Chapitre 2

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Olivia Solder

« Bonsoir Olivia, la soirée se termine n'est-ce pas ? La nuit tombe, n'aurait-il pas été plus prudent d'être chez toi à cette heure-là ? Plus prudent pour toi, sans aucun doute... Mais tu n'aurais pas pu sauver ton père, j'espère qu'il aura le temps de te manquer, et que ton absence auprès de lui ce soir te rongera. Mais je ne suis pas abominable mon enfant crois-moi, quand ta douleur sera trop forte, je me chargerai de faire le travail manquant, celui qui te permettra de le rejoindre. »

Je me suis assise là où j'étais auparavant avec une lenteur effrayante. Mathias n'avait pas encore récupéré son téléphone au sol, la seule chose qui a changé dans ce qu'on a entendu l'un l'autre, ce sont nos prénoms après le bonsoir. Puis sans réellement avoir le contrôle de mes jambes, j'ai attrapé ma guitare, et dans un seul mouvement je l'ai rangé, j'ai attaché mes Docs Martens et je suis allée secouer mon frère. La précipitation a alors gagné le corps des trois garçons dans la même seconde, Louis a appelé la police, Mathias a rangé ses affaires, et Armand a commencé à se précipiter sans savoir véritablement quoi faire. L'appel de Louis n'aboutissait pas, le serveur avait l'air perturbé, la ligne était complètement injoignable. Armand nous a poussé dehors et s'est mis à courir en tête de file en direction de chez Mathias et moi.

L'adrénaline s'est vite liée à l'angoisse, les poumons et les capacités sportives de Louis et Mathias les limitent dans leurs mouvements. Retardés par eux, Armand et moi avons attrapé leurs mains pour les pousser à accélérer malgré tout. Le téléphone d'Armand a sonné, certainement ses parents qui lui reprochaient de ne pas avoir fermé la porte à clé ou encore qui lui demande où il a pu partir à cette heure comme un voleur, mais il n'a pas décroché. Chacun connaissant le trajet absolument par cœur, seules nos ombres étaient perturbées par les espaces entre les lampadaires, pour autant elles filaient tout droit vers leur itinéraire.

Mathias a presque retiré la porte de ses gonds en entrant dans la maison, il s'est mis à hurler et a refusé que l'on entre. Évidemment, l'ordre a été parfaitement ignoré par tout le monde. Le téléphone d'Armand s'est remis à sonner, son père l'appelait, il a répondu cette fois.

- Je vais lui demander de venir aider, a-t-il dit comme pour se justifier.

Mais l'horreur a repris.

- Bonsoir Armand, la soirée se termine n'est-ce pas ? La nuit tombe, n'aurait-il pas été plus prudent d'être chez toi à cette heure-là ? Plus prudent pour toi sans aucun doute... Mais tu n'aurais pas pu sauver ton père, j'espère qu'il aura le temps de te manquer, et que ton absence auprès de lui ce soir te rongera. Mais je ne suis pas abominable mon enfant crois-moi, quand ta douleur sera trop forte, je me chargerai de faire le travail manquant, celui qui te permettra de le rejoindre.

La voix raccroche à nouveau et nos corps restent parfaitement immobiles. Louis était prêt à faire le chemin en sens inverse. Il était déjà à la porte, mais la voix grave d'Armand l'arrêta à nouveau.

- Non, ça ne sert à rien, autant qu'on comprenne ce qui s'est passé ici d'abord, essaye de joindre les pompiers pour mes parents Louis, tu connais l'adresse.

Comme souvent, Armand était imperturbable, le visage légèrement sévère, il commençait à inspecter la maison, connaissant chaque pièce presque aussi bien que moi.

Rien n'était en ordre, ma propre maison me paraissait bien loin d'être un espace que je connaissais ou dans lequel j'avais pu vivre, ni même dans lequel j'avais déjeuné le matin même. Si on m'avait dit qu'une tempête s'était déchaînée ici, j'aurai pu le croire. Le plafond n'était pas parfaitement en état, le canapé était éventré, retourné, il y avait de la terre de partout, comme si la maison avait été abandonnée de toute humanité depuis des années. La table basse était elle aussi retournée, fracassée contre le sol. Je reconnaissais le vase de mariage de mes parents, brisé en gros morceaux au sol, près de la télévision, renversée elle aussi contre le meuble, mais dont le fil qui la reliait aux prises électriques l'avait sauvé d'une chute certaine vers le sol.

Mathias s'était précipité à l'étage en arrivant, mais après cette inspection rapide des lieux, j'eu à peine le temps de courir vers l'escalier qu'il descendait le teint livide.

- Papa n'est pas en haut... Maman non plus.

Les larmes commençaient à me monter aux yeux, l'adrénaline descendait et la réalité de la situation commençait doucement à me parvenir. J'ai quitté l'escalier, ai de nouveau traversé les ruines de mon salon et je me suis dirigée vers la cuisine.

Sans véritablement être sûre de ce que je voyais dans mes yeux embués par les larmes, j'ai hurlé et me suis effondrée au sol, les garçons se sont précipités vers moi, mais ont rapidement rejoint un état de choc semblable au mien. Je voulais avertir Mathias de ne pas venir ici, mais rien d'autre qu'un cri n'est sorti de ma bouche, partant des escaliers, il a mis quelques secondes de plus à nous rejoindre, le choc fut immédiat pour lui aussi.

Le corps de mon père sans vie trônait sur une chaise dans la cuisine, les bras et les jambes attachés, sa tête était retombée contre son torse. Je me suis relevée, secouée par les sanglots et j'ai attrapé son visage entre mes mains, il était beau, son visage était étrangement pâle, ses yeux étaient fermés, il semblait presque endormi et apaisé, mais le froid de sa peau trahissait le manque de vie en lui.

Mathias m'a rejoint, m'a attiré contre lui, a plaqué ma tête contre son corps, comme s'il avait, par ce geste, essayé d'effacer cette scène de mes yeux en les coinçant sous son torse, mais toutes les images étaient parfaitement retranscrites dans mon esprit, et elles n'en sortiraient plus. Assis dans les décombres de ma cuisine, proche du corps de mon père, Mathias et moi pleurions, tandis que Louis et Armand se battaient avec leurs téléphones pour joindre les pompiers, ou une autorité qui pourrait nous aider, mais aucune d'elles n'était joignable.

La nuit était déjà largement tombée, Mathias et Louis avaient emporté le corps de mon père à l'extérieur, maintenant nous avions tous les quatre, sans aucune concertation, entrepris de faire un brin de ménage, machinalement, plus dans l'objectif d'y comprendre quelque chose je pense. Les meubles avaient été relevés et remis à leur place. Mathias avait allumé la télé ironiquement en espérant redonner vie à l'espace, les débris de verre et la terre avaient été balayés dans un coin. En une demi-heure, j'étais en boule sur le canapé dont la mousse s'échappait à moitié, un plaid autour de moi, le corps frigorifié, il était déjà plus d'une heure du matin à présent, mais le sommeil n'avait gagné aucun de nos corps...

Alors que nous nous décidions à retourner chez Armand tous ensemble pour ne pas se mettre en danger séparément. Nos sangs se glacent, nos téléphones sonnaient tous en même temps, à l'exception de celui de Louis, mais la peur sur son visage se lisait aussi bien que sur les nôtres...

Nos sonneries s'étaient remises à nous hanter, mais aucun d'entre nous n'avait encore appuyé pour répondre que la voix emplit déjà toute la pièce, nos téléphones ne répondaient plus qu'à elle.

« Bonsoir Olivia, j'espère que tu n'es pas trop inquiète, cela ne sert à rien de chercher votre mère, c'est avec moi qu'elle est. Ne t'inquiète pas, tout va bien pour elle, sa vie n'est pas en danger. Cependant la tienne ne tient pas à grand-chose. La nuit est longue n'est-ce pas ? Le sommeil est difficile à trouver... Je le conçois, mais crois-moi qu'absence de sommeil ou non, la réalité ne tardera pas à te rattraper. Alors tu peux te permettre de dormir, ton cauchemar est sous tes yeux, et lui ne dormira pas. »

Je hurlais dans la pièce, insultant cette voix alors que la mienne était complètement déchirée par les sanglots, Armand me tenait dans ses bras, essayant de maîtriser ma détresse, j'aperçus Louis dont les yeux étaient écarquillés devant la télévision et dont le doigt était pointé dessus, il avait l'air d'un enfant d'une décennie passée qui découvrait la télévision pour la toute première fois.

- La voix... Je suis persuadé qu'elle est sortie de la télé aussi... Il a murmuré.

D'une façon assez unanime, nous avons compris que nous étions loin d'être seuls dans cette situation, et que le malheur s'emparait de nous plus vite que nous l'avions vu arriver...


Hello, j'espère que ce chapitre vous a plus ! 


A bientôt !

Ici, tout est blanc. (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant