Chapitre 62

38 7 0
                                    

Scott pianote sur son téléphone pendant une bonne partie des deux heures qui s'écoulent alors que mes cousins me montrent des photos qui appartiennent à leur mère. On parle de notre famille. J'apprends à connaître ceux avec qui j'aurai du passer les dix-sept premières années de ma vie. Julien prend le temps de m'expliquer des détails jusqu'à me dire que notre grand-mère parle toute seule la nuit et qu'elle raffole des tartelettes à la fraise.

_Vous avez l'air heureux.

_C'est le cas même si ma mère est un peu trop collante, on vit bien.

_Et votre père ? Il travaille dans quoi ?

_La sidérurgie. Il fabrique un tas de trucs parfois horribles mais d'autres fois, il nous ramène des petites sculptures mesurant seulement cinq ou six centimètres. Des animaux ou des objets du quotidien embellis par son art.

_Ça doit être beau.

_Ca l'est !

Mon plus grand cousin, Fred, me tend un porte-clefs qu'il sort de sa poche. Évidemment, il y a plusieurs clefs mais aussi un petit objet de bronze. Contrairement aux apparences, il est assez lourd. Très bien travaillé... mais lourd ! C'est un petit dragon qui crache des flammes.

_C'est vraiment bien fait.

_Mon père me l'a offert pour mon sixième anniversaire. Je parie que tu ne t'attendais pas à ce qu'il soit aussi lourd ! N'est ce pas ?

_Oui, je dois admettre que ça fait son poids cette petite créature !

_Et toi James, parles nous du tien. J'ai cru comprendre que tu passes un bon nombres d'heures ici mais qu'en est-il de ton père ?

Je ne sais pas si c'est une bonne idée mais que ce soit aujourd'hui ou dans un mois, qu'est-ce que ça change ? Si je ne leur dis pas maintenant, ils risquent de se faire de mauvaises idées à son sujet... Alors je me lance.

_Mon père... Au-delà des liens du sang, c'est Jonas. Mon géniteur n'a aucune importance à mes yeux. Il fait parti du passé.

_Est-ce qu'il ne t'acceptait pas ?

_Pour être honnête, autrefois c'était un homme bon. Il s'occupait de moi comme n'importe quel père mais depuis la mort de ma mère, il s'est laissé couler dans les profondeurs de l'alcool. Il a laissé sa peine le bloquer sous une pierre mais il ne l'a jamais soulevé si bien qu'il est resté dans sa détresse. Il est devenu violent et alcoolique. Il est possible... Il est possible que sans Scott, vous ne m'auriez jamais rencontré.

_Que veux-tu dire ? Est-ce qu'il te faisait du mal ?

_Jusqu'à ce que Scott n'intervienne, jusqu'à ce qu'il se fasse frapper pour m'aider, oui. Il me faisait du mal. Je me suis déjà retrouvé dans des états catastrophiques. Quelques médecins ont reconnus mon visage, à l'entrée de l'hôpital. Croiser les doigts ne leur à pas empêché de me retrouver dans des états monstrueux.

Je marque une pause en voyant que Scott tend le bras vers Julian pour lui montrer son téléphone. Mon cousin fronce les sourcils en relevant la tête vers moi.

_Pourquoi est-ce qu'il t'a fait ça ? Il faut porter plainte. C'est horrible qu'un père face ça à son fils !

_Il ne contrôlait plus rien. L'alcool le faisait disjoncter.

_James...

Mon petit ami vient s'asseoir à côté de moi pour prendre ma main. Il la sert dans la sienne mais toute énergie le quitte quand il se détourne vers la fenêtre en me disant :

_Il n'était pas toujours sobre.

_Il n'empêche que quand je repense à ma mère, je vois le bon père qu'il à été. Elle était heureuse de le retrouver, chaque soir.

_Tu es trop gentil avec l'homme qu'il est devenu. Ne laisse pas ta gentillesse gâcher ces souvenirs avec le monstre qu'il est devenu. Tire un trait sur lui. Ce sera mieux pour toi et ta famille.

Son ton à totalement changé. Il était sombre et sa voix dépourvue de sa joie habituelle hors la, quand il tourne le visage vers moi, c'est pour me dire ces mots emplis d'un futur prometteur et de rêves. Pas seulement des rêves mais des rêves éveillés.

_Pour notre famille aussi.

Je dépose mon front contre son épaule en fermant les yeux. Pourquoi est-ce que je viens d'essayer de me convaincre que je retrouverai mon paternel comme il était dans notre ancienne vie alors qu'il m'a infligé tant de souffrances ? Je dois être un cas désespéré pour Jonas. Après tant de moments sombres... Il doit sûrement regretter de m'avoir prit à sa charge... Je sens mon cœur se serrer subitement et les larmes monter... Bon sang... Je ne me débarrasserais jamais de mon passé.

_James Lesroses, tu vas ouvrir grandement tes petites oreilles.

Et quand on pense à Jonas... Sa voix vient toujours troubler nos songes. Que va-t'il me dire ? Que j'ai renversé de la grenadine sur mes vêtements ? Pas possible, j'ai vidé mon verre. Alors, qu'il veut le récupérer pour le mettre à laver ? Non, il n'aurait pas pris un ton aussi sérieux s'il s'agissait de cela et il ne m'aurait même pas demandé.

_Je ne regrette pas de t'avoir pris dans ma voiture après tes cours, quand tu avais le cœur aussi brisé que celui du roi lion quand il a perdu son père. Je ne regrette pas non plus d'avoir signé une tonne de paperasse pour avoir ta garde bien que je déteste les formulaires et ce genre de choses. Et je ne regrette pas non plus toutes les nuits ou je me suis réveillé en sursaut pour calmer tes pires peurs. Alors mon p'tit bonhomme, tu vas chasser ces pensées toutes noires et faire apparaître ton sourire comme tu le fais si bien quand Scott est dans les parages ! Est-ce que c'est bien clair ?

Il me coupe le souffle. Jonas m'a sauvé la vie. Il m'a redonné une possibilité de me réveiller le matin, de prendre un bon petit déjeuner sans jamais avoir peur que ma vie soit en danger et celle de fermer les yeux le soir, en sachant que si je fais cauchemar, il se réveillera pour veiller sur moi.

_Mais pourquoi est-ce que tu ne te reconvertis pas en voyant... ?

_Figures-toi que mon frère et moi jouions à arnaquer les voyageurs lors de nos premières vacances. On leur promettait un avenir dépourvu de sens et on repartait avec deux euros à chaque fois et tu sais ou ils finissaient ? Dans les machines à chewing-gum à côté de l'accueil du camping !

_Une personne aussi clean que toi ne peux pas faire ça.

_Oui, moi aussi je regrette quelques petites mésaventures qui me sont arrivées avec mon frère. En revanche la n'est pas la question. Fais moi un sourire si tu veux que je retourne dans le grenier au lieu d'écouter votre petite conversation. J'ai un tableau à finir.

_Tu as toujours un tableau à finir, en même temps.

_Pas quand je viens d'en achever un.

_Moui...

Mon cousin se lève pour s'étirer puis il m'adresse un petit sourire en s'adressant à moi.

_Je comprends que tu prennes cet homme comme ton père. Il a l'air de tenir à toi.
_Il prend soin de moi comme un père... A mon avis, plus d'une femme aimeraient l'avoir à ses côtés. C'est une perle rare.
_C'est bien plus qu'une perle rare. C'est une perle unique.
_Exactement.

Rêve Éveillé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant