Chapitre 14

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Lorsque j'émerge de ma torpeur, la réalité me frappe une nouvelle fois de plein fouet et de grosses larmes salées embuent mes yeux encore gourds de sommeil et humidifient mon oreiller de tâches grisées. Mon esprit est toujours brisé et se relever est lent et douloureux. Les évènements ont ravagés ma vie comme un typhon et les dégâts qu'ils ont laissés derrière eux sont incommensurables. Chaque parcelle de ma conscience est en ruine et je n'arrive pas à me reconstruire, comme si ma famille était partie avec les fondations de mon âme.

Je me lève avec difficulté et me dirige vers le miroir derrière ma porte. Le reflet qu'il me renvoie est désolant. La fillette perdue qui se tient chétivement devant moi ne me correspond pas. Ses joues sont creusées par la faim et sa silhouette frêle et décharnée semble sur le point de se disloquer à chaque instant. 

Pourquoi suis-je encore ici? Rien ne me retient de partir rejoindre ma famille, alors pourquoi? Quelle est cette force qui me tient réveillée au milieu de ce chaos? Serait-ce cette impression au fond de mon cœur que l'aventure n'est pas terminé et que je n'est encore rien vécu de palpitant? Ou bien cette petite voix qui fait tourner en boucle dans ma tête le souvenir de ces adultes proclamant que la vie est précieuse et qu'il ne faut pas la gaspiller inutilement? 

Je me précipite vers la petite salle de bain mise à ma disposition pour échapper à cette vision désolante de mon état. Je dois me ressaisir et reprendre ma vie en main, sans la laisser dériver hors de contrôle comme je le fais depuis déjà quatre jours. Comment? Que dois-je faire? Reprendre les cours? Changer d'identité et recommencer à zéro? 

Les possibilités qui s'offrent à moi sont immenses. La liberté que j'ai est effrayante, car je dois faire tous ces choix sans ne rien regretter après. Je suis perdue au milieu d'un monde bien trop vaste pour moi, et d'une réalité bien trop dure à porter. Pourquoi n'y a t-il pas de conseiller d'orientation pour ça? Parce que je suis la seule à réussir à me mettre dans une situation pareille. Voilà la réponse.

Je suis seule, perdue et inondée de sentiments et de responsabilités trop lourdes. Qui pourrait m'aider? Personne. Ou alors... Non, je ne peut pas me reposer sur un inconnu croiser par hasard qui me raconte des fables... Ai-je vraiment le choix? Ne serait-ce pas la voie la plus simple pour moi? Une porte qui s'ouvre en grand, je n'est rien à perdre de toute façon, alors soyons fous ! 

Je fais demi-tour, j'attrape mon sac, fourre mon repas froid et mon livre dedans et me précipite dehors pour ne pas avoir le temps de changer d'avis face à cette idée folle. La liberté est tellement angoissante ! Je traverse les rues bondées au pas de course sans même penser à prendre le bus, mes écouteurs dans les oreilles, et je me sens enivrée par la vie qui m'entoure. Un sourire collé au visage, je continue ma course en profitant du moment présent, tandis que le regard froid des passants glisse autour de moi sans m'atteindre.

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