10- nouvelle

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Octobre 2005

« Je te promet que tu resteras ma personne préférée ».

Charlotte pourrait en rire si elle n'en souffrait pas autant. Si son égo ne la retenait pas, elle lui renverrait bien à la figure. Au lieu de ça, elle se concentra sur son service et envoya la balle de plus fort possible.

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En face d'elle, son adversaire, Alisson, sourit à pleine dents pour la félicité, l'envie de lui envoyer sa raquette en pleine figue démangea Charlotte.

Alisson, Alisson, Alisson. Elle ne supportait même plus son prénom.

Cela faisait maintenant un mois que nos héroïnes avaient fait leur entrée au lycée. Et un mois qu'Alisson avait fait son apparition. Elle était blonde elle aussi, mais surtout sociable et souriante, ce que Charlotte était de moins en moins. Elle venait d'emménager dans la plus belle maison de leur petite ville, plus belle encore que la sienne. Mais surtout, elle allait au même lycée qu'Avery, elle. Bien entendu, son amie s'était empressée de sympathiser avec la nouvelle, la pauvre, on n'allait pas la laisser seule dans un monde inconnu. Bien sûr, avoir la taille mannequin, un sourire à tomber et la même faculté que la gothique à communiquer avec n'importe qui n'aurait pas suffi à ce qu'elle trouve une place toute seule. Non non, elle avait besoin d'aide.

Quand ce fut au tour d'Alisson de servir, Charlotte se fit une joie de lui renvoyer la balle accompagnée de toute l'amertume qu'elle ressentait.

Non seulement elle prenait sa place, mais en plus elle le faisait mieux qu'elle. Sa maison était plus grande, elle avait une piscine, une salle de billard, mais également un studio de musique pour sa batterie. Et oui, elle jouait de la musique, et pouvait accompagner Avery lorsqu'elle jouait de la guitare, histoire de se rapprocher encore plus !Tous les jours, lors de leurs appels du soir, son amie n'avait qu'un mot à la bouche : Alisson. « Alisson a fait si », « Avec Alisson on a fait ça », « Alisson a répondu ça au prof, c'était trop drôle ». Même Margot s'était mise à suivre le blog de la célèbre ALISSON.

De colère, son geste rata la balle de quelques centimètres, lui faisant perdre son avantage, elle serra les poings et se remit en position.

Ah c'est sûr que Charlotte ne risquait pas de se faire des amies aussi cool dans son lycée à elle. Là-bas, même elle passait pour une rebelle. Tout le monde s'habiller en tailleur, même les garçons portaient des pantalons de costumes, mocassins et chemises bien repassées. Non pas par obligation, le lycée n'avait aucun uniforme imposé, seuls les élèves, tous aussi prétentieux et arrogants s'obligeaient à se la péter autant. Elle détestait ça mais ne pouvait pas s'en plaindre puisque c'était « une chance exceptionnelle » d'être dans un établissement avec 100% de réussite au bac. Si les gens savaient à quel point elle s'en foutait du bac...

Et pour couronner le tout, Alisson avait intégré le club de tennis de leur petite ville. La sport étude avait insisté pour rester inscrite, histoire de se détendre. Les entrainements au lycée n'étaient là que pour leur apprendre à gagner, ce n'était que compétition et gestes répétitifs. Elle avait souhaité continuer de jouer en amateur le samedi pour ne pas se dégouter de ce sport. Mais ça, c'était avant d'y retrouver Alisson.

D'un coup de poignet, elle projeta la balle de l'autre côté du filé qui frôla la joue de son adversaire.

- Jeu, set et match, déclara leur entraineur.

- Je rêve ou tu as visé ma tête ? demanda Alisson.

Charlotte ne répondit pas et se contenta de serrer sa main au centre du terrain avant de retourner à son banc.

Parce qu'il y avait une chose pire que tout dans cette histoire. Non seulement Alisson était belle, riche, jouait de la batterie et au tennis, occupait toutes les pensées d'Avery ainsi que son temps, mais en plus de ça, cette fille était adorable. Cela la rendait tellement parfaite de notre joueuse aurait pu lui faire manger les cordes de sa raquette si elle avait pu.

- Pas de réponse, j'en déduis que j'ai vu juste, s'amusa la nouvelle.

Charlotte prit sa gourde et tenta de boire le plus lentement possible pour ignorer cette conversation.

- Pas de faux semblants, ricana Alisson, j'aime ça, les gens honnêtes qui ne se fatiguent pas à faire bonne figure. Pour te féliciter de cette victoire et d'avoir réussi à faire défiler toute ma vie devant mes yeux avec cette dernière balle, je te propose d'aller boire un coup. Qu'en dis-tu ?

- J'ai d'autre projets.

- Avec Julien ? Il peut venir.

Ah oui, elle avait oublié ça aussi. Cette fille était également le binôme de chimie de son petit ami qui la trouvait A-DO-RABLE. Raaaaah ce que ça pouvait l'énerver !

- Non. Je passe la soirée avec Avery, je dois me préparer.

- Ah oui c'est vrai, elle m'a invité.

- QUOI ??

C'était sorti tout seul, Charlotte était à bout de nerfs et que sa meilleure amie décide d'inviter cette inconnue à leur seul moment ensemble de la semaine la mit hors d'elle. L'autre tennis woman parti en fou rire.

- Cache ta joie.

Son interlocutrice referma la fermeture éclair de son sac avec vigueur et le lança sur son épaule pour quitter ce terrain maudit au plus vite.

- Charlotte ! l'interpela sa nouvelle ennemie en la rattrapant sur le trottoir. Ecoute, il est clair que tu ne m'apprécies pas. Je me doute du pourquoi du comment mais... Avery est une fille exceptionnelle, je comprends que tu n'ais pas envie de la partager, mais c'est mon amie, et tu dois te douter qu'une amie comme ça on en trouve pas tous les jours. Alors je ne vais pas la lâcher pour te faire plaisir. Mais je ne vais pas prendre ta place non plus. Ce que je te propose, pour notre bien réciproque et surtout pour celui de notre amie, c'est d'apprendre à se supporter. Du moins à faire semblant pour ce soir parce qu'il est clair que ça va mettre un certain temps pour toi.

L'intéressée s'arrêta pour observer son interlocutrice. Elle se posa une seconde la question, en était-elle capable ? La réponse était non. Elle reprit son chemin. Mais Alisson n'en avait pas fini avec elle.

- OK OK, dit celle-ci en tendant de rester à son rythme. Je m'y suis mal prise. Je suis désolée. Je voudrais simplement te connaitre. Avery me parle de toi constamment, elle n'a que ton nom à la bouche. Et « Charlotte ci » et « Charlotte ça » et « Charlotte elle aurait fait ci » et « Charlotte elle aurait dit ça ». J'en suis presque jalouse. Tu es sa meilleure amie, elle ne tarie pas d'éloges sur la grande et majestueuse Charlotte. J'ai envie qu'elle fasse partie de ma vie moi aussi la grande comtesse qui embrasse dans le labyrinthe d'un château.

Notre héroïne stoppa instantanément sa marche, les yeux grands ouverts.

- Elle t'a parlé de ça ?

- Je viens de te dire qu'elle me parle constamment de toi et d'à quel point tu lui manques. Qu'est-ce qui te surprend là-dedans ?

Charlotte examina la femme qu'elle avait en face d'elle des pieds à la tête, elle devait lui accorder un point. Elles se remirent en route.

- Sérieusement, reprit Alisson. On pourrait faire un trio exceptionnel ! Bon, perso je ne souhaite pas qu'on se roule des galoches, c'est pas trop ma came. Mais mon arrivée n'est pas obligée de vous éloigner. Au contraire ! Si ça se trouve c'est le destin qui m'a mis sur votre route pour m'assurer que la distance n'entache en rien vos liens.

- T'as pas peur d'en faire un peu trop là ?

La nouvelle se positionna face à son interlocutrice, bien décidé à l'empêcher d'aller plus loin.

- S'il te plait, demanda-t-elle. Accorde-moi une chance, rien qu'une. Et si après ce soir, tu ne peux toujours pas me supporter, je promets de ne plus m'incruster entre Avery et toi.

Après une longue hésitation, la sport étude accepta, rien qu'une chance. Après tout, elle n'avait rien à perdre.

Ma personne préféréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant