Chapitre 18

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Une routine s'installait dans le petit campement de Léna et Eliott. La jeune fille savait à quel point son ami aimait résoudre les problèmes en tout genre, et surtout à quel point il était bon là-dedans, ce qui leur avait été fort utile quand ils étaient plus jeunes, lorsqu'il fallait se tirer de situations délicates. Une fois, ils avaient décidé d'aller se promener tous seuls dehors à la nuit tombée. Ils s'étaient donc cachés dans le couloir de la sortie et avaient attendu que les équipes de nuit sortent pour les suivre sans se faire voir. À l'époque, les démons se faisaient plus rares et ils s'étaient éclatés dehors tous les deux. Mais le problème, c'est qu'en faisant la course au milieu des buissons, et en testant leurs pouvoirs sur tout et n'importe quoi, ils avaient salis et déchirés leurs vêtements, qu'ils devaient remettre à la laverie dès le lendemain. Ils n'avaient pas non plus pensé à la façon dont ils allaient rentrer dans le Sanctuaire pour dormir. Finalement, et entièrement grâce à Eliott qui avait tout compris au mécanisme de la porte rien qu'en examinant la pierre et les alentours, ils avaient réussi à rentrer dormir et avaient planqué leurs vêtements déchirés dans un conduit d'aération, au fond de la cuisine. Quand ils avaient été interrogés à ce propos, Eliott avait affirmé sans rougir qu'ils les avaient pourtant déposés à la laverie comme d'habitude, et que quelqu'un là-bas avait dû les perdre. Un esprit vif, capable de trouver la solution à chaque problème en un rien de temps. Il valait mieux lui laisser le champ libre, aussi Léna se chargea-t-elle de toutes les tâches nécessaires à leur survie, préparation des repas, nourrissage des chevaux, entretien du feu... tandis que son ami s'isolait dans sa tente ou un peu à l'écart pour réfléchir.

Les deux premiers soirs, ils avaient fouillé de fond en comble la campagne environnante, cherchant le moindre coin d'ombre dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi. Mais il n'y avait rien. Le troisième soir, Eliott entreprit de se balader au hasard à la recherche de traces de magie démoniaque, qui pouvaient correspondre à la fameuse "obscurité", mais comme en témoignait ses pupilles, qui avaient depuis longtemps reprit leur taille initiale, ils se trouvaient trop loin des différents Sanctuaires pour la ressentir. Puis, il essaya de marcher vers l'ouest pendant une bonne partie de la nuit, tous les sens en alerte, pour tenter de ressentir ce que la lettre appelait "les traces de votre nature profonde". Mais le jeune homme rentrait chaque soir plus dépité que la veille et Léna regrettait de plus en plus de ne pas avoir Sacha et son optimisme auprès d'eux. Pour la première fois de sa vie, elle trouvait la communication muette qui régissait le monde des ombres trop lourde pour être supportable.

De leur côté, Louis et Raphaël travaillaient d'arrache-pied à l'élaboration du plan qui permettrait d'impliquer les humains dans la bataille. Déjà, de plus en plus de villages près de la forêt avaient dus être évacués en raison de démons qui se rapprochaient inexorablement et s'aventuraient de plus en plus en dehors de leur supposé territoire. Les ombres tentaient tant bien que mal de les en empêcher, mais leurs heures étaient comptées si elles ne recevaient pas rapidement de l'aide.

Raphaël avait reçu la réponse de Sacha, qui annonçait être invitée à "la fête de l'année" chez une de ses amies et ne pas pouvoir la rater, mais affirmait venir juste après, accompagnée par leurs parents. Elle serait là dans une quinzaine de jours, avec en prime la surprise destinée à Léna s'il voulait bien lui envoyer de l'argent. C'était Louis qui avait donc répondu en envoyant de quoi tout payer. Il avait renoncé à Léna, parce qu'il ne faisait pas le poids face à Raphaël qui était bien plus amoureux que lui, mais il aimait tout de même l'idée de lui faire plaisir, et puis ce serait un clin d'œil à ce moment qu'ils avaient passé tous les deux au château. En espérant qu'elle ne leur en veuille pas trop...

Ce soir-là, Eliott ne tenta rien pour résoudre l'énigme. Il y avait réfléchi toute la journée, et il savait que c'était aussi le cas de Léna, retourné le problème dans tous les sens, sans trouver de solution. Mais il y en avait forcément une. Dès le repas terminé, il se leva en soupirant pour aller se coucher, mais en tournant le dos au feu, quelque chose retint son attention. Son ombre, que le feu projetait devant lui, réveillait quelque chose en lui. Il resta immobile, les yeux fixés dessus, attendant que l'idée fasse son chemin jusqu'à la surface de ses pensées. Et soudain il comprit. Il remonta légèrement sa manche droite, révélant la marque noire trop longtemps cachée, et sourit. Excité comme une puce, il se retourna alors vers Léna qui l'observait l'air de se demander ce qu'il fabriquait.

La Nuit des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant