Chapitre 9

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- Je ne veux pas de ta pitié, je l'interromps rudement, tout le monde me prends pour une victime, le chauffeur, le vendeur, et maintenant toi, laissez-moi tranquille, je ne veux pas de votre apitoiement, je veux juste qu'on me prenne pour une personne normale, je veux rentrer chez moi, revoir ma famille, je veux juste...

Ma voix entrecoupée de hoquets et de sanglots s'éteint et j'agrippe mes cheveux avec mes ongles dans un geste désespéré en m'acroupissant. Ma condition actuelle se rappelle à moi comme un ouragan et les larmes dévalent le long de mes joues en mouillant mes paumes collées à mes tempes. Une lumière blanche traverse le ciel obscurcis de nuages opaques et un grondement retentit au dessus de moi, mais je n'en prends pas compte et je m'enfonce plus profond encore dans ce tourbillon de ténèbres qui m'aspire et me fait perdre pied. De grosses gouttes s'écrasent sur ma nuque et coulent le long de mon dos, formant de longues trainées sombres sur mon chemisier bleu. Mes épaules s'affaissent et mes bras retombent lourdement le long de mon corps qui se détends, et je cligne des paupières pour me reprendre. Je me retourne vers le garçon derrière moi, dont je ne connais d'ailleurs toujours pas le nom et je suis surprise de son expression choquée et de ses yeux écarquillés. Il se reprend tout-à-coup en voyant que je le regarde et me lance, hésitant:

- Je... Ça va? Je... Enfin, tu pleurais donc... réagit-il en réalisant qu'il a encore de la compassion dans la voix. Tu... veux que je t'expliques pourquoi je suis là? Ça pourrais peut-être t'aider et te changer les idées, enfin... je ne sais pas...

Je souris de manière contrite et je détourne le regard, gênée de la fragilité que je viens d'exposer devant lui. Et dire qu'il ne me connais pas, que je ne le connais pas non-plus, et qu'il m'a déjà vu dormir, pleurer, lire, caresser un chaton et craquer. Il doit penser que je suis une psychopathe après tout ça. Je souffle, exaspérée par mon propre comportement et par ma propre faiblesse et accepte sa proposition. Il me propose de marcher et je décide de retourner à mon perchoir récupérer mes affaires actuellement sans surveillance, avec un petit espoir de retrouver le chaton qui m'a réveillée bien trop tôt à mon gout. 

Arrivés face à l'arbre, je remets la main sur mon sac et mon hamac restés sagement à leur place, je range les second en boule dans le premier et après un dernier regard triste de ne pas avoir retrouvé le petit animal, j'hésite quelques secondes à passer les grilles du square avec un inconnu qui veut me raconter des choses bizarres et qui me suit depuis plus de 48 heures, avant de hausser les épaules en observant la situation que je vit actuellement. Le ciel est toujours gris après l'orage et le bitume glissant me réjouis, je dois dire que j'adore la pluie; son odeur entêtante et naturelle à la fois, son clapotis incessant, les lumières qui fleurissent et éclairent les buildings habituellement si tristes, ses gouttes qui rebondissent sur mon front et mon nez, les parapluies colorés qui bourgeonnent sur les trottoirs, tout ça me fais retomber en enfance. Mon voisin se déride lui aussi face à mon expression innocente et je lui rends son sourire avec gaité. Il s'assombrit d'un coup et je penche la tête, signe que je ne comprends pas ce retournement de situation. 

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