Un mouvement de panique

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Terra comprit immédiatement que le cortège dont elle avait fait partie jusqu'ici était un modèle d'ordre et de calme comparé à ce qui suivit.

La panique partit du pont détruit pour se répandre dans la foule. Tout autour d'elle, les gens se mirent à crier et à pousser. Elle fut emportée et se concentra uniquement pour ne pas tomber et finir piétinée. Pendant de longues minutes, elle fut bousculée et ignora dans quelle direction elle se dirigeait. Elle entendit plusieurs coups de feu, ce qui entraîna de nouvelles ruées.

Enfin la rue s'élargit et elle put regarder autour d'elle. Des brigadiers les entouraient et pointaient leurs baïonnettes sur eux. Paniquée, elle suivit les mouvements de foule et courut de toutes ses forces vers une petite rue à peine visible. Une femme bien habillée, et dont la tête était surplombée d'un chapeau aussi lourd que le bambin qu'elle portait dans ses bras, lui cria :

— Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Ils ont utilisé un Cosmo sur nous, répondit Terra dans un souffle.

Son interlocutrice la fixait sans réagir. Cela semblait impossible et pourtant Terra savait au moment où les mots sortaient de sa bouche qu'elle avait raison. Elle ignorait qui avait dirigé l'attaque ; aucun gendarme n'aurait eu le droit de toucher un Cosmo ; mais la vague, la précision de l'eau qui montait et la violence avec laquelle l'onde s'était abattue sur le pont, quelqu'un avait manipulé un Cosmo pour cela.

Alors que Terra pensait pouvoir souffler un peu, un groupe de trois gendarmes déboula en courant l'arme à la main de l'autre côté de la rue. Ils portaient la culotte jaune et le chapeau en bicorne caractéristiques de la maréchaussée. Terra était coincée entre eux et la cohue qui continuait à se mouvoir à côté d'elle.

— Arrêtez-vous ! lança l'un d'eux. Terra s'immobilisa.

— Attendez, siffla une voix grave, on l'emmène. Elle ne ressemble pas aux autres bestiaux. Avec de la chance, on tient peut-être un bout de ceux qui ont organisé tout ça.

Celui qui venait de parler s'avança vers elle. Terra n'avait jamais vu un homme aussi répugnant. Les cheveux blonds tombant jusqu'aux épaules et raides comme de la paille, il était pourtant propre sur lui dans son habit de la gendarmerie royale et la couleur rouge de son uniforme jurait avec celle des autres patrouilleurs portant la veste bleue ; Terra se dit qu'il devait être leur supérieur. Pourtant, c'est son visage et son attitude qui la firent reculer. Il y avait dans son regard noir une méchanceté qui la terrifia. Sa bouche dessinait un rictus fin de prédateur. Il continua à s'approcher d'elle les mains en avant, comme pour la capturer.

La femme noble avec l'enfant dans ses bras lâcha un petit cri d'effroi qui eut l'effet d'une détonation dans le cerveau de Terra. Sans réfléchir, elle se mit à courir de toute ses forces vers la foule qu'elle venait tout juste de quitter et qui commençait à s'éclaircir. Derrière elle, les cris des hommes et le bruit de leurs souliers lourds sur les pavés la poursuivaient. Sans se retourner, elle zigzagua entre les émeutiers en déroute. Elle reconnut l'allée dans laquelle elle se trouvait. Toujours animée par la peur matérialisée derrière elle, elle traversa plusieurs rues tout en poussant occasionnellement le peuple qui la gênait et pour qui elle était pourtant descendue dans la rue quelques minutes auparavant.

Elle repassa de l'autre côté de la rivière en traversant un autre pont et se retrouva dans le quartier commerçant. Quelques croisements plus loin, elle s'approcha à bout de souffle de la boutique de Cosmos où elle travaillait. Il était encore tôt et le magasin n'ouvrait pas avant vingt minutes. Priant pour qu'Hadrian soit déjà là, elle s'écrasa contre la porte d'entrée et se mit à la cogner de toutes ses forces.

Les pierres de la révolteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant