Chapitre 15

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   Les grilles de White Park se dessinent en point de fuite au bout de l'avenue. Les rayons du soleil matinal réchauffent le bitume et mon coeur euphorique, et je rentre dans le jardin sans une once d'hésitation.

   Le doute refait surface lorsque j'aperçois le chêne au tronc noueux au détour d'une allée. Il est plus majestueux qu'hier, plus imposant, comme si ses cernes renfermaient plus de secrets et je ne peux m'empêcher de chercher une touffe argentée entre les branches. Je décroche mes écouteurs et m'avance, intimidée, la tête levée vers la cime.

- Je savais que tu reviendrais !

   Je sursaute, le sol se dérobe sous mes pieds et je me sens tomber, mais une poigne musclée attrape mon bras et me retiens. Je reprends pied, et souffle, exaspérée.

- C'est quoi cette manie de toujours chercher à me faire peur? Je te signale que je n'ai aucune envie de retourner à l'hôpital pour crise cardiaque !

   Il arrête son geste et me fixe.

- Retourner?

   Je me perds à nouveau dans ses pupilles émeraude, le temps s'arrête mais je détourne les yeux et mon visage se ferme face aux souvenirs des pyjamas verts.

- Retourner... je murmure le coeur serré.

   Je lâche son bras et vais m'assoir au pied du large tronc, les genoux ramenés contre la poitrine et la regard vague levé vers la canopée. Les feuilles sèches craquent et je sens Lukas s'installer à côté de moi.

- Pourquoi moi? Qu'est ce que j'ai fait au destin pour qu'il s'acharne sur ma vie?

- Tu l'impressionnes... Je me tourne brusquement vers lui. Je veux dire... Il s'exclame, confus, tu... Tu es particulière, tu as des origines inconnues, tu vis chez les mortels et tu as un parcours incroyable, c'est titan !

- C'est quoi !?!

- C'est... Laisse tomber, c'est une expression grecque.

   On reste quelques instants assis, mais il décide finalement de se relever et me tend sa main pour m'aider à me mettre debout.Devant mon manque de réaction, il se justifie.

- Tu es venue parce que tu veux visiter Olympie oui ou non? Cronos ne va pas t'attendre !

- Cronos !?! C'est le titan du temps non? Qu'est-ce qu'il vient faire dans la choucroute ?

- La choucroute? Qu'est ce que c'est?

   J'explose de rire face à son air ahuri, mais je me reprend rapidement.

- Attends, tu es sérieux !?! La choucroute, le lard, les saucisses, le choux, le poivre... Je m'exclame face à son visage perdu. Bon, revenons à nos moutons, je souffle en me tenant l'arrête du nez, dépassée par son manque de culture, ton école, c'est pour aujourd'hui ou pour demain?

- Moutons... Il recule devant mon regard noir, whoa, du calme ma belle, les enfers c'est pas pour tout de suite. Euh... donne-moi ta main s'il te plait... il bredouille en se rendant compte de la façon dont il m'a appelé.

   Je le fixe pendant une seconde, hésitante, avant de lui tendre ma main droite. Il la prend délicatement, comme si il avait peur de me faire mal, et se place face à moi, avant de tendre l'autre main, les yeux fixés sur celle-ci.

   Mon regard passe de son visage à ses doigts, et j'hésite à lui donner mon autre main, mais tout-à-coup une lueur apparaît au creux de sa paume, avant de se matérialiser en un petit cristal. Je suis frappée par la couleur de celui-ci, il a exactement le même reflet que les yeux de Lukas !

   Je continue de fixer cet étrange objet, mais soudain, la lumière qu'il émet s'intensifie et le paysage et les bruits autour de nous s'estompent. Je sers sa main comme si ma vie en dépendait, et nous nous retrouvons nimbés d'une brume blanche et lumineuse.

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