28 - Gueule de bois

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Le crâne d'Avery semblait avoir rétrécie, ou était-ce son cerveau qui avait enflé? Quoi qu'il en soit, le moindre mouvement lui semblait douloureux, la lumière qui pénétrait malgré ses paupières closes lui brûlait la rétine, sa langue paraissait s'être transformée en carton et des relents de whisky lui remontaient dans la gorge. Son corps endolorie pesait une tonne et il était indéniable qu'elle n'était pas dans son lit.

Le mystère sur son lieu de repos fut éclairci quand deux petits doigts lui ouvrirent les yeux de force.

— Marraine? Tu dors?

La voix d'Hugo résonnait plus aigüe que d'ordinaire.

— Oui.

— Même pas vrai.

Le petit sauta sur elle, enfonçant ses genoux dans son estomac déjà fragile. Il s'en était fallut de peu pour que les excès de la veille ne ressortent sur le gamin. Elle était donc dans le salon de la petite famille, allongée dans le canapé. Elle se rendit compte du pathétique de la situation quand aucun souvenir de son retour dans l'immeuble ne lui vint. Charlotte avait dû lutter pour lui faire monter les escaliers et à la vue de la bassine disposée au côté de son lit de fortune, ça n'avait pas dû être une partie de plaisir.

— Pourquoi t'as dormi chez nous? demanda Hugo.

— Tu me manquais trop.

— Tu sens pas très très bon de la bouche...

ça, elle voulait bien le croire...

Tout a coup, ce fut la sonnette d'entrée qui vint lui vriller les tympans. A croire que l'appartement tout entier lui en voulait ce matin.

Le petit homme courut pour ouvrir la porte qui donnait directement sur le salon et accueillit le visiteur à un volume beaucoup trop élevé pour notre pauvre productrice.

— Tata!

Manquait plus que ça.

Margot entra, son neveux dans les bras, fraîche comme une rose, illuminant la pièce de sa seule présence. Elle posa un regard dédaigneux sur l'épave qui trônait sur le canapé.

— Tiens, t'as changé de blonde en cours de soirée. J'aurais pensé que tu te réveillerais au club du troisième âge avec ta pouf décolorée.

Elle était en forme, ce qui était loin d'être le cas de son interlocutrice qui, dans l'état vaseux dans lequel elle se trouvait, ne trouva rien d'autre a dire que de demander ce qu'elle faisait là.

— Je viens chercher mon petit bonhomme préféré pour notre journée au parc. Va mettre tes chaussures mon poussin.

— Oui!!! s'enthousiasma-t-il en faisant résonner le i dans la boîte crânienne de sa marraine sans aucun scrupule.

Alors qu'il courrait jusqu'à sa chambre, Charlotte sortit de la cuisine, deux tasses de café en main.

— Ah, dit celle-ci en voyant sa sœur. Tu tombes bien, je pense qu'il faut qu'on ait une petite discussion toutes les trois.

— Et moi je ne crois pas, déclara sa cadette. Tout a été dit. Je suis une affreuse petite sœur qui a couché avec le deuxième grand amour de ta vie et qui l'a poussé dans les bras d'une pétasse cinquantenaire.

— Elle devait à peine avoir quarante ans, rectifia Avery.

— Je note que tu ne m'as pas repris sur le terme pétasse.

— C'est quoi une pétasse? demanda Hugo qui apparut dans la pièce avec ces chaussures à scratch exceptionnellement enfilées dans le bon sens.

— C'est les nouvelles amies de marraine, répondit sa tante.

— On va aller chercher ton manteau mon amour, tenta sa mère pour l'éloigner de la conversation.

Mais c'était déjà trop tard, il partit en trottinant avec une nouvelle chanson.

— Marraine aime les pétasses, marraine aime les pétasses.

Le regard que Charlotte lança à sa sœur en partant à sa suite aurait pu la fusiller sur place.

Prenant son courage à deux mains, Avery tenta une approche.

— Margot écoute...

— Non. Tu n'as pas à t'expliquer. C'est très clair. Je devrais le savoir pourtant que tu préfères les coups d'un soir. Si ça t'amuse de te frotter aux milfs de seconde zone, ça ne me regarde plus.

— J'ai simplement cru que tu étais en date.

La brune aux cheveux au carré croisa les bras et eut un temps d'hésitation.

— Et ça aurait été mon droit, déclara-t-elle froidement. Je ne veux pas être un choix de substitution, je veux être aimée et je le mérite. Je vaut mieux que ça. J'ai besoin de sortir et de me changer les idées, je fais ce que je veux. Je suis contente que tu passes à autre chose en flirtant avec toutes les divorcés du pays, moi je vais t'éviter un petit moment, parce que toi, tu n'étais pas un deuxième choix.

Avant qu'Avery n'ait pu ajouter quoi que ce soit, la tornade blonde de moins d'un mètre vint se réfugier dans les pattes de sa tata, lui indiquant qu'il était prêt. Celle-ci salua les occupants de la pièce et disparut.

Charlotte apporta sa tasse de café à son invité et s'installa à ses côtés sur le canapé. La brune savait qu'elle devait dire quelque chose, mais la seule chose qui tournait en boucle dans sa tête c'était, qu'effectivement, Margot méritait beaucoup mieux qu'elle.

— Elle va s'en remettre, dit Charlotte.

— Elle est quand même sacrément en rogne.

— Oui, c'est Margot. Elle n'est pas du genre à cacher ses sentiments. Elle a un caractère de feu, mais ça tu le savais avant de coucher avec elle il me semble.

Avery déglutit. Apparemment, sa matinée n'allait pas aller en s'arrangeant.

— Je peux savoir comment vous en êtes arrivées là? demanda la mère de famille.

La productrice se laissa tomber sur le dossier de canapé.

— Tu veux vraiment savoir comment ta meilleure amie a fini nue dans le lit de ta petite sœur?

— Surtout pas! Aucun détail par pitié! Non, je veux savoir comment vous en êtes passées à croire que vous tripoter sur ton canapé était une bonne idée aux insultes dans mon salon.

— Ma réaction quand tu nous as trouvé. Il semblerait que l'idée de te perdre m'a un peu trop paniquée pour elle.

Charlotte prit le temps de boire une longue gorgée de café, les yeux rivés sur la télé éteinte.

— Je ne vais pas te mentir, dit-elle, je suis très, très en colère contre vous. Déjà, parce que deux des personnes que j'aime le plus au monde m'ont menti, ce qui met un sacré coup à mon amour propre et deuxièmement... Non mais sérieusement? Tu additionnes les conquêtes depuis des années, t'as écumé la ville pour venir piocher dans ma famille? T'as jamais gardé une fille plus de deux semaines, comment as-tu pu croire que ce serait différent?

Piquée au vif, son amie se leva et entreprit de quitter l'appartement. Comprenant qu'elle avait été trop loin, Charlotte la retint.

— Attend, je me suis mal exprimée. Tu es une fille exceptionnelle, tu le sais parce que je t'aime profondément et que je n'aime pas les gens, tenta la blonde. Tu mérites une vrai histoire, avec quelqu'un qui se rendra compte de la chance qu'elle a. Margot est trop jeune, et bien trop explosive pour comprendre ça. Ne te ferme pas à l'amour, et surtout pas à moi s'il te plait. Juste... arrête les "pétasses" de l'énigme pour citer ma soeur et tente une vraie relation avec quelqu'un. Non?

Sauf qu'apparemment, les vrais relations, Avery ne maîtrisait pas non plus. Et au vu du gout amère que sa tentative lui avait laissé en bouche, elle n'avait aucune envie de recommencer.

Elle remercia Charlotte de s'être occupée d'elle, lui fit un câlin pour lui faire croire que ses mots ne l'avaient pas profondément blessés et repartie chez elle, bien décidée à ne plus jamais en sortir. 

Ma personne préféréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant