Ce qui nous lie

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Terra marchait à côté de Roscelin en essayant de maintenir le rythme soutenu que celui-ci leur imposait, tout en tentant de rester discrets. Les rues marchandes étaient désertes et Terra redoutait chaque tournant qu'ils passaient.

— On a de la chance, le vacarme principal est dans les quartiers du palais. Si tout va bien, on va pouvoir pousser jusqu'à la Porte Sud sans trop de difficultés, lui dit-il sans qu'elle n'eut rien demandé.

Terra regarda derrière elle. De la fumée montait au loin de plusieurs endroits. Des incendies s'étaient déclarés, probablement à cause des affrontements. Elle se demandait comment Roscelin continuait à rester aussi calme et sûr de soi, quand elle avait l'impression de trahir la mémoire d'Hadrian et d'abandonner sa ville.

— C'est quoi le plan ? demanda-t-elle.

— Pour vous, je ne sais pas, mais pour moi, c'est de me barrer loin de cette ville. J'ai un transport qui m'attend après la Porte Sud. Ensuite, je compte descendre vers le Ruban avant de bifurquer vers l'Est, où j'ai des amis, dit-il en pointant le ciel du doigt.

— Pourquoi est-ce que vous nous aidez ? s'interposa la Comtesse d'une voix sèche.

Roscelin lui répondit du tac au tac :

— Ça m'arrange d'être moins suspect, entouré de trois dames, surtout quand l'une d'entre elles peut mettre le feu à quiconque serait en travers de mon chemin. Et aussi sans doute parce que je le peux et que ça ne me coûte pas grand-chose. Enfin, certaines ici n'ont absolument rien fait et je n'ai pas envie qu'elles aient des ennuis, ajouta-t-il en posant son regard vers Ancelle qui suivait la Comtesse sans dire un mot.

La jeune domestique lui souria de reconnaissance.

— Vous avez d'autres questions ? fit-il

— Oh, j'en ai plein ! répliqua Mari-Alee, pour commencer, qui êtes-vous ? Vous avez peut-être l'air d'un aristocrate, mais dès que vous ouvrez votre bouche, on voit immédiatement que le bien parler n'est pas votre fort. Vous manipulez trop bien l'épée pour vous en servir uniquement comme apparat.

Roscelin soupira et continua de marcher rapidement. Au bout d'un moment, il admit :

— Je m'appelle Roscelin. Je suis un ancien soldat venu pour les affaires. De toute évidence, mes plans ont changé. Et vous ?

— Mari-Alee, répondit platement la comtesse. Et voici Ancelle, ma femme de compagnie.

Alors qu'ils entraient dans une rue plus étroite, Terra sentit les trois regards se tourner vers elle.

— Je m'appelle Terra.

— Enchantée, répondit sincèrement Mari-Alee. Doit-on vraiment sortir de ville ? Ne vaudrait-il pas mieux se tasser dans une chambre d'auberge et attendre que cela se passe ?

En un instant, son attitude fut moins sur la défensive.

— Peut-être pour vous deux, répondit Terra en désignant Ancelle et Mari-Alee, mais les gens vont faire le lien avec moi, puisque je travaillais avec Hadrian.

— Si vous fuyez, c'est comme si vous plaidiez coupable, répliqua la Comtesse, tenant sa jupe finement décorée des deux mains pour la relever et éviter de la laisser traîner dans la boue des petites ruelles.

— Peut-être, mais après ma rencontre avec l'adjudant, je ne suis pas sûre de vouloir me retrouver face à d'autres de ses collègues. Et puis, Roscelin à l'air de savoir ce qu'il fait.

Alors que Terra était maintenant à côté de Mari-Alee, Ancelle avait pris sa place à côté de Roscelin. La jeune fille semblait plus habituée à la marche rapide et n'avait aucun problème à discuter calmement avec Roscelin tout en gardant la cadence. Le ton de leur discussion était décontracté et ils se tutoyaient mutuellement. Ancelle remerciait l'homme de les protéger.

Les pierres de la révolteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant