XXXII.

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Louna.



Je ne saurais dire combien de temps plus tard, la porte de la pièce s'ouvra à nouveau, causant mon réveil. Chad entra pour la seconde fois. Il tenait dans sa main droite une sorte de gamelle pour les chiens remplie d'eau et dans sa main gauche, un seconde gamelle mais qui contenait des morceaux de viande crue. Il me regarda et souri.

- J'ai pensé que tu devais avoir un petit creux, lâcha-t-il.

Je le regardai profondément, essayant tant bien que mal de lui faire comprendre qu'il avait raison et que je le remerciai. Je pense qu'il avait compris puisqu'il souria à nouveau et déposa les deux gamelles devant moi. Je voulus me relever pour manger mais mon épaule n'était pas de cet avis, à peine eu-je posé ma patte avant gauche sur le sol, mon épaule dérailla, l'os sortit de ma chair et se brisa en deux.

Je couinai d'un cri aigu, plaintif. C'était abominable.

A nouveau sur le sol je regardai Chad tristement. Il me regardait avec pitié, je détournai rapidement le regard, je ne voulais pas de ça. Je ne voulais pas de sa pitié. Après plusieurs minutes, je le sentis bouger. Je ne voulais pas qu'il parte et qu'il me laisse à nouveau seule dans cet endroit froid et humide. Je tournai la tête d'un geste vif et vit qu'il se rapprochait de moi. Il s'accroupi devant moi et saisi un morceau de viande, puis me le tendit. Je poussai un petit grognement de mécontentement. Je n'avais jamais dépendu de personne et je ne voulais pas que ça commence aujourd'hui. Mais j'étais trop faible et je savais que je finirais par manquer de force face à l'aconit. Si je ne mangeais pas, mon os ne se ressoudera jamais et ma chair ne se refermera pas non plus.  Du bout des crocs j'attrapai la viande qu'il me tendait, avant de la manger comme si je n'avais pas mangé depuis plusieurs jours, ce qui était d'ailleurs peut-être le cas.

Chad me redonna plusieurs bout de viande, que j'avais mangé mais avais fini par en refusé, préférant garder quelques morceaux pour plus tard.

Il resta avec moi encore quelques temps, mais quelqu'un l'avait appelé non loin de là et il était sorti en vitesse, il valait mieux qu'on ne sache pas qu'il m'aidait.

Le soir même, je vis à travers la petite fenêtre de ma « cellule » que c'était la pleine lune. Puisque j'étais déjà sous ma forme de louve, la pleine lune ne changerait absolument rien pour moi, mais j'essayais d'imaginer les autres, ensemble, et heureux. Pensaient-ils à moi ? Essayaient-ils de me retrouver ? Où faisaient-ils comme si rien n'avait changé, comme si je n'avais pas disparu ? Tant de questions sans réponse. La pleine lune m'empêcha de dormir — puisque j'aurais du être dehors avec les autres effectuer le rituel.

Le lendemain, alors que je commençais doucement à fermer les yeux et tentais de dormir pour faire passer le temps, la porte s'ouvra à nouveau et alors que je pensais qu'il s'agissait de Chad, je ne daignai pas ouvrir les yeux. Mais à mesure que la personne s'approchait, je ne reconnus pas son odeur. J'avais ouvert les yeux brusquement et avais découvert un gamin d'à peine treize ans. Lorsqu'il m'avait vu ouvrir les yeux, il s'était directement arrêter de marcher, avait reculé d'un pas et s'était mit à trembler très fort. Il me faisait de la peine.

- Dylan ! Qu'est-ce que tu...

Une fille qui devait avoir à peu près son âge fit irruption dans la pièce. Lorsqu'elle me vit, elle se figea entièrement. J'avais l'impression d'être leur pire cauchemar alors que je ne leur ferais jamais de mal. Je voulais le leur dire mais j'en étais incapable.

J'entendis d'autres pas et Chad entra dans la pièce.

