Les liens du Ruban

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De l'autre côté de la porte, Terra sentit un poids en moins sur ses épaules. Ils étaient enfin hors de la ville. Elle pourrait bientôt se trouver un endroit où se faire oublier et peut-être recommencer sa vie. Ou alors retourner chez sa mère, dans l'ouest. Pour la première fois, Terra laissa des pensées d'un futur possible lui traverser l'esprit. Pourtant, à chaque fois qu'elle tentait de s'imaginer dans quelques mois, elle ne pouvait s'empêcher de se voir dans le magasin d'Hadrian, à vendre des Cosmos et à manipuler des orbes avec de larges pinces qu'elle trempait dans des bains chimiques.

Autour d'eux, plusieurs voitures de tailles différentes étaient à l'arrêt et garées côte à côte. Il était tard et les chevaux n'étaient pas attelés. Terra pouvait entendre quelques hennissements provenant de l'établissement à quelques pas et dont deux feux moyens lui permirent d'en distinguer l'entrée. C'était une auberge où les voyageurs pouvaient s'arrêter pour la nuit ou simplement laisser leurs chevaux à l'extérieur de la ville.

Les animaux étaient interdits dans la capitale depuis plusieurs années. L'exception était pour les officiers de l'armée et les postiers légers qui distribuaient le courrier et avaient une autorisation pour monter à cheval dans l'enceinte. Les autres voyageurs ou marchands devaient traverser la porte de la ville à pied, en laissant leurs chevaux à l'étable en attendant leur retour.

Roscelin se dirigea vers une des voitures au fond que Terra distinguait à peine. Un homme était assis sur le siège extérieur destiné au chauffeur et quatre chevaux étaient attelés et prêts. Il se pencha pour cracher bruyamment par terre et remarqua Roscelin qui s'avançait vers lui.

Alors qu'ils parlaient à voix basse, Mari-Alee se pencha vers Terra :

— Comment avez-vous su ce qui pouvait convaincre de Courtepond de nous laisser passer sans nous dénoncer ?

Terra sourit de fierté :

— Il y a quelques années, le nom de Courtepond était dans plusieurs journaux. Une femme était tombée enceinte de lui et cela avait fait beaucoup de bruits. La femme en question était d'une famille bourgeoise. Il était allé contre l'avis de ses parents et avait décidé d'épouser la jeune fille pour donner un avenir meilleur à l'enfant et à la femme qu'il aurait sinon abandonnée à son sort.

— Je n'avais jamais entendu ce nom auparavant dans ma famille, dit Mari-Alee d'un air pensif.

— C'est sans doute parce qu'il s'est fait discret ensuite. L'histoire a duré plusieurs semaines mais après le mariage, je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Plusieurs personnes ont salué son courage et ses actions hautement morales.

— Il aurait pu aussi éviter de faire tomber cette jeune fille enceinte pour commencer, rétorqua Mari-Alee. Enfin, j'imagine que c'est ce qui nous a permis de l'attendrir en lui contant l'abandon que j'avais subi.

— Je suis désolée, s'excusa Terra, vous risquez d'avoir des rumeurs sur vous. C'est la seule idée qui m'est venue en quelques secondes.

Mari-Alee lui fit un signe de la main et parla avec un petit sourire en coin :

— Ne vous inquiétez pas. J'ai de bien pires histoires qui courent à mon sujet. Vous avez bien fait. Grâce à vous, nous sommes un peu plus éloignés des gardes.

Mari-Alee bâilla. Il était tard et la nuit allait être courte. Pourtant, il n'était pas encore question de dormir. Contaminée par le bâillement de sa comparse, Terra mit la main devant sa bouche. Ils allaient sans doute encore passer plusieurs heures dans une voiture avant de pouvoir s'allonger quelque part. De loin, Roscelin leur fit un signe de la main.

Elles le rejoignirent. Il avait terminé de discuter avec le cocher et Terra le vit passer discrètement quelques pièces au chauffeur qui grognait emmitouflé dans plusieurs couches de vêtements élimés.

Les pierres de la révolteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant