Léna, une ombre d'une cinquantaine d'années qui officiait à l'infirmerie. Tous deux avaient un air grave et semblaient discuter d'un sujet de la plus haute importance, mais en voyant entrer Léna, l'ancienne le congédia et fit signe aux nouveaux venus d'entrer. Les six ombres s'installèrent autour de la table, face à elle.

"Je vois que mon homologue a accédé à ma requête, dit-elle en examinant les étrangers de son regard perçant.

-Oui, confirma la jeune fille.

-Et qu'a-t-il dit d'autre?"

Léna hésita. Devait-elle parler du conseil qu'il leur avait donné, à Raphaël et à elle?

"Il a dit qu'il sentait lui aussi que l'équilibre était sur le point de basculer, répondit-elle lentement. Que la victoire ne se ferait pas sans une... "réconciliation", je crois que c'est ce qu'il a dit, entre humains et ombres.

-Je vois, dit l'ancienne après avoir laissé passé un petit silence, son regard bleu à présent fixé sur Léna. Et à TOI, que t'as-t-il dit?"

La jeune fille ne répondit pas. Elle rougit et baissa la tête. L'ancienne sourit d'un air entendu et se tourna alors vers les nouveaux-venus qui avaient suivi cet échange, perplexes.

"Je vous remercie d'être venus, leur dit-elle. Votre aide nous est précieuse. Léna va vous emmener dans vos chambres, mais je dois encore m'entretenir seule à seule avec elle un instant. Pourriez-vous attendre cinq minutes dans le couloir?"

Ils acquiescèrent et sortirent. L'ancienne fit alors signe à Léna de se rapprocher, pour éviter d'être entendue.

"Il ne sert à rien de le cacher plus longtemps. Il avait raison en vous disant de vivre au grand jour. L'humain et toi incarnez un renouveau, une nouvelle façon de penser dont nous avons cruellement besoin, aujourd'hui plus que jamais."

La Nuit des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant