23- debout

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Avery se réveilla doucement aux premières lueurs du jour. Elle sentit une main qu'on passait tendrement dans ses cheveux courts. Lorsqu'elle se retourna, elle vit le visage de Margot, souriant, qui la regardait. Elle avait les yeux marrons sous les mèches brunes qui cascadaient sur sa figure. Ils étaient presque noirs et semblaient profonds au point d'avoir peur de tomber dedans. Parfois, quand Margot la regardait ainsi, Avery ressentait quelque chose de spécial dans sa poitrine. Pas dans son cœur, non, juste à côté. C'était comme un point frais. Pas vraiment froid, juste une fraîcheur agréable. Comme une brise d'air par un été caniculaire, comme un frisson dans une pièce surchauffée, comme lorsqu'on inspire un grand coup après avoir mangé un bonbon menthe forte. Oui, c'était ça. Quand les yeux de Margot croissaient ainsi les siens, elle avait l'impression d'enfin respirer après une longue apnée.

— Allez hop! Debout! ordonna Margot sans préavis.

Avery ronchonna en se cachant sous les couvertures alors que sa colocataire du weekend était déjà droite sur ses jambes.

— Mais on est samedi... Le samedi c'est fait pour faire la grasse mat... Reviens là...

Elle attrapa l'étudiante et la fit basculer sur le lit pour la maintenir dans ses bras.

— J'ai une super idée moi, on reste enfermées là toute la journée sans jamais sortir de ce lit.

— Hors de question, déclara la plus jeune en se libérant de ses entraves. Pour une fois que j'ai l'occasion de te tenir la main en public, ne compte pas sur moi pour rester à l'intérieur. Il fait beau, il fait bon, tu t'habilles et on file au marché.

— Au marché ?

Avery avait sorti la tête des couvertures pour la regarder en levant les sourcils. Elle était sérieuse ? Elles allaient renoncer à une matinée dans les draps pour aller faire les courses ?

— Oui ! répondit Margot en sachant lire les questions dans ses yeux. Ton frigo me fait pitié, et j'ai envie de prendre l'air.

Sur ce, elle disparut de la chambre. Son amante, elle, préféra se cacher sous les couvertures.

Elle n'émergea que 20 minutes plus tard lorsqu'un doux fumé vint titiller ses narines. Cela faisait deux fois à quelques heures d'intervalles que sa cuisine servait réellement à quelqu'un. Comme quoi, tout pouvait arriver.

Enveloppée dans sa couette, doucement et un peu craintive, elle rampa jusqu'au bord du lit pour apercevoir ce qu'il se tramait dans l'autre pièce. Elle entendait des bruits de casseroles et d'assiettes, mais ne vit rien. Pourtant, elle était certaine que son odorat ne la trompait pas. C'était bien des pancakes qui cuisaient dans la poêle. Ne voulant pas être vue, flairant le piège, elle se cacha derrière le mur dès qu'elle fut debout. Avec sa carapace de coton, elle passa doucement la tête par la porte de la chambre, laissant le reste de son corps à l'abri dans son refuge.

Margot l'avait vu, mais fit comme si de rien était, continuant à retourner une de ses crêpes épaisses. Elle ne voulait pas effrayer la bête, il fallait l'appâter pour la faire sortir de son antre.

— C'est ce que je pense que c'est ? demanda l'animal craintif.

— Tu as de la chance, répondit Margot, tu sors avec l'une des rares personnes capables de faire des pancakes sans œufs.

Avery releva le nez. Ce que ça sentait bon. Un parfum pareil ne pouvait pas être dangereux. Elle baissa sa garde en laissant tomber la couette et se dirigea à petits pas vers la cuisine. Une assiette remplie l'attendait, ainsi que du sirop d'érable et un bon café. Vaincue, elle s'assit.

À la première bouchée, elle ferma les yeux, envoûtée par la saveur d'un des meilleurs petits déjeuné de sa vie.

— Tu vois, ça valait le coup de se lever, la taquina sa petite amie. C'est pour ça qu'on va se balader au marché, pour que tu arrêtes de te nourrir de plat à emporter !

— ça ne sert à rien. Je me connais, je ne cuisinerai pas, et toi, tu ne seras plus là pour me bichonner.

Réalisant ce qu'elle venait de dire, la productrice se maudit elle-même. Un silence malaisant s'installa. Leur weekend aurait pris fin le lendemain à la même heure, sans aucune idée d'une date à laquelle il pourrait se reproduire. C'était une parenthèse et elles le regrettaient toutes les deux. Margot secoua la tête comme pour faire sortir ses mauvaises pensées par ses oreilles avant de venir s'asseoir à son tour. Elle tenta de changer de sujet.

— Je ne comprends pas pourquoi tu détestes autant cuisiner. Ta mère fait ça tout le temps !

— Justement, se justifia Avery. Elle nous en a dégouté. Ma sœur est comme moi. Après des années à faire la pluche et la plonge, on est carrément allergique à un économe.

Ça eut le mérite de faire sourire Margot et de relancer la discussion.

Par la suite, l'étudiante eut gain de cause, non seulement elle eut droit à son tour au marché, à leur promenade main dans la main dans les rues de la ville, mais elle eut même le privilège de choisir tous les fruits, légumes et fromages de son choix. Le plus dur fut de persuader Avery de vider ce qu'elle appelait le "bac à bières" de son réfrigérateur pour y entreposer une salade et un chou rouge.

Après un véritable repas, pour lequel la productrice prit sur elle pour aider du mieux possible à la préparation, elles allèrent au studio d'enregistrement où travaillait la productrice. Margot voulait voir où elle passait ses journées. Habituée des lieux, celle qui y travaillait poussa jusqu'à faire une petite démo de guitare, histoire d'impressionner la jeune femme.

— J'étais déjà fan de toi à 10 ans. J'enregistrais vos concerts sur le portable de Charlotte pour les réécouter le soir. Le son était ignoble, mais j'adorais ça.

Avery se revoyait sur scène avec son "groupe" et s'amusa de ce souvenir, c'était loin maintenant...

Lorsque le soir venu, elles rentrèrent à l'appartement, la propriétaire des lieux retint sa compagne lorsqu'elle se dirigea vers la cuisine.

— Pas ce soir, lui dit-elle. Tu as assez cuisiné comme ça, tu es censée être mon invitée. Ce soir, on va au resto.

— Mais je n'ai rien à me mettre...

— Prends ce que tu veux dans mon armoire. Je veux qu'on mange comme les autres couples, à se faire des regards mielleux au milieu de la salle jusqu'à écœurer les autres clients.

Margot l'embrassa et partit en quête d'une tenue tendit qu'Avery filait sous la douche. Ce weekend ne pouvait mieux se passer. 

Ma personne préféréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant