Chapitre 15

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25 Octobre 1862. 17h00. A bord de l'Etoile du Sud.

"Toujours pas de vent. J'ai éclusé toutes mes idées pour occuper quelques marins. Même les poissons semblent s'ingénier à fuir le filet. La tension monte inexorablement à bord. Quelques éclats ont eu lieu aujourd'hui. Je me fatigue à espérer un souffle d'air. Thomas m'a pris à part en début d'après-midi et m'a demandé de le rejoindre dans la cabine du capitaine ce soir. "

21h30

 "C'est un homme soucieux que j'ai trouvé en arrivant. Il craint que la tension continue à monter et que cela ne dégénère. Il m'a remercié avec beaucoup d'effusions pour mon implication. 

En sortant, Thomas m'a demandé de le suivre dans sa cabine. Sa demande m'a quelque peu surpris car depuis le début de ce périple en mer, il s'est toujours présenté dans mes appartements et non le contraire. Je n'ai pas posé de question et je l'ai suivi docilement mais mon cœur était houleux et j'avais du mal à respirer mais je me suis contenu. 

Sa cabine était deux fois plus grande que la mienne et il y régnait un ordre parfait, presque suspect. Chaque objet semblait avoir sa place attitrée. J'imagine que dans  ces endroits exiguës et confinés   c'est la règle. Il y flottait un parfum étrange de bois de santal et de fleurs d'oranger. C'était agréable et assez curieux dans un tel endroit. Thomas paraissait tendu mais qui ne le serait pas dans la position qui était la sienne? Il me servit un petit verre de rhum - boisson que je déteste- mais je n'ai pas eut le cœur de lui refuser. Il s'en est servi un aussi. 

- Après tout ce que vous avez fait et faites encore, Jon, je ne me vois pas très honnête de vous faire payer un tel prix pour ce voyage. 

J'ai trouvé son entrée en matière quelque peu abrupte mais je l'ai laissé continuer:

- Aussi, je vous prie de bien vouloir accepter de reprendre cette somme a-t-il continué en me tendant une enveloppe. Je vous prie aussi de bien vouloir m'excuser. 

- Thomas! C'est le juste prix de mon voyage! Reprendre cet argent ne serait pas très correct de ma part et je n'ai donc pas à vous excuser. 

A ces mots, je l'ai senti se braquer un peu et j'ai modéré mes propos:

- N'importe quel voyageur doit payer son voyage, non? On doit même payer Charon par une obole! Vous êtes en quelque sorte le Charon de mon passé, ai-je dit avec un sourire. 

Thomas paraissait totalement interloqué. Il ne comprenait pas  pourquoi je sur-payais mon voyage. J'ai donc décidé de lui révéler la vérité. 

- Savez-vous d'où provient cet argent? 

- ...

- De vous, de cet équipage, des risques que vous encourrez chaque jour pour des familles richissimes qui n'ont que faire des vies qu'elles malmènent pour s'enrichir davantage. Des familles comme la mienne. La cargaison de l'Etoile du Sud appartient à ma famille qui possède aussi une part non négligeable de la compagnie des Indes Orientales à laquelle appartient aussi ce navire... cet argent, c'est donc le vôtre, Thomas. 

Pour le coup, le Second apparut encore plus désappointé et il a bégayé quelques mots. Malgré tout, je suis heureux de lui avoir révélé qui je suis vraiment. J'avoue que le voir dans cet état, cet homme si fier de lui, si bien dans sa peau être complétement déboussolé n'était pas pour me déplaire!

- Je vous demanderai de bien vouloir garder toutes ces confidences pour vous, Thomas. Le traitement dont je fais l'objet sur ce navire me convient parfaitement et je ne voudrai pas qu'il changeât. J'espère aussi que cela n'interférera pas dans nos relations, ai-je ajouté précipitamment. Je voyais bien que mes révélations l'avaient plongées dans un état de gêne et j'ai commencé à regretter mes confidences. Il s'est servit un second verre de rhum. 

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