Numbers, I. Numéro 13

Chapitre 15

Les nuages cachent toujours le ciel mais il fait étonnamment chaud et des bouffées de chaleur me viennent régulièrement. Des gouttes de sueur me dégoulinent sur le visage et des auréoles apparaissent sous mes aisselles. J'ai l'impression d'être une éponge qui a absorbé trop d'eau et qui doit donc rejeter le surplus. C'est dégoûtant !

- Reste-il de l'eau ?

Je vérifie dans mon sac, toutes les bouteilles sont vides.

- Elles sont toutes vides, on va devoir attendre un peu avant de pouvoir nous réhydrater.

N°5 grimace avant de s'éventer avec sa main. Je regarde la carte pour voir où en est notre progression, l'épisode de toute à l'heure nous à fait perdre considérablement du temps. A l'heure actuelle, nous aurions déjà dû être arrivés. Je souffle et calcule le nombre de kilomètres nous séparant du refuge. Environ neuf kilomètres. Deux bonnes heures devraient suffir - si nous ne traînons pas.

- N°13 ? On ne va jamais tenir à ce rythme, il nous faut de l'eau.

- La carte indique qu'on sort de la forêt dans trois kilomètres, je ne pense pas qu'on puisse s'hydrater avant un moment, je m'excuse.

Il me regarde plein de désespoir, la bouche affreusement sèche. J'aimerais moi aussi pouvoir boire, mais nous ne trouverons aucun point d'eau avant un bon moment.

- Le seul moyen d'étancher notre soif, c'est de hâter le pas et d'arriver le plus vite possible au refuge.

- Toujours aller plus vite, c'est toujours comme ça avec toi, braille n°8, nous ne sommes pas des machines, tu sais ?

- Oui, nous en avons marre de devoir toujours subir, grogne n°2.

Je regarde n°5, surprise et il acquiesce d'un hochement de tête. Je ris nerveusement avant de les contempler un à un. Il m'étonne de jour en jour mais le souci, c'est que ce n'est pas dans le sens qu'il faudrait. Plus nous passons du temps à gravir des échelons, plus ils se rebellent et plus je peine à les contenir. Si un jour ils pètent tous un plomb, je ne pourrais rien y changer, je le crains. La vérité, c'est que j'ai peur qu'ils se lassent peu à peu et finissent par me laisser, toute seule, sans plus personne et ce jour-là, je cesserai complètement de vivre, alors c'est pourquoi je dois rester forte et me battre encore un peu même si c'est contre eux. Je me suis plus rapprochée d'eux en une semaine qu'en sept ans et ce n'est pas franchement bon car maintenant je tiens trop à eux pour juste les laisser.

- Je sais que n°4, il... il aurait su mieux s'occuper de vous, j'en suis sûre et certaine mais... ma voix se fait tremblante. Mais il n'est plus là à l'heure actuelle, alors je suis désolée de toujours en revenir à ça mais je ne suis pas le mauvais flic et lui le bon, il n'y pas de ça. Je ne fais pas ça contre vous, je veux juste survivre pour lui, qui m'a permis, à moi, de vivre. Si vous ne voulez pas comprendre ça, j'en suis désolée, mais moi je continuerai d'avancer jusqu'à mon avenir sans me plaindre et avoir peur, j'affirme assurément, la voix plus ferme.

Je reprends haleine après ce long discours et leur fais face. Pour une fois, je ne compte pas fuir leurs regards, je vais les affronter fièrement sans craindre quoi que ce soit.

Je plonge mon regard dans celui de n°8, elle le maintient un instant mais finit par le détourner, déstabilisée. Je balaye les autres du regard et tous baissent la tête.

- Bon, je ne voulais pas en arriver là, mais vous n'êtes pas des enfants comme les autres rappelez-vous, alors ne vous comportez pas comme tel, nous avons supporté sept longues putains années de tests et d'enfermement, ce n'est pas l'eau qui va avoir raison de nous, si ?