Epilogue

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— Valoin !

— Valoin !

Ses mains cessèrent de trembler. Ses jambes ne s'agitèrent plus dans la flaque.

— Valoin !

— T'es sale !

Un bruit visqueux éclata sur le sol à côté d'elle. Peut-être était-ce de la nourriture, mais elle ne releva pas les yeux. Le panier vide, les poursuites pour échapper aux autres, Blondin qui ne revenait pas, tout avait raison de ses forces. « Valoin ! » criait-on encore. « Valoin ! » Elle l'aurait bien voulu. Mais personne ne la laissait en paix.

La foule hurlait dans la rue, à la fois proche et éloignée, et creusait le gouffre qui s'étendait dans son cœur. Ses chevilles lui faisaient mal depuis qu'elle avait tenté d'escalader les ruines près du Cœur Noir. Son esprit s'embrumait, elle se sentait au bord du sommeil. Elle ne voulait pas de ce sommeil-là. Elle voulait de l'aide, du réconfort. Elle voulait rester éveillée.

— VALOIN !

Un choc lui frappa le ventre à travers la robe. Ce projectile était dur. Blondin lui aurait dit de se recroqueviller, de protéger sa tête, mais une force invisible l'en empêchait. Maudite soit-elle. Son corps ne répondait plus, ses pensées vacillaient. L'obscurité grandissait, elle s'échappait des ombres pour envahir la lumière. Doux-doux, abandonné au sol non loin de sa tête, perdait ses contours. Le vide grandissait en elle.

Non, non, elle voulait encore voir le soleil.

— Eh.

Un garçon approchait. C'était celui-là, avec les verres fendus sur les yeux. Elle le vit, grande tâche floue, les remonter sur son front, en étalant des traces noires sur sa peau.

Il s'assit à côté d'elle.

— C'sont des choses qu'arrivent, murmura-t-il, alors que les cris au loin se ravivaient. Ma famille était comme toi, z'avaient attrapé cette maladie qui fait tousser. Tu connais cette maladie ?

Elle ne l'entendait plus. Elle l'ignorait. Elle imaginait Blondin à sa place, en train de la serrer contre lui.

Le garçon se racla la gorge, se déplaça sur le sol jusqu'à cacher la foule hargneuse.

— Z'étaient comme toi, z'avaient mal, continua-t-il à voix basse. Mais m'ain'nant, z'ont plus mal. Ça va faire pareil pour toi. T'as mal, mais bientôt, t'inquiète... Ça ira.

L'eau croupie de la flaque imprégnait sa robe jusqu'à la taille. Blondin la tordait pour faire tomber les gouttes. « Ça ira. » Elle sèchera.

— Valoin !

— Valoin !

La nuit tombait déjà. Mais Blondin la guidait vers le soleil. Le vent du vide jouait avec ses volants, avec les cheveux blonds de son frère. Le ciel devenait noir, mais il faisait toujours jour. Des lumières traversaient leurs yeux, se fondaient dans une nuit immense, qui continuait même sous leurs pieds.

— Valoin !

Elle sentait Blondin là, avec elle.

— Valoin !

— Eh, t'sais, Val.

Le dernier rayon de soleil disparut.

— C's'ra pas si terrible, entendait-elle au loin. C's'ra bien. Faut pas avoir peur.

Les lumières vivaient derrière ses yeux. Là où le monde cessait d'exister, là où commençaient ses rêves.

— Eh... ?

Plus de cris. Plus de froid.

— Val ?

Chauvette rêvait d'un monde où le bonheur existait. Elle rêvait d'un miracle qui l'aurait rendue à la vie, elle rêvait que toutes ses pensées deviennent réalité. « C'est possible », soufflait Blondin. « Je n'oublierai pas ma promesse », ajoutait-il.

Quelque chose poussait sur le front de Chauvette.

« Je n'oublierai pas ma promesse. »

Sous une boucle de cheveux roses, la petite fille rouvrit les yeux. 

Son cœur s'embrasait d'une flamme aux couleurs de nuits dansantes.




FIN

LES MIRACULES


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