Chapitre 11

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Mathias Solder

Ce matin j'ai essayé de peindre, c'est tout ce que j'arrive à faire quand je suis seul et pour mieux occuper mes nuits blanches depuis qu'elle est partie. Mais plus rien n'est beau à dessiner ici, les arbres n'ont plus aucune feuille, la ville n'est plus verte, les couleurs n'apparaissent plus et je suis persuadée que l'apocalypse finira par nous tomber dessus, cela ne surprendrait plus personne.

J'ai rejoint Jade à 14 heures, c'est la seule amie que j'ai gardé du collège, à l'exception de Louis et Armand évidemment. C'est une jolie métisse de 18 ans, avec de fines dreads qui lui tombent jusqu'aux fesses. Elle a toujours des tenues simples qu'elle accessoirise avec des tonnes de bijoux et des pierres aux vertus multiples. Et surtout, elle a toujours le sourire et elle partage mon amour pour l'art.

Elle m'a accueilli chez elle, souriante, avant Jade vivait chez sa tante, une vieille femme qui adorait les plantes par-dessus tout et dont la maison en était remplie. Au collège, Jade et moi passions des heures à les peindre en écoutant des vinyles de toutes sortes de culture que sa tante laissait tourner à longueur de temps. Sa tante est décédée peut-être deux mois avant que notre enfer débute, Jade avait pu garder la maison, payé par son père qu'elle ne voyait jamais, pour des raisons que j'ai toujours ignoré et que j'ignorerais surement toujours.

Nous nous sommes installés comme nous l'avons toujours fait et nous avons écrit avec l'odeur d'un thé aromatisé et la musique d'un très vieux vinyle.

Ce fut la première fois depuis le début de notre enfer, et surtout depuis la disparition de ma petite sœur, que j'eus la sensation d'être apaisé et d'être dans un espace sain pour moi. Les discussions que nous avions ne tournaient pas autour de ce que nous vivions et prenaient parfois même le soin d'éviter un élément qui pourrait la rappeler. Ce furent des heures, aussi rapides soient-elles, de pause pendant notre enfer.

La réalité rattrapant toujours tout le monde, une fois que j'eus quitté la jolie maison de Jade, je me souviens que j'avais ce soir une « réunion » à la mairie du village.

Cédric, celui qui avait parlé à la cérémonie faite à nos 4 disparus, avait décrété que nous devions prendre en main la situation. Il avait « élu » les personnes qui avaient le plus représentés les autres ces derniers jours. Par conséquent, j'y étais invité, ainsi que ceux qui avaient géré l'inventaire de la nourriture depuis le début, Louis était donc des nôtres.

Nous étions une quinzaine et nous devions essayer de trouver un moyen de sortir de cet enfer.

Je suis arrivé deuxième, Cédric avait déjà ouvert la salle, je ne l'appréciais pas trop, non pas qu'il m'ait fait le moindre mal. Je le trouvais trop décisionnaire et directif, pas assez à l'écoute et surtout beaucoup trop sûr de lui. La disparition de sa petite sœur l'ébranlait à peine à présent à le voir parler avec un sourire à tout le monde. Je n'avais pour lui aucune amitié, presque un sentiment haineux de jalousie de le voir se sentir si bien alors que moi je me sentais meurtri.

Notre équipe se formait, les quatre premières qui avaient fait l'inventaire jusqu'ici arrivèrent en même temps que Louis, rentrant tous ensemble collectivement de leurs « tâches ». Le cousin de Cédric, Paul arrivait à leur suite, il devait avoir 16 ans, avait le même air sûr de soi que son cousin et avait été choisi parce qu'il avait aidé à laver le seul HLM du village, raison visiblement suffisante quand on est de la famille du chef.

Une petite blonde, nommée Sol, celle que j'avais vu chez Méline lorsque nous avions nettoyé chez elle, arrivait-elle aussi au bras du petit frère de Sacha, Milo, tous deux invités parce que leur frère ou leur sœur avaient disparu en même temps ou juste après la mienne en essayant de rejoindre un village voisin. J'avais été invité à ce titre là et également au titre de « commandant », puisque la première nuit j'avais pris la parole pour calmer la foule.

Le dernier qui arrivait était manifestement le plus jeune du groupe. Il avait à peine 14 ans, il s'appelait Evan, il était l'un des plus jeunes encore parmi nous d'ailleurs. Il avait été choisi pour faire partie du groupe par Cédric pour des raisons que l'on ignorait visiblement tous. Je ne l'avais jamais aperçu jusqu'ici et au vu des regards lancés par les autres, je n'étais pas le seul.

La pièce était simple, je n'avais jamais eu l'occasion d'entrer à l'intérieur auparavant. Il y avait une grande table et des chaises autour, dont nous occupions à peine la moitié, un vidéo projecteur avec une estrade à droite, et des fenêtres sur toute la façade intérieure, aussi bien qu'extérieure. Cédric s'était levé et était monté sur l'estrade pour nous faire face.

- Je tiens à préciser que je ne sais pas si mon idée est bonne ou non mais je me suis dit que nous avions besoin de chercher des réponses et que nous ne pouvions pas continuer de le faire tous de manière individuelle, à utiliser nos manques de sommeil pour chercher des réponses à des questions que nous ne comprenons même pas. Je ne connais pas personnellement la plupart d'entre vous, mon choix s'est porté sur vous de manière assez instinctive et j'espère ne pas m'être trompé. Honnêtement, je ne sais pas ce que je cherche, ni ce que nous devrions chercher, j'espère simplement que nous réussirons à amener des réponses et le sourire dans le village, et si nous le pouvons pour quatre d'entre nous, ramener nos frères et sœurs. Pour tous les autres, nos mamans ou nos grandes sœurs.

- Excusez-moi, a chuchoté Sol après avoir attendu quelques secondes pour s'assurer que Cédric avait bien fini de parler, mais j'ai juste l'impression constante qu'on nous écoute. Je ne sais pas si c'est votre cas, son regard a balayé la salle et certains ont approuvé, elle a poursuivi dans un murmure, mais je pense sincèrement que pour regrouper autant d'informations et faire le coup « d'état » que ces gens ont fait, ils nous ont écouté, épié, surveillé... donc ça ne m'étonnerait pas qu'ils le fassent toujours.

- La mairie est surveillée uniquement de l'extérieur, c'est à dire que les caméras ne peuvent pas filmer à 180°, je les ai désactivées quand Cédric m'a parlé de son idée, par lettre, y'a quelques jours. J'ai vérifié ce matin et elles sont toujours désactivées. J'ai utilisé un logiciel, mais j'ai du mal à détecter si oui ou non il y a des micros cachés. Le logiciel est censé détecter tout appareil en Bluetooth autour de lui, mais il est suffisamment ancien pour se faire berner par un système d'écoute récent.

C'était Evan qui avait parlé, avec une grande assurance et j'ai toute suite compris pourquoi Cédric l'avait choisi. Il avait des compétences visiblement supérieures à beaucoup d'entre nous. Il était plutôt grand et costaud pour un visage enfantin comme il avait, mais il y avait une véritable force au fond de ses yeux, une énergie pure et dure que je ne saurai expliquer.

- Comment as-tu pu utiliser un logiciel comme ça ? Ils l'ont forcément vu, tous nos appareils sont traqués, a argumenté Sol, visiblement méfiante.

- Ce serait long à expliquer, mais je pense avoir brouillé mon ordinateur, pour eux, il est certainement éteint.

- Donc tu peux contacter l'extérieur ? a lâché une des filles du groupe de l'inventaire.

L'espoir venait de renaître dans la pièce, il s'est mordu la lèvre.

- Je crois que je pourrais, mais je crains qu'ils retrouvent mon ordinateur comme ça, ils ont forcément de meilleurs appareils que moi et si je peux rester caché d'eux pour le moment, je crois que c'est préférable pour nous.

Il avait raison, tout le monde le savait mais le silence était unanime, ses joues s'étaient teintées de rouge.

- Enfin c'est mon avis... si vous voulez que j'essaye je...

- Tu en fais déjà assez pour le moment Evan, ne te mets pas en danger.

Les mots étaient sortis tout seul de ma bouche, il était trop jeune, il devait être protégé au même titre que les autres, peu importe ses compétences.


Hello ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! 


A bientôt !

Ici, tout est blanc. (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant