Anger & Deities

Chapitre 16

   Lorsque je réouvre les yeux quelques secondes plus tard, l'herbe verdoyante et les arbres aux troncs noueux ont laissé leur place à un damier infini. Je tente de me repérer dans ce dédale infini, en vain. Mon esprit met du temps à analyser ce qui m'entoure, et, avant d'avoir eu le temps de mettre des mots sur mon environnement, je me retrouve projetée dans les aires, la main toujours enfermée dans la poigne ferme de Lukas.

   Mon environnement se stabilise enfin autour de moi mais je ferme subitement les yeux tandis que des relans d'acide remontent dans ma trachée. Une douleur aiguë me traverse le crâne comme une flèche le cœur de sa victime, et je me retrouve soudainement au sol, les paumes collées aux tempes et les épaules courbées sous un poids invisible, tandis qu'un son indescriptible me scie les tympans.

   Mes poumons se contractent à cause du manque d'air et je suffoque. Des larmes de douleur et de rage labourent mes joues et ma peau s'embrase comme si un feu destructeur alimenté par mon mal courrait le long de mes bras et brûlait chaque parcelle de mon épiderme. Je hurle à m'en arracher les cordes vocales, luttant contre cette force inconnue avec toute ma volonté.

   Mes pupilles s'enflamment et j'ouvre les yeux pour apaiser ma douleur et, malgré le paysage flou autour de moi, je comprends que le sol s'étend deux mètres sous moi, et que je lévite dans les airs, la tête rejetée en arrière et les bras ouverts. Ma vue déjà voilée par les larmes, se peint de taches grises et je me sens tomber tandis qu'une voix m'appelle au loin.

- Cassie !!! Cas...

Mais déjà, je sombre dans un néant infini.

★★★

   Vibrations, souffle, vrombissement... Poussière, sable, terre, sang, fer, acide... Rêche, doux, lisse, mou, sec... Propre, lessive, désinfectant, frais... Blanc, bleu, noir, gris, vert...

   Mes sens se rappellent progressivement à moi et mon esprit se réveille difficilement. Je me concentre et observe mon environnement, une chambre aux murs d'un blanc étincelant et aux décorations d'argent.

   Je tourne ma tête en grimaçant tandis qu'une douleur lancinante se propage le long de ma colonne vertébrale. Le tableau que j'aperçois me fait sourire; Lukas est affalé sur un fauteuil de cuir vert bouteille qui me fait étrangement penser à ceux de la bibliothèque de mon école, les bras croisés sur son torse, et ses paupières closes me confortent dans l'idée qu'il s'est envolé pour le pays des rêves.

   Je remarque alors les cernes qui encadrent son visage blafard, et cet état me fait froncer les sourcils, m'arrachant un grognement de douleur. Le bel endormi à mes côtés remue sur son siège et ses paupières papillonnent.

   Il s'étire en soupirant et je souris en continuant de l'observer, les sourcils relevés face à son attitude désinvolte. Il se tourne vers moi et son expression change lorsqu'il remarque mon réveil. Je lis un soulagement profond entre ses traits fatigués, et un mélange de remord et de quelques chose que je n'arrive pas à déchiffrer... De la peur? de l'admiration? Je n'y prête pas plus attention et m'exclame avec une voix que j'aurais voulu sévère :

- Qu'est-ce-que tu fais dans ce fauteuil? Depuis quand est-ce-que tu marine ici? Quelle heure est-il ? Où est-on?

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