Anger & Deities

Chapitre 8

Il m'observe encore un instant mais je ne réagit pas à sa question. Je l'observe encore un instant et il se prend la tête dans les mains en soufflant, d'un air désespéré, avant de reprendre, comme pour lui-même:

- Boulet, et comment je vais faire maintenant...

- Je suis désolée, mais je ne comprends vraiment rien à ce que tu racontes, je le coupe, le regard perdu, tandis que ses paroles s'emmêlent dans ma tête.

- Je... Tu... De quelle couleur tu vois mes yeux, reprend-t-il, hésitant, en se penchant pour que nos visages se retrouvent à la même hauteur et en me fixant de manière insistante.

Je recule tout-à-coup, gênée de notre brusque proximité, et je sens le rouge me monter aux joues, alors que je tente d'éviter son regard qui me perturbe plus qu'autres choses. Il n'a pas l'air de se rendre compte de mon état, et lève les sourcils, signe qu'il attend une réponse rapidement. J'essaye de faire le tri dans mon esprit et je bégaye, en m'efforçant de ne pas croiser ses iris, dont j'ai parfaitement remarqué la couleur étrange:

-Je... Ils sont verts, mais... Tu ne t'es jamais regardé dans un miroir pour me poser cette question ridicule, je continue, en fronçant les sourcils, l'air toujours incertain face à cette conversation étrange.

Je relève les yeux vers mon interlocuteur qui ne me répond pas et je croise son regard à quelques centimètres de mon visage. Le temps semble s'arrêter et je me perds un instant dans ses pupilles sans fond, mais je reprends rapidement mes esprits et je m'écarte d'un coup, tandis qu'il se décale lui aussi en secouant la tête, confus. Les émotions se mélangent dans mon cerveaux et une rage sourde contre le monde entier monte en moi comme un tsunami. Pourquoi est-ce-que je perds tous mes moyens? Pourquoi est-ce-que je n'arrive pas à me contrôler? Pourquoi est-ce-que tout le monde s'acharne contre moi? Je me prends la tête dans les mains et les jointures de mes doigts blanchissent. Je décide de m'éloigner pour me calmer et je saute de mon perchoir, y laissant mon sac, mon hamac, et un garçon perdu. Je marche quelques minutes, mes pieds nus foulant le sol, et mon esprit envahis par la nature qui m'entoure. Je ferme les yeux et rejette la tête en arrière, un sourire béat accroché au visage, et je laisse mes sens me guider. Le bruissement de la brise dans les feuilles d'arbre, l'odeur de la pluie tombée cette nuit, les clapotis de l'eau de la cascade, les caresses de l'herbe encore humide de rosée sur mes chevilles, les gazouillements des mésanges et des rouges gorges, les klaxons des voitures au loin malgré l'heure matinale et soudain, un craquement qui me rappelle à la réalité bien trop tôt à mon gout. Une voix retentit derrière moi, mais je garde les paupières closes.

- Je suis désolé, mais il faut que je t'explique quelques chose, je... tu veux bien m'écouter s'il te plait, c'est important, il faut...

- Mes parents sont morts il y a trois jours, je le coupe durement, je me suis enfuie de chez moi, et je n'ai plus aucune attache, alors rien n'est réellement important à mes yeux.

Un silence accueille ma déclaration, et quand il reprend la parole, la voix de mon interlocuteur dégouline d'une compassion qui me fait grimacer:

-Je... Je suis vraiment désolé, je ne savais pas, si tu préfère que je t'en parles plus tard, je peux te laisser pour l'instant mais...

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