Là où la Terre rencontre le Ciel

Chapitre 8

Sydney, Bayhill Nouvelles Galles du Sud, 26 septembre 2010.

Oliver avait loué un 4X4 qu'Oona avait pratiquement rempli de produits d'entretien, de sacs poubelle, de cartons sans compter la montagne de chiffons, serpillères et autres éponges! Peter, son mari, avait ajouté à tout ce matériel un diable et une caisse à outils. Oliver avait tenté de lui expliquer que le bricolage n'était pas son fort, que l'intendant avait sûrement des outils et qu'au pire il devait bien y avoir un magasin de bricolage dans le coin mais le bonhomme lui avait répliqué que lui non plus, le bricolage n'était pas son ami avant qu'ils achètent la maison. 

- Par la force des choses, on devient bricoleur, Oli! Tu vas t'y mettre sans t'en rendre compte!

- Mais j'ai pas envie de m'installer à Bayhill!

Peter lui répondit par un grand sourire:

- L'avenir nous le dira... et puis ça te fera de l'entraînement quand tu achèteras une vraie maison à la place de ton aquarium!

Oliver n'eut pas le temps de répliquer: Oona arrivait avec armes et bagages tout en maugréant sur le fait de s'enterrer dans la cambrousse.  Peter l'attrapa par la taille:

- Allons, chérie, tu pars en voyage avec un beau garçon millionnaire! J'en connais plus d'une qui aimerait être à ta place!

- Mouais... on part nettoyer une vieille maison dans la cambrousse! Tu parles d'une destination de rêve!

- T'es jamais contente! Allez, bisous! Il ajouta plus bas pour que le jeune anglais n'entende pas: prends soin du gamin!

- T'inquiète, je l'ai à l'œil susurra-t-elle. 

Oona embrassa son époux et chargea ses valises dans la voiture. Elle se fit la réflexion qu'il était étrange que tous les gens qui connaissaient Oliver développaient ce sentiment de protection envers le jeune homme. Pourtant, il était en pleine santé, jouissait de toutes ses facultés tant physiques qu'intellectuelles mais il générait chez autrui l'envie de le protéger. Il y avait en lui une certaine fragilité qu'il cachait mais qui parfois éclatait au grand jour lorsqu'il ne se savait pas observé. 

La route se fit dans la bonne humeur. Oona en profita pour faire le point sur les invitations qu'elle avait décliné pour le compte d'Oliver. 

- On va finir par croire que vous êtes un peu agoraphobe si ça continue, commenta-t-elle. 

- Si ça peut les empêcher de m'inviter pour un oui ou pour un non, je veux bien passer pour un misanthrope aussi déclara Oliver. 

Plus ils approchaient de leur destination, plus Oliver se sentait tendu. Il n'arrivait pas à savoir pourquoi. Il ne savait pas vraiment ce qu'il ressentait ni pourquoi il réagissait aussi vivement. Après tout, il n'avait pas de liens affectifs avec la famille Heston-Nite. Il leur devait sa fortune actuelle et en était reconnaissant même si celle-ci lui était parvenue suite à un drame. Il se remémorait le malaise qui l'avait pris au dépourvu lorsqu'il avait pénétré dans la demeure familiale la seule et unique fois. La sensation de n'être pas à sa place, d'être un intru fossoyeur des souvenirs de plusieurs générations. Il réprima un frisson. Cette sensation n'avait cessé de le tenailler depuis qu'il était arrivé à Sydney. Il ne savait plus comment réagir. Il ne souhaitait pas faire table rase du passé de Bayhill car ce serait effacer toute la dynastie Heston-Nite. Mais comment faire autrement? Il ne pouvait pas laisser Bayhill en l'état ad vitam aeternam; sans quoi il se sentirait lui-même seulement le dépositaire de cette fortune et non pas son héritier. Non, il devait s'attaquer au cœur de l'héritage  Heston-Nite, quitte à devoir effacer les joies, les peines que six générations avaient ressenties dans cette demeure. C'était le prix à payer et lui seul pouvait le faire et le faire respectueusement. Cole avait proposé de venir l'aider mais il avait refusé. D'une part, il fallait quelqu'un aux commandes de la HN Inc. pendant son absence et d'autre part, parce que cela aurait été trop pénible pour le vieil ami de la famille que Cole se trouvait être.