- Dylan, Anna, vous n'avez rien à faire ici. Barrez vous.

Les deux le regardèrent mais ne bougèrent pas.

- Tout de suite. Reprit-il plus fermement.

Anna attrapa Dylan par la manche et le traîna en dehors de la pièce.

- Je suis désolé. Dylan n'écoute pas grand-chose. M'avait-il confié.

A ce moment précis, je me rendis compte qu'il tenait dans ses bras un petit tas de vêtements. Je le regardai d'un air interrogatif.

- J'ai pensé que quand tu te retransformeras, tu aimerais ne pas rester nue.

J'avais totalement oublié ce détail, ça aurait été plutôt embarrassant si je m'étais retrouvée nue devant Chad. Il me souria, visiblement gêner et posa les vêtements par terre avant de s'approcher à nouveau de moi et d'inspecter ma blessure toujours rongée par l'aconit. Il revint ensuite se placer juste devant moi et me fixa droit dans les yeux.

- Tu sais, je suis désolé...

Je penchai la tête d'un côté pour lui montrer mon interrogation et il reprit.

- Pour l'aconit, je suis désolé, j'aurais dû les empêcher, mais je ne savais pas que ça te ferais une telle blessure, ils avaient dit que ça ne ferais que t'endormir...

Je voyais dans ses yeux qu'il était sincère, il s'en voulait réellement. Il me fixait, attendant que je lui donne la moindre réponse ou que je réagisse, mais je n'en eu pas la force. Il passa une main dans mon épaisse fourrure blanche, répétant ce mouvement jusqu'à ce que je m'endorme.


Je m'étais réveillée, je ne sais pas combien de temps après, mon premier reflexe fut de regarder l'avancement de la guérison de ma blessure. L'os avait l'air de s'être ressoudé et ma plaie quant à elle, bien qu'encore grave, avait bien cicatrisée. J'inspirai lentement et les mêmes questions tournaient dans ma tête « Est-ce que je vais être capable de me lever ? » ou « Est-ce que je vais enfin pouvoir me retransformer ? ». Bien que ma forme animale ne me déplaise absolument pas, le contact avec les gens non-loups restait très restreint.

J'avais pris mon courage à deux mains avant de poser une patte, puis une deuxième et puis les quatre sur le sol. Une mince douleur apparu dans mon épaule, mais elle était largement supportable.

Je m'étais concentrée et en plusieurs secondes — qui me parurent durer une éternité — mon corps était de nouveau humain. Je détaillais longuement ma blessure, elle ne passait pas inaperçu au vu de sa taille et de sa profondeur bien qu'elle s'était déjà bien refermée.

J'avais ensuite pris les vêtements que Chad m'avait amené et les avaient enfilés.

Je m'étais par la suite dirigée vers la porte de ma « cellule » et avais tambouriné de toutes mes forces sur cette dernière. Rapidement, des personnes arrivèrent et me dire de me calmer. Au loin je vis la petite Anna.

- Chad, murmurais-je.

Elle avait sans doute lu sur mes lèvres puisqu'elle était rapidement partie. Allait-elle aller le chercher ? Je n'en avais pas la moindre idée.

J'avais reculé de la porte et m'étais assise sur le sol, attendant que quelqu'un ne viennes.

 - Louna ?

Sa voix. Elle fit chavirer mon cœur le temps d'un instant.

- Ash ?

- Oui ! Tu es où ?

- Aucune idée, mais il y a Chad avec ceux qui m'ont emmené.

- Les sorciers... Toujours en travers de mon chemin. Grommela-t-il.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Je...

Et puis plus rien. J'avais tenté de l'appeler mais n'ayant obtenu aucune réponse, j'avais fini par abandonné. Au fond il était tellement possible et c'était même probable que les sorciers bloquent notre faculté de communiquer par la pensée. Car je savais que ce que Chad nous avait montré n'était qu'un très faible échantillon de ce qu'ils étaient réellement capables de faire.



Far away.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant