29 - gros chagrin

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Il était près de 21h, Avery, comme presque tous les soirs depuis maintenant un mois, somnolait devant sa télé, dans un bas de jogging qui avait connu des jours meilleurs et un T-shirt informe auquel on n'aurait pas pu donné de couleurs, une tisane refroidissant dans un mug animal crossing à la main. Elle fut interrompue par quelques coups discrets frappés à sa porte.

Surprise, elle posa sa tasse sur la table de salon et alla ouvrir. Son cœur battit un coup plus fort lorsqu'elle aperçut Margot de l'autre côté du battant.

Sauf que ce n'était pas la Margot qu'elle connaissait. Aucun sourire moqueur, aucune joie de vivre ou même colère n'émanait d'elle. Elle avait les yeux rougis, des cernes marqués et toute l'ora d'énergie qui l'enveloppait d'ordinaire semblait s'être teintée de gris.

— Désolée de te déranger mais... Personne ne répond chez Charlotte, tu sais à quelle heure ils reviennent?

"Désolée de te déranger"? Qui était cette inconnue et qu'avait-elle fait de la véritable Margot? La pile électrique qui vivait tout à 200%, celle qui s'exprimait fort et prenait toute la place dans une pièce par sa simple présence.

— Euh... Ils ne sont pas là ce soir, ils sont chez tes parents, ils reviennent demain matin.

— Ah... c'était ce weekend...

Elle avait dit ça en regardant la porte de l'appartement voisin, d'une voix si triste qu'on aurait dit qu'elle avait raté une bouée de sauvetage après des heures de lutte dans une mer déchaînée à essayer de rester en surface.

— Tant pis, dit simplement l'étudiante.

Mais au moment où ces mots franchirent ses lèvres, la jeune fille fondit en larmes.

Avery n'avait aucune idée de comment réagir. Elle avait une furieuse envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter mais elle ne savait pas si elle en avait le droit. Sans compter que même si elle était prête à s'en prendre à quiconque avait osé lui faire du mal, elle ne savait même pas quel était la cause de ses tourments.

— Qu'est-ce qui se passe? tenta tout de même la productrice.

— C'est rien, c'est rien, lui répondit Margot en reculant pour mieux essuyer ses larmes. C'est juste... J'en peux plus. Entre le travail, la mémoire et puis... toi... Je bosse 20h par jour, je ne dors pas en pensant à ce qui m'attend encore le lendemain, et le seul truc qui m'apportait un peu de joie dans tout ça c'était toi et ... Je suis tellement fatiguée... Je ne voulais pas rester seule ce soir, les copains sont aussi bouclés que moi et je pensais que passer la soirée chez Charlotte me ferait un peu de bien... Mais ils ne sont pas là. Mais ne t'inquiète pas, je vais... Je vais rentrer chez moi et ...

N'y tenant plus, Avery la prit dans ses bras. Alors qu'elle avait peur de se faire repousser, l'étudiante serra ses bras autour d'elle comme pour se raccrocher à quelque chose avant de sombrer. Elle pleura à chaudes larmes dans son cou, ses doigts amarrés au vieux T-shirt informe de sa propriétaire.

La productrice lui caressa doucement le dos en attendant que le plus gros de ses nerfs se déverse sur le tissu décoloré, en profitant pour respirer son parfum qui lui manquait temps.

— Je suis désolée, répéta Margot en reniflant. Je ne voulais vraiment pas que tu me vois comme ça.

— Hé, lui répondit la propriétaire des lieux en reculant un peu pour mieux la regarder, je t'interdis de m'interdire des trucs comme ça.

La réplique qui n'avait pas vraiment de sens eu le mérite de faire sourire la jeune fille.

— Il est hors de question que tu restes seule dans cet état, reprit la brune aux cheveux courts. Si ça ne va pas, tu peux venir frapper à cette porte jour et nuit, tu m'entends. Même si on s'est engueulées, que j'ai du boulot ou quoi que ce soit, je ne veux pas que tu me laisses à l'écart ok? Viens, entre.

Elle lui prit la main pour la ramener à l'intérieur. Margot se moucha et fit le tour de l'appartement du regard, un regard triste, comme s'il lui manquait.

— Tu veux quelque chose? demanda Avery. Café? Tisane? Chocolat chaud?

— Tu faisais quoi avant que j'arrive?

— J'allais regarder Danse avec les Stars... avoua Avery un peu honteuse.

— Je voudrais bien faire ça.

La petite voix timide de Margot, celle qu'elle n'empruntait presque jamais, eut raison du cœur de la guitariste. Elle tendit le bras pour l'inviter à se détendre sur le canapé, prête à prendre le fauteuil beaucoup moins confortable mais Margot lui proposa une place à ses côtés.

Avery s'assit maladroitement, cherchant comment ne pas passer pour quelqu'un qui profiterait de la situation. Pas que l'envie de se coller à l'objet de tous ses désirs lui manquait, mais elle ne voulait pas que ses actions soient mal interprétées. Margot n'allait pas bien, et elle voulait être là pour elle. Si elle ne pouvait pas l'être en tant que petite amie, elle le serait en tant qu'amie, mais tout ce qu'elle souhaitait c'était qu'elle aille mieux.

Sauf que la jeune femme ne lui facilitait pas la tache. Elle avait posé la main sur sa cuisse et jouait avoir le tissu troué au genou de son jogging.

— Est-ce que j'abuserai, demanda Margot, toujours avec sa voix timide, si je demandais un calin?

C'était demandé si gentiment, pourquoi s'en privait. Avery déploya son bras autour de ses épaules et l'approcha d'elle. L'étudiante sembla s'enrouler autour d'elle et reprendre un peu de l'oxygène qui lui manquait ces jours-ci.

— Tu me manques, avoua celle-ci.

— Toi aussi.

— On peut rester comme ça pour ce soir? Sans se poser de questions je veux dire. Juste faire comme si c'était normal.

— Tout ce que tu voudras, répondit Avery en déposant un baiser sur ses cheveux. 

Ma personne préféréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant